APB ou le mépris français pour la jeunesse

La plateforme APB devrait être réformée en profondeur. Ce ne sera pas du luxe, 127 000 bacheliers ayant été abandonnés en 2017 à une procédure totalement aléatoire.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

APB ou le mépris français pour la jeunesse

Publié le 30 octobre 2017
- A +

Par Vincent Feré.
Un article de Trop Libre

Article initialement publié en septembre 2017.

Le 14 juillet dernier, à la veille de la troisième vague d’affectation des futurs étudiants par APB, sigle désignant la plateforme « admission post-bac », 16 % environ des bacheliers n’avaient pas trouvé de place dans l’enseignement supérieur, 127 000 sur 808 740 très exactement.

À la fin de l’été, quelques jours avant la rentrée universitaire, ils étaient encore 6000 dans ce cas. Un scandale pour un pays fort de sa démographie, un scandale plus grand encore au terme d’un quinquennat qui avait fait de l’école et de la jeunesse un de ses chantiers prioritaires.

Il convient donc de saluer le souhait du ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, de placer la rentrée scolaire sous le signe de la confiance, confiance envers les acteurs de l’enseignement, sans doute aussi confiance retrouvée des Français dans leur école. Toutefois, les dysfonctionnements d’APB en 2017 montrent l’ampleur de la tâche à accomplir pour concrétiser la volonté ministérielle.

 

À l’origine d’APB…

La plateforme APB a été créée en 2009 pour faciliter l’affectation des bacheliers dans le supérieur. APB ambitionnait même d’être l’outil d’une orientation positive des lycéens – le mot sélection semblant définitivement tabou -, leur permettant d’accéder prioritairement aux filières correspondant à leur projet, à leur parcours et à leurs résultats… dans la limite des places disponibles.

Las, APB  s’est rapidement transformé en une vaste machine aveugle et incontrôlée, conduisant les universités à faire un choix par tirage au sort parmi les étudiants dans certaines filières.

En 2017, 127 000 étudiants étaient sans affectation dix jours après les résultats du baccalauréat.

Huit ans après sa création, APB apparaît donc surtout comme le produit et la synthèse des maux dont souffre l’école en France.

 

Centralisation et inégalités

En 2017, APB a connu 46 000 candidatures de plus qu’en 2016 mais rien n’avait été prévu pour les accueillir dans le supérieur. Le système français d’enseignement, hyper centralisé, s’est ainsi montré incapable d’anticiper les conséquences, prévisibles pourtant, du boom démographique. Les technocrates de la rue de Grenelle ne sauraient-ils donc pas lire une pyramide des âges ?

Quoi qu’il en soit, la centralisation du système, gage, selon ses défenseurs, d’une égalité dans le traitement des candidatures, a abouti au résultat exactement inverse : arbitraire, tirage au sort. Et plus grave peut-être encore, injustices : certains élèves travailleurs et méritants, dotés de très bons dossiers scolaires, se sont ainsi vus refuser leur premier vœu au profit de lycéens aux résultats inférieurs, sans l’ombre d’une explication, et pour cause !

C’est donc la méritocratie, fondement de l’école de la République, qui est atteinte ! Au passage, se donner la peine d’obtenir une excellente mention à un baccalauréat dont on se demande bien à quoi il sert encore, n’est évidemment, dans ces circonstances, d’aucune utilité !

Conséquence logique : des formations privées, hors APB, fleurissent pour les lycéens dépités les plus aisés.

Centralisation, inégalités, injustices : trois des maux principaux du système français d’enseignement, trois synonymes d’APB.

 

L’absence d’orientation des élèves

Cette centralisation a également pour corollaire l’absence d’accompagnement et d’orientation des élèves. La machine de la rue de Grenelle se préoccupe d’objectifs purement quantitatifs : taux de passage en seconde générale – le seul véritable critère d’évaluation des collèges -, pourcentage d’une classe d’âge accédant au baccalauréat et taux de réussite à l’examen, sans jamais s’intéresser au devenir des individus, sans même jamais se demander si elle ne les propulse pas vers l’échec !

Comble d’un cynisme derrière lequel se cache une hypocrisie ouvertement soutenue par une fédération de parents d’élèves – la FCPE – et un syndicat étudiant – l’UNEF -, le système, après avoir laissé croire à la jeunesse que tout était possible, laisse tomber, souvent au hasard, le couperet d’APB.

Après avoir fait sortir 150 000 jeunes sans formation, l’école réussit donc encore l’exploit d’abandonner l’avenir de 127 000 bacheliers à une procédure totalement aléatoire.

APB est ainsi le symbole, non seulement de la faillite du système d’enseignement français, mais encore celui du mépris d’une institution pour la jeunesse, l’avenir du pays.

 

La question de la formation, priorité du quinquennat ?

Si la France ne veut pas que cette jeunesse désespérée se rappelle brutalement à elle, elle doit poser d’urgence la question de sa formation. Dans l’économie du XXIe siècle, celle-ci sera de moins en moins le monopole de la seule Éducation nationale, chacun le sait. D’autres acteurs doivent donc y voir leur place reconnue : collectivités locales, associations, entreprises.

D’ailleurs, après le ministère de l’Instruction publique, auquel les réactionnaires de tous bords veulent revenir, après le ministère de l’Éducation nationale auquel s’accrochent encore désespérément quelques nostalgiques, pourquoi pas un grand ministère de la Formation, coordonnant les différents acteurs intervenant au plus près du terrain dans ce domaine ?

Le temps n’est-il pas en effet venu de fédérer toutes les énergies ? Pourquoi ne pas répondre favorablement à la pétition lancée par les orphelins apprentis d’Auteuil et quelques autres en faveur « d’États généraux de l’éducation » ?

Les États généraux plutôt que la Révolution ou les États généraux et la Révolution ? Peu importe. La France et sa jeunesse ont en tout cas besoin d’un projet autrement plus ambitieux que le timide « contrat de réussite éducatif » proposé par le Premier ministre Édouard Philippe, un projet susceptible, enfin, de contourner des corporatismes dépassés, de remettre la société française « en marche » et de redonner aux Français confiance dans leurs institutions.

Sur le web

Voir les commentaires (18)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (18)
  • Bonjour

    Le plus scandaleux c’est que si 170 000 étudiants ne trouvent pas de fac il y a 310 00 étudiants étrangers en France.
    La solution, autonomie des fac (fac privée) , frais d’inscription réaliste et sélection à l’entrée en prenant les meilleurs, français ou étrangers ;).

  • Existe t il encore en France un ministère qui soit efficient? Tout s’effondre sans aucune remise en cause de nos élites comme si l’objectif était le chaos vers lequel nous nous dirigeons avec brio. Mais pas de soucis le peuple Français est bien trop individualisé et désuni pour faire valoir ses droits. Merci à cette classe politique de tout bord d’avoir en 40 ans réussit à détruire ce pays qui n’en est plus un.

  • Le vrai scandale, c’est qu’il y ait autant de bacheliers, dont près de la moitié n’ont pas le niveau et auraient beaucoup mieux fait d’aller en apprentissage dès l’âge de 14 ans. S’il n’y avait que 50% environ d’une classe d’âge qui atteindrait le niveau d’un vrai bac, il n’y aurait plus aucun problème d’APB, les amphis ne seraient pas surchargés de faux étudiants qui ne comprennent pas grand chose et qui iront nourrir les centaines de milliers de jeunes qui sortent du système éducatif sans la moindre formation utilisable dans le système productif et qui vont grossir les rangs des déclassés des Rsistes et autres assistés.
    Dans le même temps, des secteurs entiers manquent de main d’oeuvre et sont obligés de réduire la voilure, faute de personnel formé.

    • Le certificat d’étude de nos grands parents avait bien plus de valeur que l’actuel Bac

    • Tout à fait d’accord avec vous.
      C’est l’économie française qui doit décider de l’orientation des études et non pas les goûts (ou les envies de « coincer la bulle ») qui doivent prévaloir.
      Sans compter qu’ils y vont avec nos impôts que nous devons leur payer le chômage par la suite .

  • APB n’est pas responsable de la faillite du lycée et de l’enseignement supérieur.
    Aucun système ne peut affecter plus d’étudiants dans l’enseignement supérieur qu’il n’y a de places disponibles.

    APB n’est pas responsable de la non-sélection à l’entrée à l’université.
    De nombreux établissements d’enseignement supérieur présentS dans APB effectuent une sélection. Il existe même un module dans APB pour effectuer cette sélection.

    APB est-il parfait ? Peut-être pas mais doit il pour autant être accusé des maux du lycée et l’enseignement supérieur dont il n’est pas coupable ?
    « Personne n’aime le messager porteur de mauvaises nouvelles »

    • @Alexis
      Bonsoir,
      Ce n’est pas à un algorythme, une machine, de déterminer le cursus universitaire d’un bachelier. A.P.B est une abération. Les bacheliers de 2018, la génération 2000, seront encore plus nombreux.
      Je trouve en plus cette abération absolument hypocrite quand on confie du boulot à une machine, et qu’on condamne les robots qui prennent le travail des salariés, et qui seraient en plus à taxer dan s un avenir plus ou moins proche. Les seuls aptes à décider qui intègre une université/faculté/école prépa’, sont les chefs de ces établissements.
      « APB est-il parfait ? Peut-être pas mais doit il pour autant être accusé des maux du lycée et l’enseignement supérieur dont il n’est pas coupable ? »
      Il n’en est pas coupable, ces sont les grosses têtes stratosphériques successives en charge de l’Education Nationale, chapeautés par leurs grands chefs, qui en sont les premiers responsables. APB est juste le fruit véreux qui synthétise leur idéologie et qui montre comment ils pensent. Et ce fruit pourri nous est vendu comme le summum de l’égalité, car pour eux, il faut être égaux pour être libres.

      • @ STF
        Comme vous dites la pyramide des âges montre qu’à 16 ans, ils seront les plus nombreux (860 000) et qu’après la classe qui a 10 ans, une baisse est attendue.

        APB est un système créé qui doit évidemment prouver son efficacité ou disparaitre.
        Le processus de Bologne (graduate, post graduate, doctorate), avec un premier cycle largement ouvert sur plusieurs deuxièmes cycles: à « l’enseignement supérieur » de se concerter et de s’impliquer. Idem pour le professionnel et le technique où les professionnels en action ont un rôle central dans la partie « apprentissage de terrain » ou stages: on sait que c’est parfois à souvent le premier pas vers une embauche. Ces « patrons » pourraient aussi influencer le programme des cours théoriques (écoles), par leurs souhaits et exigences.

      • Les chefs d’établissements ne peuvent connaître et juger tous les candidats. L’erreur est de reporter sur l’algorithme (le logiciel) les défauts des principes qui ont régi sa création. Encore qu’on puisse se demander si le but n’était pas de faire la démonstration par l’absurde face à des bacheliers confits dans leur aveuglement que l’orientation doit respecter les réalités avant de se conformer à leurs seuls désirs, et que dans la vraie vie les aptitudes des postulants et les besoins des futurs « employeurs » doivent se rencontrer.
        Des algorithmes peuvent aider à ce que ces rencontres se passent bien, il y a même un célèbre algorithme, « mariages stables » de Gale-Shapley (Nobel d’économie en 2012), voir aussi Donald Knuth, qui a vu le jour pour cela précisément. Le problème, pour que cela marche, est qu’il faut que chacun cherche chaussure à son pied et non que tous visent la pantoufle unique la plus confortable, serait-elle d’une pointure totalement inadéquate.

  • Les miroirs aux alouettes s’ajoutent aux cache-misère. Les obligations de rendement du bac et autres diplômes de cycle court ont totalement nivelé par le bas les niveaux. Si l’on supprime ces obligations, c’est un coût supplémentaire car les redoublements vont faire quadrupler les classes de terminale. Augmenter les barrières ne va pas mécaniquement augmenter la qualité des diplômés, mais au moins améliorer la qualité de l’enseignement. Ce sont les politiques décennales passées qui ont conduit à ce résultat.
    Sans compter les vendeurs de rêves que sont devenus les centres de formations avec leurs quasi-diplômes.

    • @Sine
      Bonsoir,
      Si déjà, l’Education Nationale faisait ce qu’elle est censée faire (d’après moi, je ne suis pas dans les plans du ministère), l’enseigner/transmettre du savoir et du savoir-faire, et non de l’éducation, il y aurait un meilleur niveau. En maternelle, si un enfant n’est pas propre il reste chez lui. Dès le primaire, aucune règle de savoir-vivre n’est sanctionnée de la même manière. Le rôle des enseignants n’est pas de faire la partie des parents.

  • Il s’agit d’un logiciel ,si il y a des bugs on les corrige.
    Invraisemblable histoire , vous nommez d’ailleurs la cause de l’échec le manque d’anticipation sur l’augmentation des effectifs..ce qui implique que logiciel ou pas ,il manque des places…au lieu d’accuser un logiciel, trop facile, il faut mettre en accusation le ministère….

    • @ reactitude
      J’ai vécu à l’université, à un moment où on a dédoublé des cours à cause d’un pic démographique (avec un contingent d’étudiants US), en première année, bien « sélective »!

  • Je suis scandalisé par ceux qui sont supposés nous « gouverner »
    Il paraîtrait que « gouverner c’est prévoir » Or … or il existe un machin superbement ignoré par les génies omniscients issus de E.N.A. et ce machin ce sont —> les tables démographiques <—
    Que dit une table démographique ?
    Celui qui est né en 1960 aura 40 ans en 2000, 50 en 2010, 70 en 2030 …. Donc les gamins qui ont eu leur bac et entrent dans les études supérieures "ON" en connait le nombre … "ON" sait qu'ils sont là !!! donc sans avoir l'intelligence surdouée d'un énarque "ON" sait ce qui sera nécessaire au temps "T"
    Non !!!! "ON" vous joue la surprise …. que ce soit pour l'enseignement, la recherche, l'hôpital, la médecine de ville et de campagne en cours de désertification. Nous sommes devenus un pays sous développé médicalement obligés de recruter des étrangers pour palier un comportement inique ….
    Comme le dirait un certain Ciotti: "et le gouvernement n'a rien fait"
    Ce "gouvernement" avait un à priori favorable … mais … il me semble s'inscrire dans la droite ligne des précédents c'est à dire que ce qui se passe dans notre pays est le cadet de leurs soucis tant il est impératif d'obéir aveuglement à cette Europe du fric roi … Où sont les harmonisations sociales, fiscales … etc ???
    Rien !!! et "ON" continuera à vous jouer la surprise pour les étudiants, en cas d'épidémie …"Gouvernés" par des Alzheimer ou pire par des autistes ….
    L'avenir est radieux

    • @ Toubib53
      Vous n’ignorez pas que l’utilisation, à l’hôpital d’un médecin étranger présente un « bénéfice secondaire » car il ne pourrait administrativement pas s’installer comme libéral: ainsi contraint pour « quelques » années, son salaire n’est pas celui d’un P.H., évidemment!

    • On n’avait pas imaginé que tous les étudiants indistinctement voudraient faire STAPS, Sciences éco, Psycho, ou à la rigueur culture générale de l’art de rue, à l’exclusion de toutes les autres formations. On manque de menuisiers, de bouchers, de carreleurs, de boulangers, etc. La surprise, c’est que personne ne veuille aller dans les formations où il y a des débouchés !

  • En fait, il y aurait une solution simple : tout étudiant a le droit de se tromper une fois, au-delà chaque année d’études supplémentaire sans rapport avec le domaine d’études de l’année où il quitte l’université donne lieu à une dette de l’individu qui devra en rembourser les frais sur ses revenus futurs. Après tout, certaines écoles comme l’ENA ou l’X font bien rembourser aussi leurs frais à leurs élèves quand ils ne font pas ce qui était prévu…

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Santé mentale, écologie, abaya, rythme scolaire, parcoursup, pacte enseignant, inflation, vie étudiante, sélection à l’université… Autant de sujets abordés par Emmanuel Macron lors de son passage de presque deux heures chez le YouTubeur HugoDécrypte, ce lundi 4 septembre 2023.

Dans cet exercice dans lequel le président de la République a l’habitude d’exceller, ayant réponse à tout ou presque tout, les maux de la démocratie française ont surgi de manière éclatante, tant dans les questions de l’intervieweur que dans les réponses de l’int... Poursuivre la lecture

Par Charles Hadji.

 

Le baccalauréat a-t-il toujours une valeur ? Et sert-il encore à quelque chose ? Nombreuses sont les péripéties ayant marqué la réforme du bac actée en 2019, instaurant 40 % de contrôle continu et la fin des séries de bac général S (scientifique), ES (économique et social) et L (littéraire) au profit d’une combinaison de spécialités – maths, histoire-géographie, langues, humanités, etc. – dont les épreuves finales sont organisées dès le mois de mars en terminale.

La mise en place de cette nouvell... Poursuivre la lecture

Rite républicain auquel plus personne ne croit, le bac continue d’occuper les marronniers de début juillet. Le score de réussite frôle les 100%, sans que les vrais problèmes de l’éducation ne soit abordés.

Depuis la réforme du lycée de Jean-Michel Blanquer, le bac ne s’est jamais déroulé dans des conditions normales. Cette année encore, certaines épreuves intermédiaires ont été reportées. Le grand oral a pourtant eu lieu, durant lequel l’élève récite cinq minutes durant un texte qu’il a eu plusieurs mois pour préparer. Les scores de ré... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles