Elections en Pologne : quelles leçons pour un pays qui reste conservateur (et libéral)

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Elections en Pologne : quelles leçons pour un pays qui reste conservateur (et libéral)

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 16 juin 2025
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Le dimanche 1er mai, Karol Nawrocki, candidat soutenu par le parti conservateur polonais Droit et Justice (PiS) a gagné avec 50,9% des voix face au candidat centriste et maire de Varsovie, Rafał Trzaskowski issu de la Plateforme-civique (PO). Une victoire qui a quelque peu surpris en Europe de l’Ouest car Trzaskowski était donné gagnant, selon la plupart des sondages durant la campagne (tout particulièrement avant le premier tour).

Cette victoire du PiS à la présidence ne change pas, de façon radicale, l’équilibre politique compte tenu du fait que le précédent président polonais, Andrzej Duda, était aussi issu de ce parti. De plus, le président a des pouvoirs assez limités par comparaison au parlement, même s’il possède un droit de véto sur les lois votées. Pourtant plusieurs tendances sont intéressantes à relever.

Un pays hostile envers la gauche progressiste

Le premier tour avait déjà montré que la gauche polonaise n’arrive pas à percer. Aucun de ses deux candidats n’a réussi à dépasser les 5%:  4,86% pour Adrian Zandberg et 4,23 % pour Magdalena Biejat. Ils ont même été dépassés par Grzegorz Braun qui a fait 6,34% alors qu’il était estimé dans les sondages entre 1 et 2% des votes. Président du parti pro-monarchiste, la Confédération de la Couronne polonaise (à ne pas confondre avec la coalition Confédération Liberté et Indépendance), il est connu pour ses propos extrêmes.

Toutefois, la victoire de Nawrocki sur Trzaskowski montre aussi une victoire du conservatisme. Le second prônait une politique plus progressiste en matière sociétale mais aussi une simplification administrative malgré des relents d’interventionnisme dans le domaine industriel.

Karol Nawrocki, quant à lui, a gagné avec un programme socialement conservateur et, de manière surprenante, pro-business. Mais le le PiS, sur les questions économiques, est plus interventioniste et plus social que la PO plus libérale et pro-business. Il n’est pas impossible que ces propositions aient joué en faveur de Nawrocki.

Quelles sont les propositions économiques de Karol Nawrocki?

Les questions économiques et fiscales occupent une large place dans le programme officiel de Nawrocki.  En voici quelques-unes.

  • Réduction de la TVA de 23% à 22%.
  • Garantie constitutionnelle d’un héritage exonéré d’impôts.
  • Réforme de l’impôt sur le revenu: 0 % pour les familles qui ont deux enfants ou plus pour des revenus jusqu’à 140 000 zlotys (32000 euros) par an.
  • Relever le deuxième seuil d’imposition à 140 000 zlotys.
  • Élimination de l’impôt Belka – suppression de l’impôt sur les plus-values jusqu’à concurrence de 140 000 zlotys de revenus par an.

Ces propositions doivent être nuancées car le programme prévoit aussi des investissements dans l’industrie. Se pose la question de l’équilibre budgétaire surtout pour une Pologne qui reste dépendante des contributions de l’Europe.

Une politique étrangère pro-americaine plutôt que pro-européenne

La Russie ne fait pas débat au niveau des grands partis polonais. Aussi bien le PiS que la PO sont ouvertement opposés à Moscou et l’étaient déjà  avant 2022. L’opposition en matière de politique étrangère se situe au niveau du partenaire privilégié. Le PiS a historiquement favorisé la relation avec les Etats-Unis mais sans prôner la sortie de l’UE (malgré le conflit juridique avec l’Union européenne). Inversement la PO est, sans être anti-américaine, favorable à une plus grande intégration dans l’UE. Le président américain Donald Trump avait apporté son soutien à Nawrocki en le recevant à la Maison-Blanche. Dans un contexte de différends politiques et commerciaux entre l’UE et l’administration américaine, il sera intéressant de voir comment la Pologne va se positionner sous Nawrocki. Qu’il s’agisse de Trump ou de Biden, les présidents américains portent un intérêt à la Pologne et y ont souvent fait des voyages officiels.

Le vote des jeunes a favorisé la droite

Plusieurs tendances montrent ce qui a favorisé la victoire de Nawrocki. Sławomir Mentzen, candidat de la Confédération Liberté et Indépendance (ou Konfederacja) est arrivé en troisième position avec 14,81%. Ce candidat mélangeant des idées libertariennes mais aussi conservatrices et populistes est à bien des égards la clé pour comprendre le basculement du second tour en faveur de Nawrocki. 87% des électeurs de Mentzen ont voté pour Nawrocki. C’est un point notable, compte tenu du fait que la Confédération est depuis des années le parti qui a le soutien des jeunes . En 2023, il était le parti favori des 18-21 ans.  Les propositions libertariennes en matière économique ont trouvé un public auprès d’une jeunesse qui rejette la domination politique du PiS et du PO, et surtout les politiques étatistes des deux partis.

Toutefois, l’élection de 2025 marque un tournant dans le report des voix de la Confédération. Lors de l’élection présidentielle de  2020, les électeurs du parti s’étaient partagés entre le candidat du PiS (24%) et de la PO (33%). La politique plus libérale de la Plateforme civique attirait les jeunes. Mais lors du second tour en 2025, Nawrocki domine le vote des 18-29 ans, des 30-39 ans en plus des 60 ans et plus (une tranche d’âge acquise au PiS). Cette situation suit une tendance qu’on retrouve à l’échelle occidentale.

Ce résultat électoral a amené le premier ministre Tusk a demander un vote de confiance du parlement pour le 11 juillet. Ce dernier sera un test pour voir si la plateforme civique est toujours soutenue au sein du parlement.

Toutefois, on peut déjà constater que, dans tous les cas, il y a une vraie demande en Pologne pour une politique plus pro-business et fiscalement conservatrice. Rappelons que la Pologne est en 2025 le pays européen avec le plus de croissance, soit 3,8%, après l’Irlande (10,9%). En comparaison, la France est à 0,8% et l’Allemagne à -0,2%. Si ce pays arrive à mener de bonnes politiques, il a le potentiel pour devenir une puissance économique de premier plan.

Un bémol persiste : le fait que la Pologne reste le premier pays bénéficiaire net du budget de l’Union européenne avec entre 12 et 13 milliards d’euros de subventions par an ; soit une subvention totale de 245.5 milliards d’euros depuis 2004 (le montant net est estimé à 161 milliards). Cette dépendance à l’argent public européen doit disparaitre si le pays veut vraiment être autonome politiquement et économiquement.

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  • Les résultats du premier tour donnait Nawrocki largement gagnant en aditionnant toutes les voix de droite. Donc ce score serré est plutôt une surprise!

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