Faut-il prendre les sondages politiques au sérieux ?

Dans le registre médiatique, est-il besoin de souligner comme l’enthousiasme se porte plus volontiers vers l’eau tiède de la pensée et du questionnement que sur l’intelligence percutante, critique mais courtoise ?

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Faut-il prendre les sondages politiques au sérieux ?

Publié le 24 octobre 2017
- A +

Par Philippe Bilger.

C’est à peine une pochade même si je vais forcer le trait.

Je ne vais pas, comme tant d’autres, me moquer des instituts de sondage qui ont su ces derniers temps prévoir avec justesse les victoires et les défaites. En revanche je suis beaucoup plus réservé quand, pour le classement de personnalités politiques ou autres, ici ou là, on nous annonce que les unes sont à la baisse et les autres à la hausse.

Il paraît que le président de la République et le Premier ministre, après une courte embellie, déclinent à nouveau (Le Figaro).

En réalité je suis moins réservé qu’amusé. En effet tout démontre – dans quelque domaine que ce soit, du grave au futile, du médiatique au populaire – que l’alternative n’est pas entre le meilleur ou le pire mais oppose le risque de l’être au confort du néant.

Les vertus qui permettent d’admirer : courage, sincérité, absence de démagogie, refus de l’infantilisme démocratique, liberté, vérité, sont en effet aux antipodes des dispositions qui sont de nature, dans notre monde, à recueillir les suffrages de ces consultations, qu’elles aient un tour officiel ou non.

La gloire de l’immobilisme

Il suffit pour s’en convaincre, de constater l’aura, la réputation, voire la gloire qui s’attachent inéluctablement au silence, à l’effacement, à l’immobilisme. Quand le sort ou son propre tempérament vous font échapper à la tentation de l’action, à cette irrépressible envie d’accomplir et de transformer, qui crée immédiatement et durablement des hostilités, des fractures et des dissidences, on est à peu près assuré de demeurer dans un panthéon qui vous distinguera à proportion de votre inexistence.

Sur un plan artistique, pour démontrer que l’affirmation de soi est préjudiciable partout à une adhésion majoritaire, je n’ai pas l’ombre d’un doute sur ce qui adviendrait à Catherine Deneuve si elle n’avait pas le cran et l’indifférence audacieuse qu’on lui connaît. Quand elle met en cause l’utilité du hashtaglesporcs et qu’elle dénonce « un déferlement ignoble » à ce sujet, elle serait vraisemblablement en queue de la sélection (Huffington Post).

Eau tiède v. Intelligence percutante

Dans le registre médiatique, est-il besoin de souligner comme l’enthousiasme se porte plus volontiers vers l’eau tiède de la pensée et du questionnement que sur l’intelligence percutante, critique mais courtoise ? Ce qui fracture même pour le meilleur est rejeté au profit de ce qui unit même pour le pire.

Nous connaissons l’extraordinaire popularité d’un Jacques Chirac sympathique, chaleureux, affaibli, éloigné du pouvoir, d’autant plus intense qu’il avait déjà présidé sur un mode tranquille et consensuel. Aucune vague ne troublait la surface étale de sa gestion.

Le jour où on n’entendra plus parler de Nicolas Sarkozy, où il se contentera dans la discrétion de conférences rémunérées, lui aussi parviendra au zénith.

Lorsque François Hollande se taira, devenu lucide sur son absence de légitimité post-présidentielle pour conseiller, enjoindre ou s’agiter encore, il touchera le sommet dans l’opinion.

Le plus petit dénominateur commun

Qu’on se souvienne des splendides apothéoses d’hommes ou de femmes sublimés par le fait qu’ils avaient en réalité, avant l’heure, quitté le territoire agité de la vraie vie, du souffle puissant de l’emprise sur les choses et les êtres.

Je n’irai pas jusqu’à soutenir que la baisse dans les sondages est la rançon bienfaisante d’une politique et d’une personnalité qui n’ont pas décidé de mourir de leur belle mort, de leur vivant. Mais je n’en suis pas loin.

Je songe à Georges Clemenceau qui, questionné sur son vote, affirmait « toujours voter pour le plus bête ».

Je me souviens du mot si drôle et si terrible de Philippe Séguin sur Edouard Balladur quand il dominait dans les sondages avec un mauvais projet lors de la campagne présidentielle contre Jacques Chirac : « Même si Edouard Balladur réussissait quelque chose, il continuerait à monter dans les sondages ».

Ne pas trop se risquer

Ces deux saillies très conscientes qu’en politique comme dans toutes les autres activités de lumière et d’éclat, il ne faut pas faire peur mais rassembler autour du plus petit dénominateur commun, surtout ne pas bousculer. A la rigueur faire illusion, donner l’apparence de l’énergie et du mouvement mais en réalité bien se garder d’engendrer la moindre contradiction.

Surtout ne pas affronter ni assumer le risque « de l’être ». Mais confortablement jouer la comédie du « néant » qui pour certains n’est pas un rôle à contre-emploi.

Si jamais l’élection avait eu cours dans la magistrature pour promouvoir les remarquables au détriment de la masse des autres, c’est évidemment au sein de cette dernière que l’élu aurait été choisi.

Sondages ou non, aucune hésitation à avoir. Dès lors qu’on a la volonté de vivre – j’aime énormément « Exister c’est insister » – et de justifier sa présence sur terre, tenter d’être intensément, le moins médiocrement possible et fuir tout ce qui de près ou de loin pourrait ressembler, par anticipation, à sa disparition.

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  • les sondages sont une manipulation pour faire ou défaire une loi…
    par contre ,qui est sondé ???qu’elle critère ?

    • @ Lou fabe
      Si on analyse un sondage, c’est un ensemble de « biais » possibles prenant une « photo instantanée » d’une partie d’un groupe à un moment plus ou moins précis (contexte).

      Quand il s’agit d’un sondage « d’opinion », on introduit une « erreur fatale » entre celui qu’on est et celui qu’on veut « montrer »!

      Entre les données brutes recueillies (objectivement?) et la présentation qui en sera faite, toutes les distorsions possibles par les intermédiaires ne feront qu’éloigner le cliché instantané de la réalité prise pour cible, arbitrairement! Qu’espérer d’un sondage et comment faire pour le prendre au sérieux?

  • « Jouer la comédie du néant qui, pour certains, n’est pas un rôle à contre-emploi ».
    Magnifique et si vrai.

  • a mikylus merci de vos commentaires …tres utiles …entre les sondés et ce que pense en réalité les gens ,ce n’est pas pareil un sondage c’est oui ou non sur des questions dirigés mais qui ne reflète pas la réalité. ..
    et dirigé la société par des sondages vu le résultat…
    c’est bien pour çà ils ont une trouille de voir les jeunes manifesté. ..

  • ce Mr ..aurait dû mettre son savoir pour la justice… donne son avis sur tout..television ,radio…une overdose ….
    et quel justice en France ….une femme vole 2 boîtes de cassoulet pour nourrir ses enfants 4 mois de prison ferme ..un élu conflit d’intérêt et enrichissement personnel ,inéligible 2 ans prison avec sursis..
    vous appeler çà la justice…
    il ne faut pas s’étonner de la violence de la société. .

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