Témoignage : la fiscalité française fait fuir les entrepreneurs

Témoignage d’un chef d’entreprise : « Je n’ai pas encore préparé mes valises. Mais je le ferai sans remords si rien ne change ».

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Témoignage : la fiscalité française fait fuir les entrepreneurs

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 3 avril 2017
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Par Gilles Roland1.

J’ai 52 ans, et je suis entrepreneur, qui comme tous les entrepreneurs, cherche chaque jour à développer son activité, développer de nouveaux marchés, motiver ses troupes. Bref, je suis un patron ordinaire, et ma situation est celle de nombreux chefs d’entreprise.

Comment je suis devenu riche

Je fais un métier particulier : je rachète des entreprises industrielles françaises que l’ancien propriétaire envisageait de fermer. J’ai racheté 8 entreprises industrielles jusqu’à présent, représentant plus de 4 800 emplois en France.

C’est ainsi qu’en 2005, j’ai racheté en quasi-faillite, dirigé, redressé puis revendu un groupe industriel de 9 usines, « sauvant » alors 3 000 salariés en France.  Je suis alors devenu riche, et j’ai acheté mon appartement et une maison de vacances. Aux États-Unis, en Angleterre ou en Allemagne, cela aurait été justifié. En France, je suis rentré dans une zone étrange, presque suspecte !

Une richesse condamnable

Avec un patrimoine de 8 millions d’euros, qui a déjà été largement taxé lors de son accumulation, j’aurais pu choisir d’arrêter de travailler, et « vivre de mes rentes ». J’ai choisi de continuer ce travail passionnant, et de racheter des usines, en France, dans des situations financières délicates.

Mais en France, la richesse est condamnable.  Un mythe est entretenu que les riches le sont forcément devenus sur le dos des pauvres (sauf les chanteurs, les acteurs et les joueurs de foot).  Nos hommes politiques, soucieux de leur image « sociale », mais ignorants de l’économie, ont construit des règles absurdes qui soulagent la conscience sans résoudre aucun problème : le chômage est toujours massif, et la pauvreté s’étend.

Ainsi l’administration fiscale est le Robin des Bois chargé de reprendre aux riches pour redonner aux pauvres, et l’ISF en est l’impôt le plus symbolique.

Ce contexte posé, j’invite ici mes lecteurs à suivre attentivement la situation kafkaienne.

Ce que je paie en ISF, impôts divers, et ce qu’il me reste

Bien que j’en sois actionnaire quasi-unique et seul dirigeant, ma holding doit démontrer qu’elle est animatrice sinon l’ensemble de mon groupe industriel ne sera plus considéré comme mon outil de travail et sera inclus dans la base de calcul de mon ISF. Je dois justifier par des écrits que je suis le pilote de l’ensemble du groupe.  Absurde, mais peu contraignant.

Je dois également percevoir un salaire en adéquation avec ma fonction.

Je gagne 5 000 € bruts par mois, 4 032 € nets.  Comme chaque Français, mon « net imposable » soit 4 176 €, est supérieur à mon « net perçu » : en France, on paie même de l’impôt sur l’argent que l’on a pas touché !

Mon « net imposable » est de 50 112 € par an. C’est beaucoup pour une grande majorité de français. Mais ils n’ont pas tous l’obligation de payer l’ISF.  Mon ISF s’est élevé à 59 681 € en 2016. Il diminue chaque année.  Le taux baisse ? Non, son assiette, car je grignote mon capital pour vivre.

J’ai ainsi payé environ 650 000 €  d’ISF en 10 ans, sur un capital déjà taxé lors de sa constitution. Bien plus que ce que mon capital ne rapporte.  J’ai largement contribué à l’économie française, et repayé ce que j’ai reçu (notamment mon éducation).

Pour ne pas totalement me spolier, l’État a plafonné l’ISF et l’IR à 75% de mes revenus, soit 37 584 €. Il me reste donc 12 528 € pour « vivre ».  Mais c’est avant paiement de mes taxes d’habitation et taxes foncières.  Soit 11 882 € pour mes deux logements.

Mon revenu annuel disponible après impôts et taxes s’élève à 646 € !  Moins de 2 € par jour pour une famille de 5 personnes.

Cela avant pour payer nourriture, électricité, sorties, éducation des enfants … Je n’ai pas d’autre option que de puiser dans mon capital, qui année après année s’amenuise.  Dois-je demander le RSA ? Des allocations familiales ? Une allocation logement ? On marche sur la tête…

Et si mon salaire augmentait de 1 000 € par mois, mon ISF augmenterait de 750 € par mois ..

La solution : s’expatrier ?

Une décision rationnelle serait de m’expatrier et continuer mon travail (qui sauve des emplois en France, rappelons-le !) depuis l’étranger. Un vrai choix serait de profiter de la vie et laisser ces usines à leur sort !

A l’heure des grands choix politiques, l’objectif de cet article n’est pas de susciter envie ou pitié, mais de mettre en lumière l’absurdité de notre système fiscal actuel, qui incite les entrepreneurs à quitter la France ou à moins travailler.  Or nous, les entrepreneurs de France, sommes les forces vives qui irriguent l’économie.

Le redressement de la France, le recul du chômage et par conséquent de la pauvreté, passent par un redressement économique. Ceci nécessite de desserrer les nombreux carcans qui étouffent notre économie.  Et d’abord de redonner à tous les entrepreneurs (de startups, mais aussi les artisans, les commerçants, les patrons de toutes les PME, les agriculteurs), de vrais perspectives de vivre de ses revenus, d’accumuler du capital, et pourquoi pas, devenir riches !  Ce n’est pas une maladie honteuse !

Les 11 candidats à la plus haute fonction de la république doivent arrêter la démagogie.  Il faut s’ancrer fermement dans l’Europe, encourager nos entrepreneurs par une fiscalité décente, et soutenir nos entreprises par une législation stable.  Des entreprises qui se développent sont des entreprises qui embauchent des jeunes et des moins jeunes, français de souche, issus de l’immigration ou étrangers. Et qui créent cette richesse dont la France a tant besoin.

Je n’ai pas encore préparé mes valises.  Mais je le ferai sans remords si rien ne change.

  1. Fondateur et dirigeant du groupe Active Invest (700 salariés en France, 3 usines).
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  • Il n’est pas interdit de devenir riche en France si vous partagez vos richesses avec le personnel politique et permettez leur réélection. Au minimum vous devez participer aux nombreuses organisations tournoyant et chouchoutant vos élus.un élu ne peut pas devenir riche sans votre aide pourtant il contrôle plus de 50% de l’économie , c’est injuste !

  • Bonjour, je partage votre opinion, malheureusement la démagogie qui est un véritable cancer consiste à faire des promesses qui ne seront jamais tenues…sauf à faire payer les soi-disant riches dont nous faisons partie.
    Vous avez le choix, celui de faire vos valises rapidement ou celui de prôner la révolution de ceux qui font respirer l’économie ; si vous faites le second, je suis partant, une grève de ceux qui travaillent vont faire comprendre à ces voyous de gouvernants de quoi est constitué ce Pays.
    Cordialement

  • Merci pour votre témoignage Mr Rolland, c’est plutôt courageux par les temps qui courent qu’un « riche » ose prendre la parole !

    Vous avez bien raison d’évoquer la situation invraisemblable de devoir vous rémunérer alors que l’ISF vous oblige à reverser la quasi-totalité de ce dû.

    A ce stade, ce n’est plus un impôt qu’on vous demande mais la rédemption, le « rachat » de votre impardonnable faute : celle d’avoir voulu vous enrichir en France !

    Ceci étant, vous vous doutez bien que votre cas ne pourra émouvoir un partisan du camp du bien.

    Que vous « puisiez » dans votre indigne capital semblera légitime pour tout français moyen, qui verra que vous en avez largement (trop) accumulé et qu’à ce titre vous devriez ne rien dire, un sale riche en somme (pléonasme en France ?)

    Les « à-côtés » que vous expliquez dans le détail seront accessoires (et à ce titre récupérables…) par l’immense majorité de vos concitoyens. Bien évidemment, votre prise de risque initiale sera totalement oubliée.

    Vous auriez été plus avisé de jouer au loto avec la même somme, ce qui vous permettrait d’ajouter à votre énumération un des rares cas ou l’enrichissement paraisse supportable ici-bas : le hasard qui vous tombe dessus.

    Ainsi, votre activité d’entrepreneur ayant réussi n’est pas un talent mais une tare congénitale.

    C’est écrit à longueur d’article et de commentaires dans Contrepoints : la mentalité française que certains évoquent sous le terme de « socialie » expose le mal endémique qui nous tue peu à peu : l’envie.

    Le sous-jacent étant cette mentalité « crypto-marxiste » pervasive qui veut que tout travail subordonné soit une aliénation, que seul un droit du travail de plus de 3000 pages peut juguler, le tout renforcé par un biberonnage collectiviste de l’éducation nationale et des médias acquis à la cause envers le méchant (ultra-)libéralisme.

    Moi-même entrepreneur, je me garde bien de ne subordonner qui que ce soit et le plantureux droit du travail français fait que j’évite autant que possible de succomber à l’exploitation de mon prochain, je préfère encore faire travailler des machines (ce pourquoi je pourrais bientôt être taxé d’ailleurs…)

    Votre article est la brillante illustration de ce qu’on voit : les politiciens « robins des bois » à la petite semaine, et de ce qu’on ne voit pas ou plus : des entrepreneurs zélés, dont vous êtes, plutôt fiers de travailler « dans et pour » leur pays mais qui fuient peu à peu car quasiment plus personne n’entend leurs remarques, leur fortune les ayant coupé de la « base », péché mortel !

    En France, quand on est riche (c’est-à-dire qu’on gagne plus de 4200€ / mois), on ferme sa gueule et on paie !

    Vous me rappelez Denis Payre, confronté au sémillant Aymeric Caron au physique de Robin de Loxley, braillant contre ce dernier qui tentait vainement de justifier son expatriation en raison d’un problème d’ISF, du même calibre que le vôtre (Emission « On n’est pas couché » du 11/01/14)…

    Quant à ceux qui restent par manque de moyens : vous savez, ces entrepreneurs qu’on admire parce qu’ils ne gagnent pas « trop » et travaillent 50h par semaine, ne tombent jamais malades, ne savent pas ce que veulent dire « RTT », absence de jours de carence, etc.

    Bref, ceux qui ne sont pas des « insiders », n’ont le droit à aucune protection (à moins de la payer au prix fort), qui ferment leur clapet, qui paient des impôts et qui en ont plus que marre qu’on leur fasse la morale…

    ils regardent comme vous si d’autres cieux leur seraient plus cléments.

  • Vous dites avoir 8M€ de capital.
    Indépendamment de votre salaire, fixé de facon arbitraire à 5000 €, votre capital rapporte au minimum 3% soit 240k€ / an, soit 20k€ mensuel. J’espère que cela suffira à payer le lait pour le chocolat chaud de vos enfants.

    Si votre capital ne rapporte pas 3%, vous pouvez changer de métier, réaliser vos parts, et placer en OAT ou bons du Trésor.

    Si vous vous plaignez que votre salaire fixé arbitrairement ne suffise pas à payer les charges de votre capital, vous m’excuserez d’épargner mes larmes pour des causes plus méritantes.

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