Trump et Le Pen : l’inquiétant retour du protectionnisme fiscal

Le président américain Donald Trump et la candidate à l’élection présidentielle française Marine Le Pen prévoient tous deux d’instaurer des mesures fiscales protectionnistes. [Replay]

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Trump et Le Pen : l’inquiétant retour du protectionnisme fiscal

Publié le 24 avril 2017
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Par Virginie Pradel.

Trump et Le Pen : l’inquiétant retour du protectionnisme fiscal
By: Blandine Le CainCC BY 2.0

Le monde marcherait-il actuellement sur la tête ? Alors que Xi Jinping s’est présenté lors du dernier Forum de Davos comme un chantre pour le moins étrange du libre-échange, Donald Trump et Marine Le Pen se glorifient de vouloir mettre un frein à ce dernier.

Pour ce faire, les deux trublions envisagent d’instaurer des mesures fiscales protectionnistes qui viseraient, en théorie, à protéger leur économie nationale contre la concurrence étrangère.

En pratique, ces mesures auraient cependant des conséquences fâcheuses voire désastreuses dès lors qu’elles pourraient entraîner des sanctions commerciales, des désordres géopolitiques, une raréfaction et un renchérissement artificiel du prix des biens et services importés et un appauvrissement général de l’État protectionniste et de ses citoyens.

Le protectionnisme fiscal

Pour mémoire, le protectionnisme, qui peut prendre la forme d’un protectionnisme fiscal, constitue une politique économique interventionniste par laquelle un État vise à protéger son économie contre les effets prétendument pervers du libre-échange.

Les États ont longtemps recouru au protectionnisme fiscal avant que celui-ci ne décline suite à l’adoption de différents traités visant à réduire ou à supprimer les barrières douanières et fiscales. Force est toutefois de constater que ce dernier a malheureusement de nouveau le vent en poupe.

Le protectionnisme fiscal de Donald Trump

Donald Trump envisage de transformer profondément le système fiscal américain en remplaçant l’impôt sur les sociétés actuel par un nouvel impôt sur le flux de liquidité basé sur la destination (« destination-based cash flow tax »), lequel impliquerait un ajustement à la frontière qui exempterait les exportations (protectionnisme offensif) et taxerait les importations (protectionnisme défensif).

Selon le nouveau Président des États-Unis, cet impôt aurait pour objectifs de rétablir les conditions de concurrence avec les États qui utilisent le système de TVA (les États-Unis étant l’un des seuls à ne pas avoir adopté cet impôt), d’éliminer les pratiques de manipulation des prix de transfert des multinationales et les phénomènes de délocalisation de la production, lesquels profitent aux États à fiscalité réduite.

Le protectionnisme fiscal de Marine Le Pen

Marine Le Pen a, quant à elle, révélé dans son programme présidentiel qu’elle souhaitait mettre en œuvre un protectionnisme « intelligent » et strictement défensif se matérialisant par une contribution sociale aux importations égale à 3 % du montant des biens importés. Cette mesure permettrait, selon elle, de baisser les cotisations sociales salariales et d’augmenter corrélativement de « 200 euros net les rémunérations des salaires jusqu’à 1,4 fois le SMIC ».

Pour lutter contre « le libre-échange et la mondialisation sauvage », la candidate du Front National propose également de mettre en place des droits de douane afin de « rétablir une juste concurrence avec les États dont l’avantage concurrentiel est issu du moins disant social et des manipulations monétaires ».

Contrariété aux traités commerciaux

L’impôt sur le flux de liquidités de Donald Trump s’apparenterait à une discrimination à l’égard des produits importés et à une subvention à l’exportation, lesquelles constitueraient respectivement une violation de l’Accord Général et de l’Accord sur les Subventions de l’OMC.

Les mesures de protectionnisme fiscal prévues par Marine Le Pen violeraient aussi l’Accord Général de l’OMC ainsi que le Traité sur le fonctionnement de l’UE.

Sanctions commerciales encourues

En cas de violation des traités de l’OMC et de l’UE, les États-Unis et la France seraient, de toute évidence, traînés devant les tribunaux et lourdement sanctionnés.

Du reste, ils subiraient vraisemblablement des mesures de rétorsion directes et indirectes de leurs partenaires commerciaux.

Les sanctions infligées seraient bien entendu prises en charge, le cas échéant, par les contribuables américains et français, ces derniers étant les premières victimes du protectionnisme fiscal.

Augmentation du prix des biens et services

Les mesures de protectionnisme fiscal auraient, par ailleurs, pour regrettable conséquence de renchérir artificiellement le prix de tous les biens et services importés aux États-Unis et en France.

Ce surcoût pourrait soit être directement pris en charge par les entreprises si leurs marges commerciales le permettaient, soit répercuté sur les consommateurs qui se verraient alors contraints de payer plus cher des biens et services identiques. Les entreprises et les consommateurs seraient donc les secondes victimes du protectionnisme fiscal.

Mauvais remède au manque de compétitivité

Le protectionnisme fiscal s’inscrit comme une mauvaise solution au problème crucial du manque de compétitivité des entreprises françaises et américaines.

Il est illusoire de penser qu’un État puisse arbitrairement rendre ses entreprises compétitives par le simple biais de l’instauration de sanctions fiscales à l’encontre d’entreprises étrangères. Ce constat apparaît cependant plus nuancé pour les États-Unis qui disposent, contrairement à la France, du poids commercial leur permettant d’imposer de telles sanctions à leurs partenaires commerciaux.

Un protectionnisme fiscal à éviter

Tout l’art du promoteur de mesures protectionnistes consiste à faire croire que celles-ci vont s’exercer dans l’intérêt général. En réalité, le protectionnisme fiscal s’exerce seulement au profit de quelques politiciens et de certaines entreprises qui s’enrichissent indûment au détriment de la majorité des entreprises et de l’ensemble des consommateurs.

En conclusion, les électeurs français doivent se méfier des sirènes du protectionnisme, lequel est fallacieusement présenté par le Front National comme un instrument de sauvetage national. En réalité, sa mise en œuvre aurait assurément un coût politique, diplomatique, commercial et fiscal faramineux qui conduirait inexorablement à la ruine de la France et de ses citoyens.

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  • Très von article bien renseigné sur la théorie et les réglementations internationales et les réglementations du libre échange.

  • Trump a ciblé 2 pays, la Chine et l’Allemagne.
    Il eut été bien de nous expliquer également les règlements à propos des pays sur-privilégiant leurs avantages concurrentiels. Ex: L’Allemagne et la Grèce avec la même monnaie, par exemple, il n’y a pas un petit problème dès le départ ?

  • Le protectionnisme fiscal a un énorme avantage par rapport au protectionnisme rampant à base de normes et d’autorisations telles qu’on le pratique aujourd’hui : il peut être supprimé d’un trait de plume !

  • Il est urgent que la France devienne un paradis fiscal…

    • Je suis d’accord avec toi, mais je deteste être un utopiste… Les français aiment trop être des parasites… (autant certains bi-nationaux et certains français de souche)

      • Je préfère employer le terme d’assistés… Les Français attendent tout de l’Etat. Le rêve de la jeunesse : être fonctionnaire…

  • Je crois que le problème est mal posé. Il y a quelque chose de révoltant de voir une usine fermer ici et ouvrir à l’identique ailleurs pour une simple question de coût de la main d’oeuvre. C’est sur cette indignation que surfe les populistes. Ce qui est en cause c’est la maximalisation des profits au détriment de ceux qui créent la richesse. Ce qu’il faut imaginer c’est une politique qui décourage les délocalisations, par exemple une forte taxation pendant x années pour les produits qui ne sont plus construits sur le territoire national. L’entreprise perdant ainsi un marché y regarderait alors à deux fois. Ce genre de choses devrait se négocier à l’OMC bien sûr. Pourquoi l’OMC ne devrait s’intéresser qu’aux échanges de biens et pas également aux échanges de MO et sur la concurrence déloyale qu’il y a dans ce domaine ?

    • Il y a quelque chose de révoltant à voir les nationaux quitter le territoire de la mère patrie.
      Ce qui est en cause c’est la maximisation du profit aux détriment de la collectivité nationale.
      Ce qu’il faut imaginer c’est une politique qui décourage les individus d’aller s’établir à l’étranger, en créant une forte taxation sur tout ceux qui veulent franchir la frontière.

      • @ bibi
        Ce qui serait une autre entorse au consensus européen de la liberté de circuler des citoyen dans l’Union: pas très libéral, ça non plus.

        • C’était censé être une démonstration par l’absurde.
          En général ceux qui sont contre la libre circulation des marchandises sont pour la libre circulation des individus à commencer par eux même, et trouveraient scandaleux que l’état leur fasse payer une taxe quand il quitte le territoire national.

          On peut faire la parallèle avec José Bové qui est contre le libre circulation des marchandises mais qui trouve anormal de se faire refouler à la frontière canadienne!

      • Les barbelés, miradors et Vopos, c’est imparable :mrgreen:
        C’est pourtant à cela que mènent les étatistes, même microniens 🙁

  • Il y a d autres barrières que les barrières douanières comme les normes phytosanitaires et autres En France ces normes sont plus exigeantes pour les fabriquants et producteurs français qui sont ainsi discriminés par rapport à la concurrence étrangère non soumise à ces contraires dans le cadre de l omc
    Il y a donc assymetrie de la part de concurrents qui eux protègent leur marché intérieur en instaurant de telles normes vis à vis des importations et mettant des obstacles aux investisseurs etrangers quand ils veulent vendre sur leur marché intérieur
    (Comme le marché chinois par exemple)

    À terme le déficit chronique de la balance commerciale signifie désindustrialisation et appauvrissement du pays importateur et aussi enrichissement des multinationales

    Il est donc plus qu urgent que l on modifie les règles fiscales pour attirer et maintenir encadrer durablement l investissement industriel et technologique

  • Il faudrait arrêter de comparer la France et les États-Unis: les U.S.A. sont (un peu!) plus comparable à l’Union Eruropéenne, autre « ensemble d’états +/- solidaires », alors que la régionalisation française est encore balbutiante.

    Vous ne pouvez ignorer que les états européens qui redémarrent, y sont parvenus par une réduction du train de vie de leur machine étatique quand la France a préféré conserver (et entretenir) son obésité étatique en appauvrissant sa population plus fiscalisée, d’où l’émigration peu discrète de certains se désolidarisant non de leur pays mais des « solutions » adoptées!

  • S’inquiéter de la conformité aux traités internationaux régissant le libre échange de mesures qui ont fini par s’imposer après que 45 ans de violations continues des traités régissant le libre échange fondé sur la réciprocité mutuelle et l’équilibre des balances courantes aient engendré des déséquilibres commerciaux massifs et persistants réglés à crédit, engendrant l’explosion de la dette globale par rapport à la production globale jusqu’à quasiment faire imploser le système en 2008, est vraiment très amusant.

  • Il faut bien comprendre que les Etats-Unis – pays continent largement auto-suffisant dans pratiquement tous les domaines, y compris dorénavant en ressources énergétiques – ont peu à perdre en devenant isolationnistes car leur économie est assez peu dépendante du commerce extérieur. À vrai dire, ils ont même quelque chose à y gagner car leur solde est très déficitaire. Pour la zone Euro, c’est l’inverse : elle a plus à y perdre qu’à y gagner, la part relative des flux commerciaux externes dans son PIB est nettement plus importante et son solde est très excédentaire (très largement du fait de l’Allemagne). La Chine aurait aussi beaucoup à y perdre pour les mêmes raisons. L’idée que les pays excédentaires disposent de leviers de rétorsion face aux pays déficitaires est très amusante.

    L’idée que le protectionnisme est inflationniste dans une situation de sous-emploi et de sous-utilisation des capacités massives est elle-aussi très amusante, similaire à l’idée qu’un déficit public dans ces mêmes conditions seraient inflationnistes.

    D’où cette situation paradoxale : le système monétaire et commercial international actuel est largement de conception américaine mais, si les Etats-Unis se retirent, ce seront surtout l’Europe (principalement l’Allemagne) et la Chine qui en souffriront. C’est donc d’abord et avant tout aux dirigeants européens et chinois de proposer un système commercial et monétaire international équilibré dans lequel les échanges découleraient des réels avantages comparatifs de chacun à balances commerciales équilibrées et non des arbitrages salariaux et / ou fiscaux aboutissant à des soldes commerciaux déséquilibrés réglés à crédit. Dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, la carence de leadership est patente.

    • « …largement auto-suffisant dans pratiquement tous les domaines… »

      La part des importations des biens et services dans le PIB des USA a a augmenté de 150% depuis 1960, pour représenter près de 30% actuellement. On voit mal comment du jour au lendemain l’économie nationale américaine pourrait y suppléer.

      • Vos données sont erronées. Les importations représentent 15% du PIB américain (http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NE.IMP.GNFS.ZS?locations=US&view=chart). Les exportations autour de 12-13%, La difference est le déficit. C’est à dire que la part du commerce extérieur dans le PIB américain est d’environ 13-14% du PIB (ou 27-28% en brut si vous préférez, importations + exportations)

        D’une part, cette dépendance au commerce extérieur des US est massivement inférieure à celle de l’Europe et colossalement inférieure à celle de la Chine par exemple.

        D’autre part, le solde est largement négatif pour les US tandis qu’il est largement positif pour l’Europe (principalement du fait de l’Allemagne) et massivement positif pour la Chine.

        C’est donc bien ce que je dis. Les US ont plus à gagner qu’à perdre à protectionnisme. Vice versa pour l’Europe et la Chine.

        Enfin, ce n’est pas parce qu’ils importent que les États-Unis ne savent pas faire domestiquement. Les firmes américaines ont apporté les savoir-faires dans les pays où elles se sont installés en raison de coûts inférieurs au taux de change. Elles n’ont pas perdu les savoir-faites. Le rapatriement aux US n’est essentiellement qu’un problème logistique. Certes de grande ampleur et non trivial du tout mais éminemment faisable.

        Les constructeurs automobile ou Apple par exemple peuvent amorcer le rapatriement de leur production mexicaine ou Chinoise en une année et le finaliser en quelques années.

        Il y a bien longtemps qu’il faillait s’inquiéter des gigantesques déséquilibres extérieurs susceptibles s’ils perduraient de mener au protectionnisme. Se lamenter maintenant, sans même comprendre ce qui a mené à cette situation est largement trop tard et totalement stérile.

        • Elles n’ont pas perdu les savoir-faites

          Sans doute, mais les chinois finiront par mieux faire, surtout li gras du bide se met en place aux USA.

  • Article intéressant, mais je regrette que vous n’expliquiez pas plus comment le protectionnisme fiscal (français en particulier) va impacter les personnes et entreprises. En effet, si vous indiquer qu’il leur reviendra de prendre en charge le surcoût généré, je suppose que de telles mesures sont aussi censées avoir des répercussions positives (création d’emplois, dynamisation des échanges en conséquence, Etat plus riche donc service public meilleur, etc.).

    Qu’en est-il ?

    • Le protectionnisme n’a d’effets positif qu’à court terme.
      Aucune raison d’essayer de les trouver ou des les expliquer du coup.
      Récemment , 25 prix nobels d’économie se sont mis d’accord pour dire que le protectionnisme ca ne marchait pas, et si on les écoutait pour une fois?

  • Les commentaires sont fermés.

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