Macron-Bayrou : le combat du centrisme

Centrisme : Bayrou le voulait, Macron l’a fait et demain, qu’en dira la France ?

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Macron-Bayrou : le combat du centrisme

Publié le 24 mars 2017
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Par Philippe Bilger.

Le débat du 20 mars entre les cinq principaux candidats, sur TF1, a été une réussite. Un bel exercice politique et démocratique malgré l’absence des six autres.

Notre climat est tellement délétère que je me suis réjoui de ce qui dans une République devrait être la norme.

Une image de Jean-Luc Mélenchon serrant la main de Marine Le Pen. Des échanges vigoureux, des hostilités fortes, des alliances se constituant ou se défaisant au fil de ces trois heures.

Mais, en général, le ton est resté courtois et j’ai aimé que l’ironie vienne parfois se nicher dans la gravité et comme une forme de fraternité habiter ces téméraires, ces fous passionnés par ce métier aujourd’hui impossible ! La politique n’est pas la guerre et, d’ailleurs, le peuple tranchera, entre tous ces antagonismes, dans peu de temps.

Domination de Jean-Luc Mélenchon

Le rôle capital du verbe a été reconnu et Jean-Luc Mélenchon, sur ce plan, a dominé. On n’avait pas assez souligné comme certains débats avaient mal tourné pour tel ou tel à cause d’une parole maladroite ou trop peu engageante et convaincante. On a pu relever, le 20 mars, les effets positifs d’une oralité talentueuse.

Emmanuel Macron a été la surprise de cet affrontement. Il ne s’est pas écroulé. Il a répondu, réagi, riposté, argumenté avec, presque tout le temps, un air d’amabilité et une attitude d’écoute attentive qui ont eu une heureuse influence sur son environnement.

Il ne s’est pas laissé faire même s’il a surjoué – personne n’était dupe, et surtout pas lui – l’agacement quand il était la cible des interpellations alors qu’il en était ravi, placé ainsi au centre sur tous les plans.

Renaissance du centrisme

À son sujet j’ai eu la révélation qui aurait dû survenir plus tôt. Pour la seconde fois, après les succès et l’emprise de la démocratie chrétienne à l’époque du MRP majoritaire, avec Emmanuel Macron, le centrisme a trouvé une authentique expression politique, longtemps inconcevable. Je comprends mieux l’alliance que François Bayrou a nouée avec le créateur d’En Marche !

En effet, malgré les efforts de FB pour tenter de créer un centre indépendant, vertébré et opératoire, jamais l’aspiration à un dialogue républicain courtois, au juste milieu intellectuel, à la volonté de réunir toutes les compétences au service du pays sans exclure au nom de clivages partisans et à une économie au service de l’humain n’avait su et pu s’inscrire dans un projet autonome, indépendant.

Le projet présidentiel de Macron

Le programme d’Emmanuel Macron a pour ambition de donner à ces mots, ces concepts et ces valeurs une incarnation présidentielle. Sa démarche intègre englobe plus qu’elle ne rejette. Il y a peut-être du giscardisme dans ce cheminement mais avec infiniment plus de chaleur et moins de condescendance. Ni droite ni gauche : entre les deux !

Ce qui permettait trop aisément la stigmatisation du centrisme d’antan tenait à sa réputation d’opportunisme, à son basculement constant à droite puis à droite – comme l’avait dénoncé François Mitterrand -, à l’inconsistance d’orientations qui semblaient picorer ailleurs sans se soucier de cohérence et d’autonomie.

Le centre était dans la dépendance, un parasite, puisqu’il se nourrissait sur la pensée et l’action des autres familles et qu’il ne parvenait pas à donner de lui une image plus séduisante que celle d’un adorable go-between dans un univers dur où les antagonismes interdisaient de sortir des rapports de force. Il était écouté mais comptait pour rien. Le dialogue n’était une fin en soi que pour lui.

Contre le centrisme caricatural

Il y a eu des espoirs, des sursauts. Avec Michel Rocard notamment. François Bayrou s’est battu autant qu’il a pu, trop souvent condamné à une exemplarité et à des choix personnels, contre ce centrisme mou et caricatural mais il n’a jamais pu faire émerger avec clarté l’identité et la cohérence d’un projet spécifiquement centriste immédiatement opératoire. Comme si cette famille politique était contrainte, par le système électoral et son inféodation viscérale à une droite destinée à lui donner du nerf, à demeurer une auxiliaire, un bouche-trou républicain.

Ce que François Bayrou voulait, Emmanuel Macron l’a fait et l’a décliné en détail au cours de la soirée du 20 mars.

Personne ne suspectant l’intelligence de ce candidat ni n’incriminant un quelconque cynisme chez lui, peut-être convient-il d’admettre que ce qu’il a proposé sur les thèmes qui étaient débattus ne relevait pas, comme on avait pu le craindre, d’une gestion du flou et d’un humanisme vague et passe-partout mais au contraire d’une vision délibérément centriste.

Politique du juste milieu

Une appréhension nuancée du réel, des mesures compensant ici ce qu’elles devaient arracher là, veillant à une justice et à un équilibre des évolutions et transformations nécessaires à la France. De la tiédeur pour certains ou une approche “scolaire” comme elle a été absurdement qualifiée (Le Parisien) ? Plutôt une démonstration que le juste milieu n’est pas un concept vide de sens mais un modèle et une inspiration qui n’attendent que d’être concrétisés.

Je ne dis pas que ce programme véritablement centriste existant enfin, prêt à servir, s’opposant à une radicalité de la droite, qui s’émousse d’ailleurs au fil du temps, est forcément désirable. Mais il est là, à disposition des citoyens.

Bayrou le voulait, Macron l’a fait. Et demain, qu’en dira la France ?

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