Urgences hospitalières en souffrance

Panorama des urgences : elles coûtent cher et leur organisation n’est pas forcément idéale.

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Urgences hospitalières en souffrance

Publié le 9 janvier 2017
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Par Bernard Kron.

urgences
Urgences by Dan d’Auge(CC BY-NC-ND 2.0)

Les dépenses hospitalières ont représenté 90 milliards d’euros en 2015, soit près de 40 % du budget de la santé.

Dans le secteur public la consommation de soins s’élevait à 70 milliards d’euros en 2015. Dans le secteur privé hospitalier (cliniques), la consommation de soins a atteint plus de 20,3 milliards d’euros.

La dépense de soins des médecins généralistes de ville est évaluée à 8,7 milliards d’euros par an, mais 20 % des dépenses de la ville sont consécutives aux prescriptions par les médecins des hôpitaux.

Les urgences coûteraient à l’hôpital, selon la Cour des comptes, environ 3,5 milliards d’euros.

 

Les chiffres des urgences

Avec plus de 18 000 000  de passages par an à l’hôpital et bientôt 20 000 0000, le coût financier et humain est exorbitant.

Le personnel surchargé n’est pas toujours assez disponible pour diagnostiquer les cas graves qui se mêlent à la bobologie.

Près de 4 000 000 d’entre elles en effet ne sont pas justifiées par leur gravité : simples rhumes, petites douleurs, points de sutures, foulures etc.

Les normes et les contraintes empêchent nombre de libéraux de les prendre en charge.

De nombreuses cliniques qui assuraient les urgences ont fermé, depuis la création des Agences de santé (ARH puis ARS).

La désertification médicale, conséquence d’un numerus clausus trop serré depuis les années 1990 et la fermeture des centres de proximité participent à ce désastre.

 

Le coût réel des urgences à l’hôpital

Il a été estimé par la Cour des comptes à près de 200 euros pour chaque passage.

Les recettes induites dépassent 3,5 milliards d’euros pour l’hôpital, soit un surcoût évalué à plus d’1,5 milliard d’euros, selon la Cour des comptes.

Ce surcoût comprend :

  • un forfait « Accueil + Traitement des Urgences » (ATU) de 25,28 euros dû pour chaque passage,
  • un « Forfait Annuel Urgences » (FAU) de 471 306 euros pour les 5000 premiers passages et un supplément par tranche de 2500 passages au-delà,
  • des dotations MIG (Mission intérêt Général) auxquelles s’ajoutent les actes de traitement, les examens biologiques et d’imagerie demandées larga manu par les urgentistes. Nombre de ces bilans sont souvent inutiles (l’urgentiste ouvre le parapluie) voire dangereux car ils peuvent retarder le diagnostic !
  • il faut enfin ajouter les recettes de séjour en cas d’hospitalisation, alors que ces urgences pourraient être gérées en « ambulatoire. » En effet toutes ces urgences pouvaient être prises en charge par les médecins généralistes et les cliniques privées avant que les normes, le principe de précaution et la législation l’interdisent.

 

Le tiers payant généralisé et l’absence de rendez-vous déresponsabilisent les usagers qui affluent de plus en plus à l’hôpital où c’est gratuit pour le patient mais coûteux pour la société.

Aux urgences, cela représente un recours inutile sur cinq passages.

 

Le personnel des urgences est harassé et surmené

Les attentats de l’année dernière ont mis au premier plan le dévouement et la compétence de tous les acteurs des hôpitaux de Paris civils et militaires. Cet afflux de blessés a été remarquablement pris en charge tant sur place qu’après l’arrivée dans les hôpitaux. Les volontaires et les soignants bénévoles ont afflué massivement pour les traiter.

Le quotidien aux urgences est fort différent. C’est en effet souvent la cour des miracles.

 

Comment sont organisées les urgences ?

C’est une machine lourde et coûteuse ! Les montants alloués aux 101 Samu du Centre 15 en 2012 atteignaient 226,5 millions d’euros. En 2016 l’AP-HP leur consacrera 100 millions d’euros.

  • L’appel aux urgences

Actuellement les appels sont dispatchés entre le SAMU et les Pompiers. Le Samu, c’est le centre 15. Les pompiers, c’est le 18, avec un maillage territorial de 7300 casernes et un délai d’intervention de 12 minutes.

Le numéro 112 pourrait regrouper tous les appels.

Un rapport de l’Igas en préparation prône une plateforme d’appel unique entre pompiers et Samu, mais les médecins généralistes et SOS médecins ne sont pas du même avis car la totalité des patients serait alors dirigée vers l’hôpital.

  • Le « ramassage » des urgences ou la guerre « des Blancs et des Rouges »

Il y a des tensions entre le SMUR et les pompiers. Les pompiers se plaignent d’être réduits au rang de sous-traitants, ce qui explique nombre de conflits locaux.

  • Le rôle des médecins urgentistes et des IADES (Infirmiers anesthésistes)

Ils travaillent tant pour les services des urgences d’un hôpital, qu’au SAMU (Service d’Aide Médicale d’Urgence) ou au SMUR (Service Mobile d’Urgence et de Réanimation) ou enfin dans une structure privée (SOS médecins, Urgences médicales de Paris…).

L’urgentiste est amené à effectuer des déplacements à bord d’un véhicule spécialement équipé pour porter secours, avec des IADES. Dans certains quartiers il faut les équiper de gilets pare-balles car les agressions se sont multipliées.

En fonction de l’urgence, le médecin peut être amené à restaurer ou stabiliser les fonctions vitales d’un patient.

Il doit établir un diagnostic le plus rapidement possible, car aux urgences le temps est compté et l’enjeu parfois vital. Le médecin urgentiste oriente alors les patients vers le service correspondant à leur pathologie (chirurgie, toxicologie, cardio-respiratoire, pédiatrie, médico-social…)

 

Le traitement des urgences dans les centres de soins

Les urgences lourdes sont dirigées vers les ultra-spécialités comme la neurochirurgie ; la chirurgie polyvalente doit pouvoir accueillir les grands traumatismes et les drames civils. Comme les centres de SOS, elles devraient se développer avec un centre par bassin de vie.

Dans un grand centre, la garde nécessite un minimum de dix chirurgiens pour l’assurer : quatre viscéraux, quatre orthopédistes, un vasculaire et un urologue.

On ne compte plus le nombre de transferts vers le privé faute d’équipes disponibles pendant ces gardes, en particulier pour la traumatologie ou les urgences viscérales.

Centraliser ces urgences nécessiterait de les regrouper dans une unité de lieu. Cela nécessite aussi des lits disponibles, des plateaux techniques et des équipes.

Cette centralisation est indispensable pour la réalisation de scanners, la surveillance de la réanimation et le traitement chirurgical éventuel toujours difficile.

  • Les « traumas centers »

De tels centres de traumatologie, les traumas centers, pourraient s’inspirer de l’expérience des États-Unis, des Pays-Bas et de l’Allemagne. Ces centres lourds, polyvalents sont adaptés aux polytraumatisés et aux drames civils.

Le « trauma système » de Grenoble et des Alpes du Nord a démontré son efficacité avec une baisse de moitié de la mortalité dans les accidents graves.

En région parisienne, l’Assistance Publique, sous l’égide de Didier Houssin alors directeur de la politique médicale de l’APHP, a défini un centre de référence pour l’accueil des urgences traumatologiques vitales par groupements hospitaliers universitaires (GHU).

Ils ont été remarquablement efficaces avec les hôpitaux militaires lors des drames des attentats de Paris.

  • Les maisons médicales de Paris et SOS médecins

Les Maisons Médicales de Garde assurent des consultations urgentes en médecine générale pendant les horaires de fermeture des cabinets médicaux, pour tous les âges.

Elles fonctionnent avec des médecins généralistes qui travaillent habituellement à leur cabinet. Ce sont donc des médecins libéraux payés à l’acte. Pour la consultation dans une maison médicale, il vous sera demandé un règlement pour tout ou partie de l’acte.

Les patients qui bénéficient de la CMU ou de l’AME ne paient rien à condition de fournir l’attestation ou la carte vitale à jour. Aucun dépassement d’honoraire n’est pratiqué dans ces Maisons médicales.

En dehors des horaires de nuit, pour assurer des consultations médicales non programmées dans de bonnes conditions, elles devraient constituer une des principales alternatives au recours aux services d’urgences.

Encore faudrait-il que ces structures soient suffisamment développées. Peu nombreuses (369 en 2013) ces maisons médicales demeurent aujourd’hui « inégalement fréquentées », parfois mal financées et le plus souvent mal articulées avec les hôpitaux.

  • Les autres établissements autorisés : le rôle des cliniques privées

Les normes et les contraintes empêchent nombre de libéraux de les prendre en charge.

La désertification et la fermeture des centres de proximité participent à ce désastre.

De 1970 à 2002 j’ai ainsi pris en charge avec une petite équipe de chirurgiens libéraux 132 000 urgences dans les Yvelines. En 2002 l’accumulation  des contraintes nous a obligés à arrêter cette activité comme nombre d’établissements de proximité.

Certains établissements de santé peuvent encore être autorisés à accueillir les urgences à condition de fonctionner de jour et de nuit. Or la nuit l’activité est faible, ce qui est coûteux.

Le texte évoque les locaux nécessaires et leur aménagement : ce sont des contraintes trop lourdes !

La structure doit disposer d’une salle d’accueil préservant la confidentialité, d’un espace d’examen et de soins, d’au moins une salle des urgences vitales et d’une unité d’hospitalisation de courte durée comportant au moins deux lits. L’établissement doit en outre avoir des locaux adaptés pour l’accès des personnes handicapées, pour les personnes gardées à vue ou un lieu pour accueillir des patients arrivant en masse.

Ces établissements devront avoir des lits d’hospitalisation complète en médecine et disposer d’un accès à un plateau technique, un cabinet d’imagerie ou un laboratoire d’analyses de ville de réseau entre les structures, et « un nombre de personnels et de médecins suffisant pour qu’au moins l’un d’entre eux soit présent en permanence », un « nombre d’infirmiers suffisant pour qu’au moins l’un d’entre eux soit présent en permanence ».

Compte tenu de la lourdeur de ces normes elles ont été peu à peu écartées de la prise en charge des urgences de proximité.

 

Le personnel médical aux urgences

L’accueil des urgences est devenu le monopole des urgentistes. Ces médecins urgentistes polyvalents sont parfois diplômés dans cette spécialité mais ils sont rarement qualifiés en traumatologie ou en pathologie abdominale.

Dans une autre vie (la mienne), le chirurgien libéral formé à l’assistance publique au CHU prenait en charge directement ces urgences sur simple appel téléphonique dans la chambre de garde ou à proximité de l’établissement..

Les cliniques privées non agréées ne peuvent plus être autorisées pour cette prise en charge.

Les patients s’adressent alors à l’hôpital où les soins sont gratuits avec le tiers-payant généralisé.

 

La rémunération en libéral pour les urgences

Pour assurer les urgences les praticiens libéraux devraient s’engager à pratiquer des tarifs sans complément d’honoraires pour tous les autres patients, ce qui n’est pas acceptable. Par exemple, une suture est en effet cotée moins de 20 euros.

Qui dans ces conditions accepterait d’assurer les gardes de chirurgie en libéral ?

 

Les drames aux urgences : une conséquence de l’engorgement

Les urgences graves sont parfois noyées au milieu de la bobologie avec une attente moyenne de 4 à 6 heures, parfois jusqu’à 24 heures dans les périodes d’épidémies et de grands froids (grippes, gastroentérites, fractures).

Des douleurs abdominales prises pour une gastroentérite peuvent entraîner parfois de longs retards avant l’appel pour que le chirurgien donne son avis. Des catastrophes sont à la clef car « on peut encore en France mourir de péritonite » !

Tout le système de soins devrait être remis à plat pour plus d’efficience et d’économies.1

  1. Ce sera le sujet de l’émission sur Sud Radio le 10 janvier « Moi Président » d’André Bercoff, 18 h/19 h- 99.9 « Les urgences en surchauffe ».

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