L’obsession gaulliste, d’Éric Brunet

L’obsession gaulliste de la droite la rend dépendante des idées de la gauche et de l’économiquement correct. Le rejet des riches et du libéralisme sont les preuves de cette soumission à un héritage encombrant.

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L’obsession gaulliste, d’Éric Brunet

Publié le 12 janvier 2017
- A +

Par Nicolas Lecaussin.
Un article de l’Iref-Europe

Pourquoi le gaullisme est-il devenu la référence suprême de toutes les personnalités politiques ? De Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, en passant par François Bayrou, tous, presque sans exception, se réclament du Général. Dans un brillant essai, Éric Brunet explique les dangers de cette vénération injustifiée et ses dangers pour la France.

En 1959, Jean-François Revel publiait un pamphlet intitulé Le style du général dans lequel il dénonçait les dérives autoritaires de la Ve République débutante ainsi que les limites de l’admiration œcuménique dont faisait l’objet de Gaulle de la part de la droite française et d’une partie de la population. Bien entendu, sa critique ne concernait pas la période de la guerre et de l’Occupation. De Gaulle se voulait l’incarnation d’une « certaine idée de la France » — formule creuse reprise aujourd’hui à tout-va —, ainsi que le sauveur de toute une nation. Il a brillamment su profiter des moyens de communication de masse et a compris l’importance de l’appel direct à la population.

Il a aussi manié avec perfection les phrases vagues et énigmatiques, une sorte de langue de bois à l’usage des personnalités autoritaires. Toute cette panoplie de l’art de la communication a été mise au service d’une politique catastrophique sur le plan international et avec des lourdes conséquences sur le plan intérieur. À l’extérieur, il n’a pas saisi (comme l’avaient fait les Anglais dès 1945) les mouvements de libération nationale qui secouaient les pays colonisés.

De Gaulle contre l’Amérique

Son fameux « Je vous ai compris » n’est finalement qu’une phrase débouchant sur une guerre sanglante aux conséquences dramatiques tant pour les Pieds-Noirs que pour les Algériens. De même, le Général a complètement sous-estimé le totalitarisme communiste, son essor en Indochine, en préférant l’anti-américanisme et l’anti-atlantisme de circonstance.

Sur le plan interne, il a mis en place les dérives présidentielles de la Ve République avec sa Constitution qui fonctionne seulement quand elle est… « violée ». Le double exécutif – caractéristique française parmi les pays riches et démocratiques – fait du chef du gouvernement tantôt le valet du Président, tantôt son ennemi si par malheur il appartient à l’opposition. Ce qui fait du Président une personne intouchable, et de l’Assemblée une simple caisse de résonance qui n’a aucun mot à dire sur le budget de l’État par exemple.

Alors, comment se fait-il que le gaullisme soit devenu aujourd’hui la référence suprême de toutes les personnalités politiques ? De Jean-Luc Mélenchon à Marine Le Pen, en passant par François Bayrou, tous, sans exception, se réclament du Général. Sans oublier les intellectuels, de Zemmour à Natacha Polony. C’est la question que se pose le journaliste Éric Brunet dans son brillant essai intitulé L’obsession gaulliste (Albin Michel, 2016).

« Je suis Charles », semblent dire tous nos politiques.

L’alliance gaullo-communiste

D’abord, Éric Brunet rappelle les tares du gaullisme, ou plutôt du gaullo-communisme car tout est parti de la fameuse alliance entre de Gaulle et les communistes de la résistance, incarnés par le CNR (Conseil national de la résistance). Dès 1943, De Gaulle déclare : « On réfléchit sur les causes de la guerre qui sont à chercher au-delà d’Hitler, du côté de la crise de 1929, de la dépression et de la faillite du libéralisme. » Les communistes (les Soviétiques) ont vite compris qu’ils pouvaient faire du Général leur meilleur allié.

Ce fut donc l’entrée de cinq ministres communistes dans le premier gouvernement libre et les débuts de la mise en place de l’État-providence par deux mesures symboliques : la Sécurité sociale et le paritarisme, ainsi que la création de l’ENA. La première, pour donner des gages de financement aux syndicats communistes ; la seconde pour la mise en place d’une catégorie de hauts fonctionnaires qui assurera la pérennité de l’interventionnisme étatique en France.

Par la suite, la droite française deviendra de plus en plus gaulliste en privilégiant les mesures étatiques (Jacques Chirac en constitue un excellent exemple) en ayant peur de réformer. Cette obsession gaulliste la rend dépendante des idées de la gauche et de l’économiquement correct. Le rejet des riches et du libéralisme sont les preuves de cette soumission à un héritage encombrant.

Jamais la droite n’a eu le courage de tuer le père en assumant une vraie politique de droite. Elle a préféré le consensus mou et l’inaction. Sa crainte de réformer relève de la « non-assistance à France en danger », écrit avec raison Éric Brunet. Malheureusement, les références au gaullisme sont quotidiennes ces temps-ci. L’auteur craint une nouvelle période d’étatisme, certes tempéré, mais toujours destructeur.


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  • Merci à l’auteur et à Contrepoints pour cet article salutaire qui met l’accent sur la faiblesse de notre « démocratie à la française » issue de la constitution de la Vème république.

    Le gaullisme est le prolongement du bonapartisme qui continue, inconsciemment, à faire rêver majoritairement les français qui pensent que le salut viendra d’un homme providentiel a qui on va donner les clefs de la « République » pendant 5 ans….Que de déconvenues passées et à venir…

  • La France aura une chance de devenir libérale le jour où elle réussira à se débarrasser du « gaullo-communisme » .

    • Quelle besoin d’enlever ce qui a fait la France une des grandes puissance du monde. Le néolibéralisme, lui, tue à petit feux le pays.

    • @Jacques Peter
      Oui il faut se débarrasser du gaullo-communisme.
      De mémoire je cite : Hayek a dit à la fin de sa vie dans une interview avec Guy Sorman, pour son livre les vrais penseurs de notre temps, que la France deviendrait libérale quand tous les pays au monde le seront devenus. C’est dire le chemin qu’il nous reste à parcourir. Voir le livre de Jean Mazé « Le Système de 1943 à 1951 » pour connaitre l’origine de nos problèmes !

  • Le gaulisme est un curieux mélange de conservatisme Maurassien, d’étatisme autoritaire au service d’un patriotisme pointilleux inspiré de l’armée.
    Mais il y a aussi une dimention libéral sur le plan économique : en 58, il a entrepris avec succés un train de réforme de la fonction public pour redresser les comptes de l’état et la monnaie. Puis Pompidou, en tant que premier ministre puis président, a mené une politique économique que l’on qualifirait aujourd’hui de très libéral.
    C’est une caractéristique réccurente des droites occidentales, l’alliance du conservatisme sociétal avec le libéralisme économique.
    Le bonapartisme était en sont temps un parti de gauche car il préconisait le remplacement des élites traditionnelles issues de la noblesse par les corps de l’état sélectionné par une méritocratie.

    • Liam,
      Oui la « méritocratie » version Napoléon d’Ajaccio.
      Ne serait-il pas préférable d’aller vers la démocratie directe ou semi directe, version Suisse, avec possibilité de contrôle des élus par des référendums d’initiative citoyenne. On pourrait alors dire « Adieu 49-3 » comme un ancien Premier Ministre voudrait encore nous le faire croire…Une imposture de plus !!

  • De Gaulle a fait appel à Rueff, grande figure libérale en économie en France pour libéraliser l’économie française. Pour information Jacques Rueff a été durant tout le mandat de De Gaulle un conseiller influent. De Gaulle a nommé 3 premiers ministres libéraux. De Gaulle a organisé la décolonisation qui avait été instituée par la gauche. De Gaulle a fait rentrer la France dans la CEE. Et bien d’autres…

  • Je préfère le de gaulle (qui je le rappel n’avais pas de dette et les a même épongé) au libéralisme (ou plutôt néolibéralisme) moderne qui ne fait que les choses suivante : dette, précarité, crise et chômage (et désindustrialisation ect…)

  • C’est une façon simpliste ,biaisée, partisane d’analyser certaines décisins du général, puis Président De Gaulle qui décrédibilise le traitement du sujet.Ne mérite pas plus de commentaires.

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