Homophobie en islam : requiem en Tunisie et au Maroc ?

En Tunisie, désormais, l’abolition de l’homophobie est fatale; la question n’y est pas si elle va avoir lieu, mais quand ? Ce qui ne manquera pas d’impliquer le Maroc déjà sous pression.

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Homophobie en islam : requiem en Tunisie et au Maroc ?

Publié le 21 mars 2017
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Par Farhat Othman.

Une initiative pour l’abolition de l’homophobie avant la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie le 17 mai vient d’être lancée en Tunisie, après nombre d’autres restées sans réel écho auprès des militants humanistes et les partenaires occidentaux de la Tunisie.

C’est qu’une telle initiative préconise d’abolir l’homophobie au nom de l’islam, ce dont ne veulent pas les militants encouragés en cela par les milieux occidentalistes dans le pays au nom d’une laïcité dévergondée, muant en laïcisme. Et un tel dogmatisme arrange les affaires des intégristes religieux.

Une mauvaise stratégie laïciste

Les modernistes se trompent de stratégie, la Constitution même de la Tunisie référant aux valeurs de l’islam et à la nécessité de leur respect. Aussi, nulle avancée en matière de sujets sensibles n’y sera possible, comme l’homophobie ou l’égalité successorale, la dépénalisation du cannabis et même le libre commerce et consommation d’alcool, sans le passage obligé par la religion.

C’est ce que rappelle, au reste, la dernière réunion du bureau exécutif du parti islamiste Ennahdha sans lequel rien ne se ferait encore en Tunisie, ne serait-ce que pour son poids électoral. Sans parler du noyautage des administrations tunisiennes réalisé de façon méticuleuse durant les trois années de son passage à la tête de l’État et ce grâce aux conseils avisés turcs, et surtout américains.

La donne ayant changé aux États-Unis, la pression est désormais plus grande sur le parti islamiste qui se trouve dans l’obligation de lâcher du lest sur certaines libertés, notamment celles de nature à ne pas contrarier son alliance avec le capital mondial. Il importe aux libéraux occidentaux, en effet, de ne pas donner l’impression que leur alliance avec les islamistes est celle qu’on qualifie déjà en Tunisie de capitalislamisme sauvage.

Aussi, la référence aux valeurs de l’islam dans la dernière position du parti Ennahdha ne doit pas tromper ; paradoxalement, elle annonce une avancée, certes tiède et biaisée, mais bel et bien un pas majeur dans le sens des libertés. Ce sera la dépénalisation de l’homophobie par l’abolition de l’article scélérat de la dictature et du protectorat, le honteux article 230 du Code pénal sur la base duquel continuent les tests anaux et de virginité aux portes de l’Europe !

En effet, ne se retient plus de parler de tels sujets sensibles frappés jusqu’ici d’interdit. Bien mieux, les plus proches conseillers du chef du parti, qui est d’ailleurs de plus en plus contesté et de manière publique par les faucons, adoptent même des attitudes libertaires que n’osent les démocrates.

Les militants en Tunisie qui ne relayent pas l’initiative précitée croient se fonder sur l’universalité des valeurs et le fallacieux caractère d’État civil de la Tunisie ; certains crient même au subterfuge et au piège. Pourtant, c’est exactement la stratégie islamiste qu’ils appliquent avec leur refus d’appuyer cette initiative.

Islamohomophobie : homophobie et islamophobie

De fait, le piège véritable est celui de s’abstenir de réclamer des avancées en matière des droits humanistes au prétexte qu’on ne veut pas le faire au nom de l’islam. Or, il est d’abord une culture avant d’être un simple culte ; c’est cela sa perception par les plus larges masses en Tunisie.

Par son attitude laïciste, la société civile la plus activiste devient au vrai un véritable complice des salafistes qui ont ainsi la garantie que rien ne changera dans la législation du pays jusqu’au moment où ils l’auront eux-mêmes décidé en proposant leur propres projets émasculés.

Par exemple, s’agissant d’homophobie, certaines voix au sein du parti Ennahdha parlent, non pas de dépénaliser l’homophobie, mais de fermer les yeux sur la vie privée des gens ; c’est ce qui risque d’arriver en Tunisie. Pour ce qui est de l’égalité successorale, ils y évolueraient en éludant la question, proposant juste de consacrer la liberté de prévoir par testament une part égale à l’homme et non le principe de l’égalité. Pourtant, on en a bien démontré la parfaite possibilité au nom des visées de l’islam.

Tout se passerait donc comme pour l’alcool, qui est vendu en Tunisie, mais avec des restrictions et l’anathème officiel. Il est interdit durant ramadan et les vendredis, et n’est pas servi dans les cafés, ne se trouvant que dans certains commerces éloignés des centres villes. Une hypocrisie qui heurte l’État de droit et permet d’incessants abus.

La dernière initiative d’une partie minoritaire de la société civile entend en finir avec l’homophobie au Maghreb en cette année 2017, s’appuyant sur les pressions internationales qui sont de plus en plus fortes sur la Tunisie, illustrées par la dernière résolution du parlement européen qui a nommément désigné l’article 230 du Code pénal comme prioritaire dans la réforme législative,

Ses promoteurs jugent inéluctable l’abolition de l’homophobie, mais se demandent s’ils y arriveront en 2017 et si cela se fera de manière claire et non détournée eu égard à l’opposition farouche des salafistes de tous bords, surtout l’islamophobie des laïques. En effet, l’attitude négative de l’appréhension de la question laisse la porte ouverte à toutes les manigances dans un pays qui est actuellement déboussolé. D’ailleurs, certaines voix sérieuses annoncent la reprise des attentats dont le but serait, à n’en pas douter, de détourner l’attention des questions devenues gênantes pour les intégristes, toutes tendances confondues.

Agissant donc deux mois avant la Journée mondiale de lutte contre l’homophobie, les militants se voulant justes de voix et de voie cherchent à prendre de vitesse les forces manichéennes menaçant le pays et qui n’appliquent, en somme, qu’une même stratégie jusqu’au-boutiste au nom de leurs intérêts idéologiques, se souciant peu des victimes de plus en plus nombreuses. C’est ce qu’ils nomment islamohomophobie.

Commerce de religion et business de l’homophobie

Or, du fait de la mauvaise médiatisation, les gays tunisiens n’ont jamais été aussi stigmatisés, harcelés et humiliés qu’aujourd’hui, alors qu’avant on les tolérait, fermant même les yeux sur certains excès. On voit de plus en plus nombre de Tunisiennes et Tunisiens, nullement homophobes, s’y attaquer pour juste dénoncer ce qu’ils estiment une singerie des abus en Occident, dont ils font, à tort, le lien avec la cause anti-homophobie.

Il faut dire qu’en Tunisie, comme ailleurs au Maghreb, pour user des catégories connues, le sexe est bisexuel. Aussi, il est inutile d’y parler de minorité homosexuelle, tout le peuple étant dénué de ce droit élémentaire au sexe, étant minorisé. C’est de droit au sexe qu’il importe de parler aussi pour être mieux entendu.

Maintenant, si on ne peut reprocher aux intégristes d’user à bon escient de la confusion régnant dans les esprits et de l’attiser, cela n’est plus permis aux militants sincères, surtout que nombre d’écrits ont été publiés, dont des livres dans le commerce, prouvant que l’islam n’a jamais été homophobe et que le sexe arabe est une sensualité.

Collusion antihumaniste

Les promoteurs de l’initiative disent donc qu’il faut en finir avec tout commerce des causes humanistes, celui de la religion innocente de ce qu’on lui fait assumer, mais également celui des militants gays dont d’aucuns ne font que du business avec cette noble cause.

Pour illustrer une telle collusion antihumaniste, ils rappellent, par exemple, que la plupart de ces laïcistes relevant de la même stratégie intégriste religieuse s’opposent à la normalisation des rapports de la Tunisie avec Israël qu’on diabolise, normalisation à laquelle appellent les promoteurs de l’initiative au nom de leur humanisme intégral.

Le temps serait-il venu d’arrêter, en Tunisie, de se servir, en le galvaudant, de l’humanisme comme les islamistes de la religion ? Le projet de loi — dont ci-après est rappelée la traduction française — y aidera assurément s’il a l’écho qu’il mérite auprès des humanistes sans arrière-pensées en Tunisie et surtout en Occident.

À noter que le Maroc est également sur la sellette, d’autant plus que les militants y disposent d’un martyr de la cause dont ils ne font pas encore une icône de leur combat. Un livre est ainsi récemment sorti en Belgique sur un message spirituel reçu par psychographie d’Ihsane Jarfi, jeune Belgo-marocain victime d’homophobie et d’islamophobie. Or, ce livre commande au nom du ciel l’abolition de ce que l’esprit qualifie de violation caractérisée de l’islam.

Le livre comporte, au reste, une adresse au roi du Maroc l’invitant à abolir l’article 489 du Code pénal, l’équivalent de l’article 230 tunisien, et qui est aussi une survivance coloniale. Une mouture de l’initiative, adaptée au Maroc, a d’ailleurs été publiée dans le royaume.

 

Projet de loi

Ahmed Ben Amor

pour l’abolition de l’homophobie en Tunisie

 

 

Attendu que l’homophobie est contraire aux droits de l’Homme et au vivre-ensemble paisible, à la base de la démocratie,

 

Attendu que l’orientation sexuelle relève de la vie privée que respectent et l’État de droit tunisien et l’islam,

 

Attendu que l’article 230 du Code pénal viole la religion musulmane qui n’est pas homophobe étant respectueuse de la vie privée de ses fidèles qu’elle protège ;

 

L’ARP décide :

Article unique 

 

La vie privée étant respectée et protégée en Tunisie, l’article 230 est aboli.

 

 

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