« Admission post-bac » : APB ou Big Brother en pire

L’Éducation nationale refuse de dire comment l’algorithme de l’admission post-bac choisit de distribuer les affectations des étudiants. Kafkaïen !

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« Admission post-bac » : APB ou Big Brother en pire

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 juillet 2017
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Article paru initialement en 2016.

Par Éric Verhaeghe.

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L’Éducation nationale devrait donner l’exemple en matière de démocratie. Et chaque jour, elle prouve le contraire.

 

L’aberrante admission post-bac

Face à la difficile gestion des flux étudiants à la sortie du baccalauréat, l’Éducation nationale a lancé l’application APB (admission post-bac) qui s’apparente à un véritable Big Brother : un ordinateur ingurgite des dizaines de millions de données sur des centaines de milliers de candidats, et en ressort une liste d’inscrits à l’université par filières.

Alors que le personnel de l’Éducation nationale continue à corriger ses copies à la main et à revendiquer farouchement l’autonomie de l’enseignant face à l’élève, c’est dans la plus parfaite indifférence qu’il accepte de confier à une intelligence artificielle le destin universitaire des élèves. En grattant un peu, on pourrait même se demander ce que cette indifférence à l’égard de la prise du pouvoir par la machine nous dit sur les valeurs véhiculées et transmises par les enseignants aujourd’hui…

Au moins, feront remarquer les esprits perfides, le recours à l’intelligence artificielle est-il moins constipant et désabusant que le recours au tirage au sort, comme les facultés de médecine ont entrepris de le faire.

 

APB, le mystérieux Big Brother

Avec stupéfaction, on découvre que l’algorithme d’APB est un secret mieux gardé que l’algorithme de Google.

L’Éducation nationale refuse obstinément d’informer les citoyens sur les critères qu’elle utilise dans sa « machine » pour décider des affectations des candidats en université. Alors qu’il est possible de connaître au moins une partie des critères de référencement retenus par Google, le ministère de l’Éducation refusait d’expliquer à ses administrés et usagers sa technique de traitement des données.

Superbe exemple de démocratie ! La machine décide pour toi, mais on ne te dira surtout pas sur quel critère ! Même Kafka n’aurait pas osé imaginer un tel cauchemar.

 

L’Éducation nationale bafoue l’autorité de la chose jugée

Il a donc fallu qu’une association saisisse la justice administrative pour forcer l’administration de l’Éducation nationale à lever le voile sur un algorithme illégalement tenu secret. Droit des lycéens (l’association en question) a partiellement obtenu gain de cause : malgré l’avis favorable de la CADA, l’Éducation nationale a dévoilé une partie (mais une partie seulement) de l’algorithme utilisé.

« Pourquoi ces règles n’ont pas été rendues publiques avant la clôture, hier soir ? C’était pourtant un engagement du ministère et cela aurait pu permettre aux lycéens de faire un choix éclairé, a réagi mercredi matin Clément Baillon, le président de l’association Droits des lycéens. « Des flous demeurent, comme l’utilisation faite par les universités des notes aux épreuves anticipées du bac, et des bulletins scolaires : ont-elles la possibilité de les consulter ? »

Non seulement l’Éducation nationale échappe au contrôle de Bercy, mais elle refuse aussi d’obéir aux avis de la CADA… Si le fait d’être au-dessus des principes républicains était une garantie de performance, on applaudirait des deux mains. Mais les résultats de l’Éducation nationale sont si catastrophiques qu’on en ressort avec le sentiment qu’elle n’est plus qu’un paquebot ivre, incontrôlable et à la dérive, que seul un iceberg pourra arrêter.

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  • Au moins, feront remarquer les esprits perfides, le recours à l’intelligence artificielle est-il moins constipant et désabusant que le recours au tirage au sort

    Que nenni ! Extrait de l’article de libération: « La moulinette APB crée un groupe avec tous les premiers vœux relatifs. Et si ça ne suffit pas, sont prioritaires ceux qui ont choisi la fac en premier vœu absolu… Et quand ils sont encore trop nombreux, tirage au sort parmi ce dernier groupe (pratiqué 188 fois l’année dernière) »

    C’est explicite: quand il n’y a pas assez de place en fac pour tout le monde, on tire au sort! Augmenter le nombre de places? Vous n’y pensez pas chère Madame, cela coûterait trop cher au contribuable. Donner la priorité aux meilleurs élèves, ou encore aux plus méritants? Vous n’y pensez-pas cher Monsieur, cela ne ferait que renforcer les inégalités. Le tirage au sort, c’est le moyen le plus équitable qui soit de gérer la pénurie délibérément. Sans vergogne. 🙁

    • mes gamins n’iront pas en fac, avec ou sans ce logiciel.
      soit il feront une école, soit un bts, mais pas l’université.
      mon ainé veut pour l’instant faire cuisinier comme métier, je ne le décourage pas, au contraire, mais je reste exigeant sur les maths et la physique.
      pour les autres, on verra bien, l’idéal étant jusqu’au bac en collège et lycée privés, la suite en apprentissage en suisse. proche de la frontière, ça facilite les choses. et ça facilitera l’exil. un bras d’honneur à tous les fonks et retraités qui comptent exploiter exploiter mes enfants.

      • De solides bases en économie et un peu de compta est également utile.
        Et la lecture éclairée de « L’art d’avoir toujours » de Schopenhauer raison me semble indispensable…

      • Certes, certes. Sauf que dans APB, le premier choix OBLIGATOIREMENT en licence à la Fac.

        • il faut au moins avoir une licence libre pour ne pas se retrouver sans rien, mais en aucun cas, il faut la classer en premier. Au contraire, il est conseillé de la mettre en dernière position car aucune sélection ……

    • Tirer au sort les candidats est injuste et stupide. Une sélection sur les notes des matières importantes pour la discipline à étudier serait plus intelligente.

      Par contre, quel intérêt d’augmenter indéfiniment le nombre de places en fac ? Les postes à pourvoir à l’issue des études existent-t-ils dans ces proportions ? Probablement pas. Permettre à tous d’étudier n’importe quelle discipline est une tromperie, s’il n’y a pas de débouchés derrière.

      • c’est un problème d’orientation. Normalement, le tirage au sort ne devrait pas avoir lieu, mais comme les candidats sont mal orienté, ils se retrouvent plus de 10 000 à demander la même licence, souvent sans aucune chance de réussite.

  • du moment qu’il y a cachotteries et petits secrets , c’est que c’est malsain et non démocratique ; étonnée ? pas moi ; nous sommes dans l’ère de la bouillasserie et du nivellement par le bas ;

    • Tout à fait, plus qu’une prise de renseignements à la »big brother », ce qui est scandaleux , encore une fois, est cette manie de tout cacher. La transparence la plus complète est pourtant bien une condition essentielle à l’existence d’une démocratie. Comme toujours, l’idéal socialo-communiste étant une chimère, pour sa survie tout les moyens sont bons, et orientent vers le totalitarisme étatique.

    • Je découvre enfin concrètement en quoi, la France, cette monarchie républicaine médiocrement démocratique confirme mes craintes d’autant plus que ce pays garde le privilège du talent, croit-il, pour répandre sur le monde sa Lumière forcément Universelle!

      Si vous regardiez, de temps en temps, par-dessus vos frontières, vous pourriez constater combien vous êtes en retard de démocratie, de transparence ou de prise en compte de l’avis des citoyens!

      Et ce n’est évidemment pas « l’état d’urgence » actuel qui freinera votre état de se mêler de la vie de tous les citoyens.

      Mais vous n’avez aucune possibilité d’interrompre une présidence de la république qui déco…e à 17 % de confiance du « peuple » de sondés.

      Démocrtie? Mon oeil!

  • Le problème est aussi le niveau du bac et d’avoir décrété que tous les bacheliers sont capables d’aller à l’université…

  • Dans mon entourage proche et lointain, de plus en plus envoient leurs enfants faire leurs études à l’étranger directement après le bac… Evidemment, cela n’est pas très « égalitaire » et la plupart ne reviendront pas en France. Mais, bon, ces enfants n’apparaissent pas dans les statistiques donc tout va bien!

    • Savez-vous seulement que les Belges, nos voisins communs, ont dû créer des quota, vu l’afflux de Français fuyant numerus clausus et autres bêtises dans les facultés de médecine humaine ou vétérinaire, ou écoles d’infirmières, puis d’augmenter le « minerval » (appellation belge des frais d’inscription pour une année d’étude) pour les étrangers, les contribuable belge payant une partie des frais, pour diminuer cet afflux.

      Certaines écoles ont dressé des tentes pour ceux qui sont venus très tôt pour « faire la file » en tête, pour les inscriptions?

      C’est délirant!

  • Les profs ne se mobilisent que pour la revalorisation de leur salaires, jamais pour leur élèves.

    • Il y aurait, en effet, beaucoup à dire à propos d’APB. Mais juste une petite précision utile, au sujet de ces fainéants de professeurs qui ne pensent qu’à leur salaire et jamais à leurs élèves : Avec ou sans APB (car auparavant, c’était les dossiers papiers et la masse de documents que les candidats devaient fournir en photocopies et lettres de motivation manuscrites pour chaque établissement demandé), dans les formations sélectives, ce sont plusieurs milliers de dossiers de candidature à examiner un par un sur écran, puis à classer (avec liste complémentaire). Ce qui, avec une équipe réduite de professeurs, prend pas moins de deux semaines complètes. Utile à savoir, tout de même.
      Autrement dit, ce n’est pas une machine qui, seule, décide. Il y a bien intervention humaine et lecture attentive des dossiers, comme auparavant (du moins pour les formations sélectives).

    • Généralité stupide (comme toutes les généralisations), nous sommes les premiers à dénoncer APB mais que faire?

  • Les commentaires sont fermés.

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Les auteurs : Nathalie Sayac est Professeure des universités en didactique des mathématiques, directrice de l’Inspe de Normandie Rouen-Le Havre, Université de Rouen Normandie. Eric Mounier est Maitre de Conférences en didactique des mathématiques, Université Paris-Est Créteil Val de Marne (UPEC).

 

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