Donald Trump et l’avenir du libéralisme

Nous avons besoin d’une nouvelle façon de penser la politique qui mette l’individu au centre, et ça, que Donald Trump soit d’accord ou non.

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Donald Trump et l’avenir du libéralisme

Publié le 11 février 2017
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Par Nick Gillespie et Véronique de Rugy.

Donald Trump et l’avenir du libéralisme
By: Marc NozellCC BY 2.0

Personne n’aurait l’idée de prendre Donald Trump pour un libéral, mais sa présidence ouvre des opportunités considérables pour faire avancer le projet libéral, ses retombées et ses aspirations dans notre environnement politique et culturel au sens large. Ceux qui comme nous croient à la réduction du gouvernement fédéral en taille comme en dépenses, et au développement de l’autonomie et des capacités de chacun pour vivre comme il l’entend devraient accueillir l’ère Trump à bras ouverts.

Que nous soyons progressiste, conservateur ou libéral – et quels que furent les mérites des grandes institutions politiques, économiques et culturelles des 70 dernières années – nous comprenons tous que l’État-providence construit sur un droit à des dépenses insoutenables, une défense nationale qui coûte de plus en plus cher pour des résultats de moins en moins probants, les grands groupes (ATT, IBM, General Motors) qui étaient « au-delà » des forces du marché et qui ne le sont plus, les conventions sociales qui classent les gens selon des catégories binaires abrutissantes (blancs et noirs, hommes et femmes, sains d’esprit et handicapés mentaux) – nous comprenons tous que tout ceci est partout en ruine ou en déclin.

Les taxis, exemples typiques d’un mix entreprise privé / pouvoir étatique dont les services sont de moins en moins performants, sont remplacés par des systèmes de transports partagés autorégulés toujours plus sûrs et innovants. Gary Johnson, le candidat présidentiel du Parti libéral américain, avait pour slogan de campagne : « Uber everything ». Rien de plus juste n’a été exprimé dans cette campagne.

 

L’ubérisation du monde

Tous les aspects de notre vie sont en train d’être révisés selon un nouveau système de fonctionnement intrinsèquement libéral qui permet à chacun, groupe ou individu, d’expérimenter à sa guise toutes sortes de nouveaux modes de vie. Ainsi que l’écrivait l’un de nous (Nick Gillepsie) avec Matt Welch dans La Déclaration des Indépendants, l’atténuation des contrôles dans nos activités économiques et culturelles, ainsi que dans notre vie privée, a systématiquement enrichi notre monde. L’économie du partage, l’impression 3D, la communication instantanée à l’échelle mondiale – tout ceci signifie que les entreprises grandissent, s’épanouissent, s’adaptent et meurent selon un schéma qui confirme parfaitement la théorie de la destruction créatrice de Schumpeter.

Nous vivons dans un monde où la consommation d’art, de musique, de vidéo, de texte et tant d’autres formes d’expressions créatives est sa propre forme de production et permet de nous connecter aux autres de façon latérale plutôt que hiérarchique. Les catégorisations ethniques pernicieuses persistent, mais elles sont nettement supplantées par un niveau de tolérance et de pluralisme effectif qui était inimaginable il y a seulement 20 ans, époque où moins de la moitié des Américains approuvaient les mariages mixtes. Comme l’ont souligné Welch et Gillepsie, les politiques publiques, toujours en retard d’une guerre, nous indiquent où l’Amérique se dirige déjà et où, dans bien des cas, elle est déjà arrivée.

 

Trump impuissant

En conséquence, la Maison Blanche et le gouvernement que Donald Trump dirige sont en train d’être projetés dans le XXIe siècle par des forces à l’encontre desquelles on verra que Trump sera finalement impuissant. Personne n’ignore qu’il veut « redonner sa grandeur à l’Amérique ». Ceci ne signifie rien d’autre que son désir de revenir au temps rêvé de ses jeunes années, lorsque les États-Unis pouvaient dominer, ou tout au moins prétendre dominer l’économie mondiale, empêcher les emplois de partir, et diriger les affaires étrangères avec succès depuis le canon d’un tank ou via des accords internationaux.

Et peu importe à Trump que le pays soit rarement sorti gagnant sur ces différents points à l’époque. Il est surtout important de réaliser que même lorsque nous étions perdants dans toutes les guerres (sauf la plus importante de toutes, la Guerre froide), même lorsque nous perdions des emplois et recevions des immigrants, notre niveau de vie augmentait massivement. Ce que Donald Trump ne comprend pas, fondamentalement, c’est qu’il ne s’agit pas de gagner ou de perdre, mais d’améliorer nos options, nos opportunités et nos possibilités.

Trump arrive à la Maison Blanche avec une cote de popularité historiquement basse. Ce n’est pas seulement son problème, loin de là. Son opposante démocrate Hillary Clinton subissait le même rejet, ce qui illustre l’énorme perte de confiance de la société, non pas dans tel ou tel candidat, mais dans l’ensemble du système politique – les deux grands partis, le Congrès et le gouvernement fédéral étant plus particulièrement touchés.

 

Le gouvernement en fait trop

Notre confiance en berne à l’égard du gouvernement résulte directement de son incapacité à nous procurer ce qu’il promet et, ainsi que le pense depuis longtemps une majorité de personnes, du sentiment qu’il en fait trop. Trump arrive après, non pas huit années d’une présidence impériale, mais après 16 années marquées par un tel comportement. Depuis le début du XXIe siècle, la Maison Blanche a été occupée par des hommes qui se sont tous arrogés de plus en plus de pouvoir, n’élaborant les arguments en leur propre faveur qu’en secret ou parmi leurs propres conseillers.

Avec sa personnalité tyrannique, son égotisme apparemment sans limite et son esprit vindicatif, Trump n’a fait que jeter de l’huile sur un feu qui était déjà allumé. Les conservateurs ainsi que nombre de progressistes, au moins temporairement pour ces derniers, sont de plus en plus conscients de la nécessité de limiter le pouvoir du gouvernement, notamment dans sa branche exécutive.

 

Limiter l’exécutif

Listes secrètes d’assassinats ciblés, surveillance sans limite, litanie infinie de décrets présidentiels couvrant un peu tous les sujets, des réglementations relatives au lieu de travail aux règles d’immigration, tout ceci ne constitue rien moins qu’une arme chargée laissée par Obama dans le Bureau ovale pour son successeur.

La gauche hystérique, celle qui rêve de camps de concentration politiques, celle des faucons en matière de défense, celle qui amalgame la Russie appauvrie de Poutine avec l’Union soviétique au plus fort de sa puissance et de son influence, cette gauche n’accorde aucun potentiel de rédemption à Trump. Elle a tort, au moins du point de vue libéral. Trump est iconoclaste. Il a exprimé différentes opinions qui suggèrent qu’il pourrait fort bien avoir envie de briser quelques idoles et les temples qui les abritent.

Sur certaines questions spécifiques – l’éducation par exemple, pour laquelle il s’est clairement positionné en faveur du libre choix de l’école pour les élèves – ses idées concordent aisément avec la sensibilité libérale qui consiste à donner plus de pouvoir et de liberté de choix aux individus. Contrairement aux derniers Présidents républicains, il pousse fortement à la baisse du fardeau réglementaire dans tous les domaines (George W. Bush fut à l’origine de nombreuses régulations majeures, un record pour l’époque).

Malgré un retournement politiquement calculé contre l’avortement, il semble posséder les « valeurs de New York » dont Ted Cruz essaya de se parer sans succès. Ainsi qu’il sied à quiconque est né et a été élevé dans la société très diversifiée de New York, il ne semble pas troublé le moins du monde par les gays et les lesbiennes, ni par tout autre forme alternative de style de vie. Au niveau personnel au moins, il semble être à l’aise avec des personnes issues de tous les milieux et de toutes les régions du monde.

 

L’antilibéralisme de Trump

Dans beaucoup d’autres domaines, peut-être même la plupart, Trump se situe à des années-lumière de l’idée libérale. En matière de politique industrielle et commerciale, il est horrible, et sa façon de considérer les immigrants et les musulmans comme des sous-hommes indignes d’entrer aux États-Unis est moralement répugnante. Dans leur grande majorité, les Américains sont en désaccord avec de tels principes : deux tiers d’entre eux pensent que les sans-papiers devraient non seulement pouvoir légaliser leur situation, mais accéder à la naturalisation (point de vue également partagé par 50 % des Républicains).

Cependant, la marque de fabrique de la politique de Trump n’est pas son populisme mais son incohérence générale. Son esprit est comme une décharge d’idées, de postures et de politiques importées de la période d’après-guerre, dont certaines, comme le protectionnisme économique, furent extrêmement populaires et même parfois efficientes (ou du moins pas catastrophiques) pendant quelque temps.

Mais dans son chapeau rempli d’impulsions hétéroclites, on ne trouvera rien qui puisse dialoguer avec le futur, pour la bonne raison qu’il ne vit pas dans le futur, il ne vit même pas dans le présent. Il a 70 ans, après tout. Non seulement il rêve d’interdire cet internet d’une façon ou d’une autre, mais il pense que Bill Gates serait l’homme idéal pour le job.

 

Un gouvernement plus modeste

Pendant toute la campagne, il n’a eu de cesse d’exhiber Carl Icahn, 80 ans, comme conseiller économique modèle. Son fonds de commerce consistait à démembrer des entreprises (brillamment, le plus souvent) après une OPA hostile. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Icahn a fait son temps. Il est de notoriété publique que Trump n’utilise pas les emails. Même son compte Twitter, réputé pour son activité effrénée dans le genre odieux, relève d’un style d’échanges au lance-flammes qui était déjà passé de mode avant même l’époque révolue où les groupes Usenet étaient encore tendance.

Washington n’a plus d’argent, est impopulaire et fonctionne mal.

Dès lors, voici la seule question qui vaille : et maintenant, que fait-on ?

Il est clair que nous avons besoin d’un gouvernement qui dépense moins et qui en fait moins, mais qui saura aussi se montrer attractif au plus grand nombre d’Américains, quelles que soient leurs opinions politiques. Nous savons quel système opérationnel a su améliorer nos vies sur les plans économique, culturel et personnel. C’est celui qui découle directement des idées libérales de maximisation des options pour les individus et les groupes qu’ils forment afin de découvrir et suivre leur chemin vers le bonheur. Ce système économique, culturel et personnel fournit les cadres de base et les attentes qui facilitent la création d’une réputation et l’espoir de se voir traiter avec respect et réciprocité.

À l’opposé des menaces et de la coercition, il est bâti sur la persuasion et il permet à quiconque le souhaite de s’en éloigner ou de le quitter. Il n’exige pas non plus de recevoir une approbation préalable et ne force nullement l’adhésion (la simple tolérance suffira). Il ne fait appel au consensus qu’en cas d’absolue nécessité. Quand il n’existait que trois ou quatre chaînes de télévision, les polémiques sur ce qui était « acceptable » ou non étaient certes inévitables. Mais dans un contexte de choix infinis qui ne peuvent être imposés à quiconque, le débat sur ce qui est bon ou mauvais prend les allures de la conversation, pas de la censure.

 

Nous sommes tous devenus libéraux

Nous sommes parvenus à créer un système opérateur de meilleure qualité que celui qu’il a remplacé parce qu’il permet à des personnes toujours plus nombreuses de lancer toutes les applications qu’elles veulent sans fracasser complètement l’ordinateur ou le réseau. Nous pouvons apprendre les uns des autres et recomposer à notre façon tout ce qui nous intéresse. Quand nous faisons des achats sur Amazon ou Whole Food, quand nous regardons des films sur Netflix, quand nous mangeons ce que nous voulons et épousons qui nous voulons, nous sommes tous libéraux, que nous votions pour Jeff Sessions (sénateur républicain, ministre de la Justice de Donald Trump) ou Elizabeth Warren (sénatrice démocrate).

Le défi, bien sûr, sera de traduire cet état d’esprit du « vivre et laisser vivre », ce modèle de la corne d’abondance, dans les termes de la politique et du gouvernement, ce qui, par définition, exclut la sécession. C’est là que l’impétuosité de Trump, sa propension à diviser, nous obligent à réaliser que le gouvernement n’est pas et ne peut être tout à tout le monde sans générer des conflits sans fin. Nous ne sommes pas d’accord sur suffisamment de sujets pour donner au pouvoir en place la capacité de nous dicter à tous les termes de notre vie (et inutile de dire qu’un tel système serait de plus fiscalement intenable). Sans le savoir, mais avec une force authentique, Trump a mis tout cela sur la table.

 

Avancer dans la direction libérale

Il nous reste maintenant à en commencer l’évaluation et à avancer sans complexe dans la direction libérale. L’Amérique a changé du tout au tout depuis la création de la sécurité sociale pour la retraite et l’adoption de Medicare. Le monde ne vit plus un combat crépusculaire entre les deux principales philosophes politiques issues des Lumières (le libéralisme et le communisme) ; le terrorisme mondialisé semble bien pâle en comparaison. Nous vivons sur une planète qui n’a jamais été aussi riche, éduquée et connectée qu’aujourd’hui ; nous vivons sur une planète qui n’a jamais donné autant de possibilités d’autonomie à chacun de ses habitants. De plus en plus de gens vivent dans une liberté toujours plus grande et ils veulent poursuivre leur existence selon leur propre entendement, pas selon les diktats de tel ou tel leader.

C’est précisément parce qu’il est si impopulaire, si irritant et si en retard sur l’époque que Trump marque la fin d’une dynastie. Il est le dernier des Plantagenêt, certainement pas le premier roi d’une nouvelle lignée. Il sera non seulement le chef de la fin du Parti républicain dans sa forme actuelle, mais aussi le président de la fin du gouvernement fédéral tel que nous le connaissons.

Libéraux, nous devons saisir notre chance maintenant, alors que les Républicains et les conservateurs s’inquiètent de ce qu’ils ont propulsé au pouvoir, tandis que les progressistes et les Démocrates sont terrifiés à l’idée que l’État boursouflé qu’ils ont appuyé de toutes leurs forces puisse se retourner contre eux. Se profile devant nous un chemin qui permettra de réduire la taille, les centres d’intérêt et les dépenses du gouvernement et transformera la protection sociale en instrument de soutien et d’opportunité. Nous disposons d’un nombre croissant d’exemples (l’économie du partage, Bitcoin) qui montrent que les innovations spontanées (réalisées sans autorisation préalable) sont à la base des grands changements que les gouvernements promettent sans jamais les atteindre, ou si rarement.

Nous pouvons remplacer les allocations fiscalement insoutenables qui vont aux personnes riches et âgées par des dotations sans limite en direction des plus pauvres, nous pouvons offrir aux enfants un choix de scolarité plutôt que de les renvoyer dans des prisons ouvertes sur la base du code postal de leurs parents. Nous pouvons faire en sorte que les impôts soient reconnus en tant que financements nécessaires pour gérer des services fournis par le gouvernement à partir du moment où ces services sont spécifiquement acceptés, et non plus en tant que racket spécialement conçu pour augmenter indéfiniment les dépenses publiques et le déficit.

Nous pouvons exiger d’être traités comme des adultes, capables de décider par nous-mêmes quels sont nos drogues, nos traitements médicaux et nos codes de langage préférés. Tout ceci doit être exposé au grand jour, autant en termes lyriques et inspirants que dans la forme plus détaillée et plus sérieuse d’un véritable plan d’action.

Les Américains pensent dans un rapport de 1 à 2 que le pays va dans la mauvaise direction (60 % contre 30 %). Cette crainte a été renforcée par le choix présidentiel offert en 2016 entre Clinton et Trump, puis doublement soulignée au marqueur par l’élection de l’homme qui est président aujourd’hui. Un futur dans lequel le gouvernement est fissuré et diminué – un futur dans lequel les individus sont restaurés dans leur autonomie et leur dynamique propre – un tel futur est possible, mais seulement si nous agissons pour le faire advenir.

Traduction Nathalie MP pour Contrepoints.

Donald Trump and the libertarian future

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