Par Guillaume Nicoulaud.
Du 4 juillet 2007 au 5 juillet 2017, le total du bilan de la Federal Reserve1 est passé de 860 milliards à 4,4 trillions de dollars — c’est à dire qu’il a quintuplé.
À l’actif de la banque centrale étasunienne, cette croissance phénoménale se traduit par l’explosion de son portefeuille d’obligations émises par le Department of the Treasury — lequel atteint aujourd’hui 2,5 trillions — auquel se rajoutent les titrisations de créances hypothécaires (Mortage-Backed Securities) rachetées à Fannie Mae et Freddie Mac pour environ 1,8 trillions.
Il s’agit, bien sûr, des conséquences d’une politique monétaire historiquement accommodante qui a conduit la Fed à intervenir massivement sur le marché obligataire.
Création gratuite de dollars
Très schématiquement : la Fed a créé des dollars ex-nihilo, ce qui ne lui coûte presque rien, et s’est servie de la monnaie ainsi créée pour racheter massivement les obligations qui se trouvent aujourd’hui sur son bilan. L’objectif, naturellement, étant de faire baisser les taux et ainsi — du moins l’espère-t-on — relancer le crédit, l’investissement, la croissance et l’emploi.
C’est-à-dire que le financement, au passif, de cette prodigieuse opération s’est fait via de la création monétaire. Pourtant, force est de constater que cette gigantesque injection monétaire ne s’est pas traduite par de l’inflation. La raison en est fort simple : les banques commerciales n’ont pas relayé la politique de la Fed c’est-à-dire qu’elles n’ont pas ou peu prêté ces dollars fraîchement créés.
De fait, plus de 70% de l’injection monétaire n’a, pour ainsi dire, jamais quitté la banque centrale : cet argent est resté sur les comptes de dépôts des banques commerciales auprès de la Fed sous forme de réserves excédentaires.
Un océan de cash aux mains des banques
C’est donc un océan de cash — plus de 2 trillions de dollars à la fin du mois de juin — qui est détenu par les banques sur leurs comptes de dépôts ou dans leurs coffres sans qu’aucune contrainte règlementaire ne les y force. Mais pourquoi diable les banques n’utilisent-elles pas cet argent pour accorder des crédits ? On peut, je crois, expliquer ce phénomène de deux façons qui se complètent.
La première tient, d’une part, à des emprunteurs qui ont, ces dernières années, plutôt cherché à se désendetter qu’à contracter de nouvelles dettes et, d’autre part, à des banques qui anticipent depuis longtemps l’inévitable remontée des taux.
Si vous voulez bien vous mettre à la place d’un banquier quelques instants, considérez qu’on vous propose de prêter à des taux fixes historiquement bas sachant que vous savez que les taux auxquels vous devrez tôt ou tard refinancer ces crédits ont toutes les chances d’être bien plus élevés.
Incitation à la modération
Objectivement, ça incite à la modération et ce, d’autant plus que la pente de la courbe des taux — écrasée la Fed — ne rémunère que très mal ce type de risques.
Reste à savoir que faire de cet océan de cash et c’est là que la deuxième explication intervient : il se trouve que, depuis la fin 2008, la Federal Reserve rémunère les dépôts que les banques font auprès d’elle.
Au départ c’était 25 points de base — ce qui était nettement mieux que le marché interbancaire ou les billets du Trésor (Treasury Bills) — puis, à partir de fin 2015, ce taux a été graduellement augmenté pour atteindre 1.25% en juin de cette année.
En d’autres termes, pour une banque qui doit arbitrer entre prendre des risques mal rémunérés en accordant des crédits et profiter d’un taux de 1.25% sans le moindre risque, le calcul est vite fait.
Normaliser la politique monétaire de la Fed
Voilà où nous en sommes : la Fed souhaite manifestement normaliser sa politique monétaire et réduire la taille de son bilan mais elle sait mieux que quiconque qu’un océan de cash est prêt à se déverser sur l’économie.
Je n’ai pas la prétention de savoir comment ils comptent s’y prendre — je ne suis d’ailleurs même pas certain qu’ils aient un plan — mais, de toute évidence, la manœuvre est très risquée.
À la moindre erreur, ce sont 2 trillions de dollars qui viendront noyer le système financier international ce qui, outre de l’inflation et un crash obligataire, viendra sans doute nourrir la plus spectaculaire des bulles spéculatives de l’histoire.
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- C’est un abus de langage : il s’agit, en réalité, du bilan consolidé des 12 Federal Reserve Banks. ↩
Vous êtes en train de me dire que je paie des impôts pour que l’état s’endette, que cette argent est bloqué dans les comptes des grandes banques ?
Et que les taux vont monter pour alourdir le traitement de la dette et donc augmenter la pression fiscal ?
Et que finalement tous cette argent va se déverser sur l’économie sous forme de bulles spéculatives pour dévaloriser le peu qu’il me reste?
Bienvenue au Zimbabwe, où le cash est florissant, mais ne vaut plus rien au niveau mondial.
Finalement ce sont les banques centrales qui financent les déficits des Etats en créant de la monnaie ex nihilo. Elles font baisse les taux ce qui pénalise les épargnants et nuit même à l’économie car des taux trop bas incitent à se lancer dans des investissements peu rentables. Tout cela est malsain et finira mal.
Il vaudrait mieux que les banques centrales se fassent très discrètes et laissent agir les forces du marché.
Deux petites remarques:
1. il faut lire 4,4 trillions et non 44.
2. aux USA, il n’y a jamais de prêts à taux fixe, mais seulement des taux variables. Une partie de votre argumentation tombe.
Non, une banque préfère aucun risque au risque de prêter! Une remontée des taux (de combien? quand?) ne change en rien l’analyse, l’argumentation tient toujours la route et la question finale demeure!
Nous sommes en marche, voire en course, vers une catastrophe inévitable.
Et la plupart de nos parlementaires passés et présents ignorent tout de la réalité économico-financière planétaire.
Et il ne reste que VGE pour rendre compte – stérilement ! – de ses actes et en particulier du mal connu décret du 3 janvier 1973.
Et voilà qu’une minorité de Français politiquement et économiquement inculte a mis un banquier jupitérien à la tête du pays
Pauvre France. Pauvres pauvres français.
vous pouvez même dire pauvres monde ;