Trump devant le Congrès : un examen de passage réussi

Donald Trump a enfin enfilé son costume de président des États-Unis, malgré les contradictions et les faux pas.

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Donald Trump crédits Gage Skidmore (CC BY-SA 2.0)

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Trump devant le Congrès : un examen de passage réussi

Publié le 2 mars 2017
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Par Jean-Éric Branaa.
Un article de The Conversation

Ses opposants attendaient une nouvelle occasion de moquer un Président qui ressemblait davantage à un clown ou à un horrible personnage de bande dessinée à leurs yeux. Les plus enfermés dans une logique d’opposition auront beau jeu de relever les incohérences du discours, les exagérations ou les omissions, voire les mensonges. Cela fait partie du jeu politique que de relever ainsi les faiblesses de l’autre camp et de les dénoncer. The Conversation

Accents trumpiens

On a d’ailleurs retrouvé quelques accents très « trumpiens » qui serviront de base à ces attaques : ainsi, lorsque le président a rappelé qu’il a commencé à nettoyer le bourbier washingtonien, interdisant aux membres de son administration de travailler pour des lobbies pendant les cinq années qui suivront la fin de leur service à la Maison-Blanche, il a omis de préciser qu’il existe de nombreuses interrogations sur sa propre situation ou celle de ses proches.

Son insistance à rappeler ses premières réussites, notamment en faisant baisser le prix de l’avion de chasse F-35, ce qui aurait permis d’économiser des millions, est contredit par beaucoup d’experts. Il a poursuivi en affirmant que des milliers d’emplois seront récupérés grâce au retrait de l’ignoble accord transpacifique (TPP), alors que cet accord n’était toujours pas entré en vigueur, et qu’il était même dans les projets d’Hillary Clinton de le remettre en cause. Enfin, il y a ce point qui posera problème à beaucoup : Donald Trump a clairement évoqué le coût des sans-papiers, accusant quasiment les immigrants de voler les emplois des Américains.

Pour les Républicains, ce discours était aussi très différent de ce qu’un des leurs aurait pu faire. Ils n’auront pas retrouvé tous leurs petits dans un ensemble qui semblait parfois ne plus s’adresser à eux. Alors, comme ils ont désormais les clés de tous les pouvoirs, ils se concentreront sur ce qui ne suscitera aucune polémique et leur apparaîtra comme des acquis sûr : l’agenda proposé est clair et déterminé, le Président propose un changement fort pour le pays, il annonce la fin de l’Obamacare, le début de la dérégulation, une grande réforme des impôts.

Le costume du Président

Car, en effet, Donald Trump a réussi son exercice : pour cela, il lui fallait changer de ton, abandonner les enfantillages de la campagne, les attaques gratuites ou les anecdotes sans intérêt. Il n’est tombé dans aucun de ces pièges lors de ce discours de l’Union, son premier discours devant le Congrès, et a opté d’entrée pour un ton plus sobre, plus présidentiel. Mieux encore, il s’est appuyé sur l’héritage commun, rendant d’entrée hommage à la lutte des noirs pour les droits civiques, dénonçant les dérives de l’actualité récente, les attaques antisémites, celles contre les indiens. Son but était bien d’endosser le costume de Président qui lui a été offert par les électeurs le 8 novembre 2016.

En réitérant sa détermination à lutter contre Daech, il a voulu rassurer ses électeurs en leur disant que ses priorités n’avaient pas changé. Il a même parlé de « l’État islamique radical », alors que le nouveau conseiller à la sécurité intérieure, Herbert McMaster, n’aime pas cette rhétorique, montrant ainsi qu’il était le véritable patron et sera toujours celui qui aura le dernier mot.

Bien sûr, on pourra toujours dire que les mesures annoncées sont restées au stade des intentions et que Donald Trump s’est bien gardé d’entrer dans les détails : les membres du Congrès ont cependant désormais une feuille de route plus précise et peuvent donc se mettre au travail.

Défense, sécurité et immigration

Le Président a demandé une rallonge substantielle pour l’armée, 54 milliards de plus, et il l’a justifié en plaçant l’action de cette armée non seulement dans la défense extérieure et des frontières, mais également dans la sécurisation à l’intérieur, un rôle nouveau qui mérite qu’on le relève. Il a suggéré que l’augmentation du budget de l’armée soit compensée par une coupe dans l’aide internationale ou dans les dépenses pour l’environnement. Les républicains préféreraient qu’il aille piocher dans la protection sociale, ce qui ne peut que déplaire aux démocrates, mais sans satisfaire les Républicains, qui préféreraient prendre l’argent dans les dépenses sociales.

La sécurité a occupé une grande partie de ce discours, avec une référence à la criminalité, visant Chicago comme il l’a souvent fait, mais également l’immigration, sur laquelle il demande au Congrès de légiférer. Mais la surprise vient d’un changement de ton certain, avec l’abandon du mépris qui était ordinairement affiché et des ouvertures qui sont maintenant clairement exprimées : le nouveau Président avait laissé entendre ces derniers jours qu’il serait prêt à légaliser la situation des clandestins qui n’auraient pas commis de crimes et paieraient leurs impôts. Il affirme maintenant clairement qu’il y aura une immigration autorisée, pour ceux qui ont des compétences et apportent quelque chose au pays, « comme ce qui se fait au Canada ». Ce n’est pas ouvrir les portes en grand, mais ce n’est plus les fermer complètement.

Tout cela a dû troubler plus d’un élu et l’annonce de la construction du mur avec le Mexique a fait à peine réagir, en opposition comme en assentiment. Le président a toutefois été ovationné par les républicains lorsqu’il a annoncé la fin de l’Obamacare même si, là encore, de plus en plus de républicains commencent à penser qu’il faudrait peut-être suivre le conseil qu’avait prodigué Barack Obama juste avant de quitter le pouvoir : à savoir qu’il serait plus facile d’améliorer plutôt que d’éliminer.

Des démocrates ébranlés

Ce qui a surpris, enfin, c’est que Donald Trump a ajouté à son discours ce qui avait tant manqué lors de son discours d’investiture : l’invitation à l’unité, pour travailler pour le bien du pays et la prospérité de tous les Américains. C’est certes convenu, mais cela fait partie de la tradition de ce pays. Plusieurs démocrates, qui étaient fermement décidés à ne pas manifester la moindre émotion face à ce Président, ont finalement applaudi à la fin du discours. Comment n’auraient-ils pas pu se laisser convaincre alors que le chef de l’État exhortait les républicains et les démocrates à travailler ensemble : « cela va aider les chômeurs américains », a-t-il même ajouté. Son objectif était de convaincre et de séduire le camp démocrate : il leur a parlé avec leurs mots et leurs thématiques et cela en a ébranlé plus d’un. Il a même proposé un congé maternité et des droits nouveaux pour les femmes.

Il reste bien entendu des contradictions : lorsqu’il propose d’investir massivement dans la recherche, il propose dans un même temps aux républicains de voter la réduction du budget qui est dédié à la santé. Lorsqu’il encourage les efforts dans l’éducation, qui seule permet de se construire, il propose la fin d’une école publique pour tous.

Son projet de repli patriotique a également trouvé sa place dans ce discours et Donald Trump a répété cette phrase très forte qu’il avait déjà prononcée la semaine dernière au congrès des conservateurs (CPAC) : il n’a pas été élu « président du monde » mais seulement des États-Unis.

Avec sa longue intervention pour vanter un Navy Seal (commando de la Marine) mort récemment au Yémen, Trump a trouvé des accents que n’aurait pas reniés Ronald Reagan. C’est sur cette lancée qu’il en est arrivé à sa conclusion, que voici en substance : nous devons être aspirés par l’avenir, être portés par un rêve de grandeur et croire en l’Amérique. Nous avons tous le même sang, nous saluons tous le même drapeau et nous avons tous été créés par un même dieu : nous devons rester unis.

Jean-Éric Branaa, Maître de conférences politique et société américaines, Université Paris II Panthéon-Assas

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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  • « Lorsqu’il encourage les efforts dans l’éducation, qui seule permet de se construire, il propose la fin d’une école publique pour tous ». C’est la fin du collège pour tous à la française qu’il propose. L’éducation américaine étant atteinte des même tares que la française. Il faut libéraliser!

  • Les commentaires sont fermés.

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