Par Jean-Yves Naudet.
Un article de l’Iref-Europe
Les entreprises cotées en bourse publient leurs résultats en début d’année et, à la mi-mars, il est possible de faire le point sur les plus importantes, celles du CAC 40.
Ricol Lasteyrie Corporate Finance a présenté une synthèse des résultats pour les 38 entreprises ayant un exercice calendaire, auxquelles il faut ajouter Pernod Ricard (dont l’exercice est clos fin juin) et Sodexo (clôture fin août). L’ensemble des entreprises du CAC 40 a dégagé un bénéfice de 75,8 milliards d’euros.
La hausse est de 32,6% par rapport à 2015 et de 54% par rapport à 2013. Mais ce résultat vient après des années difficiles et, si l’on remonte à 2010, le résultat était presque identique à celui de 2016 : 76, 2 milliards. Comme entretemps chiffre d’affaires et inflation ont progressé, 75,8 milliards de 2016 représentent moins, en valeur réelle, que les 76,2 de 2010. En 2016, il ne s’agit en fait que d’un rattrapage après des années difficiles. Et on reste loin des 100 milliards de 2007.
Des profits, signe de l’exploitation capitalistique ?
Dégager des profits, bonne ou mauvaise nouvelle ? La réponse est évidente dans n’importe quel pays, mais, en France, où le marxisme est encore très présent dans les esprits, le profit est vu comme un signe « d’exploitation capitaliste ». Après tout, le président de la République avait fait campagne sur le thème « mon ennemi, c’est la finance ». Mais comment politiques et medias auraient-ils réagi si les entreprises avaient déclaré 76 milliards de pertes ?
Ce qui chagrine un journal comme Libération, c’est que ces entreprises, faisant des profits, distribuent des dividendes (54,3 milliards en 2016). Autant d’argent, écrit Libé, qui ne vont pas « à l’outil industriel et encore moins aux salariés » !
Vision de l’entreprise purement statique, un « jeu à somme nulle », un gâteau à partager, toute hausse des uns (les profits) impliquant une baisse des autres (les salaires), En réalité, l’économie progresse, c’est un jeu à somme positive, et, quand le « gâteau grandit », il est possible des distribuer davantage aux uns et aux autres. Libération doit d’ailleurs reconnaître qu’il faut bien rémunérer les actionnaires, car sinon ils iraient investir ailleurs.
En concurrence, un profit n’est jamais excessif
Toute entreprise qui a le souci de l’avenir doit utiliser une part des profits en autofinancement pour investir. Mais c’est souvent l’État le plus gourmand, parce qu’il prélève une part importante des profits (l’IREF a montré que le taux d’impôts sur les sociétés est plus élevé en France qu’ailleurs), mais aussi parce que ce sont les entreprises publiques qui distribuent le plus de dividendes, pour renflouer les caisses de leur actionnaire, l’État !
Les entreprises privées trouvent le bon équilibre, assez de dividendes pour conserver leur actionnariat, et assez d’autofinancement pour préparer l’avenir, et ce sont les groupes à fort actionnariat familial qui distribuent le moins de dividendes.
Ces profits sont-ils excessifs ? L’expression n’a aucun sens, si les entreprises se situent dans un environnement concurrentiel. Seuls les monopoles artificiels, à privilèges étatiques, donnent des profits excessifs. Dès qu’il y a concurrence, cela n’a plus de sens : les profits sont ce que donne le mécanisme du marché.
Des profits en hausse devraient donc réjouir, signe d’une meilleure maîtrise des coûts et d’un environnement international plus favorable. 76 milliards sont à comparer au chiffre d’affaires des entreprises du CAC 40 : 1214 milliards en 2016.
Cela donne un taux de marge de 6,2% (4,3% en 2015) ce qui relativise l’idée de « superprofits ». De plus, l’immense majorité du tissu économique est composée de PME, qui ont souvent des taux de marge plus faibles, et des résultats inférieurs à ceux de nos voisins.
La bourse ne suit pas
Mais pourquoi ces « bons » résultats ne boostent-ils pas plus la bourse ? En un an, l’indice CAC a progressé de 12%, contre une hausse des actions de 20% à Londres, 23% en Allemagne, 30% à Wall Street, où la hausse s’amplifie depuis l’élection de Trump. Certes, les résultats français sont un peu en trompe l’œil, les meilleurs étant assez concentrés sur quelques entreprises (BNP Paribas, Axa, Total…) et le secteur financier, à lui seul, représentant un tiers des résultats.
Car l’économie est malade des incertitudes politiques
La véritable raison est ailleurs : c’est le risque politique. Certes, aux États-Unis, Trump peut paraître imprévisible, mais, en dehors de son protectionnisme, sa politique plus libérale rassure les marchés. Au Royaume-Uni, le Brexit crée des incertitudes, mais certains y voient des opportunités, y compris en termes de baisse de la fiscalité.
Quant à l’Allemagne, s’il y a aussi des incertitudes politiques, aucun des grands partis ne remet en cause l’économie de marché. En France, plusieurs candidats importants, à gauche comme à l’extrême-droite, ont des visions économiques étatistes, avec accroissement des dépenses publiques et du rôle de l’État. Macron, comme l’IREF l’a montré, est dans la ligne de Hollande et reste plus socialiste que libéral.
Certes, Fillon a le programme le plus libéral, mais pas vraiment thatchérien. Une immense incertitude pesant sur le résultat, il est normal que les investisseurs soient inquiets, craignant que les entreprises ne survivent pas à un nouveau choc étatiste. Cela explique aussi un écart croissant entre les taux des emprunts d’État allemands et français. C’est la politique qui rend l’économie française malade !
—
Il y a aussi une logique étrange chez les dénonciateurs de super profits…c’est que forcement, il suffit d’acheter des actions pour gagner beaucoup d’argent.
Pour le reste ne vous fatiguez pas… »le marché ne marche pas » est LA réponse à tout.
Et si les actionnaires s’en mettent tant dans les poches, pourquoi les français refusent-ils d’acheter des actions et de toucher eux aussi le pactole? Preuve de la bêtise infinie de ce peuple! Ils reprochent aux autres ce qu’eux-mêmes refusent de faire.
Les superprofits du CAC40, c’est le marronnier journalistique. La variante de cette année est que ce n’est pas Total qui concentre les appréciations de son sort honteux (forcément honteux) après son année 2016, très moyenne…
C’est la semaine de haine dans 1984 de Orwell.
Bonjour,
J’ai un peu de mal à complètement adhérer à ce genre d’article qui part du principe que dans marché complètement libre tout va bien la concurrence se chargeant de rendre le système efficace et juste.
Je cite la partie de l’article qui m’a fait réagir:
« Les entreprises privées trouvent le bon équilibre, assez de dividendes pour conserver leur actionnariat, et assez d’autofinancement pour préparer l’avenir, et ce sont les groupes à fort actionnariat familial qui distribuent le moins de dividendes.
Ces profits sont-ils excessifs ? L’expression n’a aucun sens, si les entreprises se situent dans un environnement concurrentiel. Seuls les monopoles artificiels, à privilèges étatiques, donnent des profits excessifs.
Dès qu’il y a concurrence, cela n’a plus de sens : les profits sont ce que donne le mécanisme du marché. »
Comme beaucoup de français je ne supporte plus l’intervention de l’état sur le moindre aspect de notre vie quotidienne. (Dernière intervention de l’état je ne peux plus emmener mes enfants au square en trottinette sans casque)
Mais j’ai quand même du mal à avaler la pilule du gentil capitalisme libre qui nous préserve du méchant étatisme.
Je perçois (peut-être à tord) que le monde évolue vers une concentration du capital avec la formation de mega entreprises qui faussent complètement le jeu de la concurrence.
Aujourd’hui je travaille dans un groupe de 450 000 employés. Il s’est constitué par rachat successif d’entreprises de plus grosses depuis une vingtaine d’années. L’actionnaire principal était millionnaire, il y a vingt ans et est maintenant milliardaire. Pour autant, il n’a créé aucune richesse. Il se l’ait accaparé. Sa technique : j’achète une nouvelle entreprise en m’endettant auprès de fonds de pension. Je coupe tous les investissements pour maximiser les profits et rembourser l’emprunt. Ensuite j’achète plus gros. Le non investissement sur les entreprises précédentes les fragilise mais l’effet se fait sentir de 5 à 10 ans plus tard car c’est un marché de distribution stable. Le groupe fait maintenant 20% du marché mondial. L’entité française dans laquelle je travaille depuis 15 ans est passée de 30% de part du marché français quand elle était autonome à maintenant 20% (dix ans dans le groupe avec 7 ans de grosse pression sur les coûts). Quand il ne pourra plus croitre de manière externe tout le système va s’effondrer ou du moins se rétracter. Le marché va jouer son rôle, les entreprises plus saines vont grignoter le Mammouth. Ok. Le big boss ou ses héritiers seront super riches et des dizaines de milliers d’employés auront du se serrer la ceinture pour le permettre. J’ai 58 ans aussi j’ai du mal à quitter le navire et malgré tout ma situation reste assez privilégiée. Cela ne sera pas le cas pour tout le monde.
Je suis assez sensible à la liberté individuelle aussi je me méfie de tout organisation trop grosse (état, parti, syndicat, entreprise). J’aimerais bien voir un modèle de société où toute force trop gigantesque voit son pouvoir contrebalancé. Les très grosses multinationales avec à leurs tête un patronat financier ne rendant presque jamais compte de leurs méfaits (collusion avec les états ?) me dérange presque autant que les monstres étatiques.
le point de l’article amha reste que dire que des profits sont excessifs est un non sens…et bien sûr sous entendu, toute politique se proposant de s’attaquer à ce faux problème est un vrai problème.