Femmes refoulées ici ou là : discrimination et amalgame

La République et ses politiciens, officiellement, combat le refoulement des femmes de certains lieux. Sauf quand ce sont des quartiers sensibles.
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Voile islamique (Crédits Neil Moralee licence Creative Commons)

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Femmes refoulées ici ou là : discrimination et amalgame

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 19 décembre 2016
- A +

Et c’est encore un nouveau drame qui frappe l’humanité et qui touche les Français, notamment les élu(e)s dans leur chair : on continue de refouler des femmes de certains lieux.

Dissipons un malentendu tout de suite : je ne parle pas ici de la mésaventure de Cécile Duflot qui n’est pas parvenue à rejoindre la Syrie et a été refoulée à la frontière turque. D’une part, interdire l’accès de civils à un territoire en guerre n’est pas absurde même si on peut regretter qu’une Duflot trottinant dans les riantes agglomérations syriennes aurait offert une cible de choix pour l’un ou l’autre sniper local. D’autre part, je veux plutôt parler ici des femmes refoulées de certains lieux privés. Or, rien n’indique vraiment que Cécile Duflot soit une femme.

Passons donc et revenons sur le cas récent d’un reportage de France2, diffusé le 7 décembre dernier, qui expose le cas enquiquinant de ces bars et de ces cafés dans certains quartiers — que certains qualifient courageusement de « sensibles » — et dans lesquels les femmes ne sont définitivement pas les bienvenues. Dans ce reportage, l’équipe de journalistes a suivi deux militantes de La Brigade des mères dans une banlieue de la région parisienne, qui utilisent le procédé de caméra cachée pour montrer que dans certains établissements seuls les hommes peuvent entrer.

Sans surprise, le reportage a rapidement déclenché une salve de réflexions de tous les bords de l’échiquier politique. Il aurait été impossible cependant de ne pas noter que ce reportage a été mis en exergue avec son style inimitable par nul autre que Robert Ménard, le maire de Bézier dont tous les médias n’oublient pas de rappeler les accointances frontistes.

Pour les politiciens du bon camp, celui du Bien, il s’agit avant tout de ne pas faire d’amalgame : Axelle Lemaire, secrétaire d’État chargée du Numérique, estime ainsi que c’est un problème de discrimination et pas de culture, de religion ou de laïcité.

Ah, ouf, on est tout de suite rassuré. S’il ne s’agit que de discrimination, tout va bien ! Pas la peine d’ameuter toutes les associations féministes, le CRAN et tout le TralalaLICRA, puisqu’il ne s’agit que de discrimination.

Cependant, tout le souci est de conserver un peu de cohérence à l’édifice féministe, vivrensemblophile et laïco-inclusif-mais pas trop que ce Camp du Bien s’emploie à bâtir à grand coup de truelle médiatique et de ciment législatif bien gluant.

Eh oui : il faudrait, pour bien faire, obtenir la même dose d’outrance, le même déferlement médiatique, la même colère juste et le même emportement des politiciens que lorsqu’il y a quelques mois, deux femmes voilées se faisaient jeter d’un restaurant et publiaient sur internet la vidéo de leur expulsion. Pour rappel, cela avait déclenché quelques navrants exercices de style journalistique, qu’on sera bien en peine de trouver pour la nouvelle occurrence présentée par France2. Pour rappel toujours, Laurence Rossignol avait alors saisi son petit Twitter à pleine main et n’avait pas hésité à lui faire cracher un petit touite de derrière les ragots fagots :

Sapristi. On se demande bien (et très rhétoriquement) pourquoi une telle différence de traitement. Pourquoi diable notre brave Rossignol n’a pas pépié une nouvelle fois et fait appel à l’une ou l’autre association festive lucrative sans but pour aller claquer le museau de ces cafetiers misogynes ?

Deux femmes laïques vaudraient-elles moins que deux femmes pas laïques ? S’outrer pour les unes et pas les autres, voilà qui met quelque peu mal à l’aise, ne trouvez-vous pas ? Décidément, ce n’est pas simple de vivre en République du Bisounoursland !

Egalité, Taxes, Bisous : République du Bisounoursland

Qu’il est difficile, dans ce pays, de savoir s’il faut fustiger la discrimination et prendre le risque de glisser dans l’amalgame, ou s’il faut dénoncer l’islamophobie et frôler l’incohérence laïco-incompatible ! Qu’il est devenu complexe d’y comprendre quelque chose à cette doctrine d’un vivrensemble où on s’autorise à ne pas vivre tous ensemble dans certains quartiers, mais où, dans d’autres, c’est tout simplement un crime de lèse-République d’envisager de faire pareil…

On dirait bien que c’est du bon gros n’importe quoi produit par une belle bande d’hypocrites dont la colonne vertébrale idéologique a depuis bien longtemps été dissoute dans le politiquement correct le plus corrosif.

Parallèlement, rappelons que la position libérale est, a contrario, bien plus simple.

Ainsi, dans un lieu privé ouvert au public, on devrait pouvoir choisir qui on accepte ou pas, avec toute latitude. Ceci veut dire par exemple que le patron de restaurant n’aurait pas pu être blamé d’avoir refusé de servir les deux femmes voilées pas plus que les cafetiers de Sevran ou de la région parisienne n’auraient été inquiétés de leur grasse misogynie.

Cette position implique aussi que le gouvernement n’aurait pas à intervenir (ce qui nous éviterait les consternantes saillies des uns et des autres politiciens médiocres, empêtrés dans leurs contradictions) et d’autre part, que chacun serait libre d’accepter ou refuser telle ou telle population à tel ou tel endroit sous sa propre responsabilité et toujours sans que l’État n’intervienne, puisqu’on parle ici de lieux privés. Si l’État devait intervenir dans ce cas là, ce serait précisément pour faire respecter les choix clairs des citoyens, dans ces lieux privés (ouverts ou non au public).

Évidemment, cela ruine ce vivrensemble qui n’existe pourtant qu’à force de contraintes. Que voulez-vous, les gens s’organisent naturellement en communautés (comme l’avait d’ailleurs assez bien modélisé Schelling dans les années 1970) et il est assez compliqué, sans user de la force, de les en dissuader. Zut et rezut, le rêve constructiviste du Camp du Bien est – encore une fois – une chimère.

Et c’est logique : il n’existe pas de droit à la tolérance.

C’est probablement triste, c’est certainement fâcheux, mais il est surtout nécessaire qu’une telle exigence de tolérance ne soit que morale : l’imposition de la tolérance n’est qu’une étape délétère dans le contrôle de la pensée. L’individu, aussi stupide soit-il, doit pouvoir discriminer, c’est-à-dire effectuer un choix, et souffrir toutes les conséquences de ce choix. Et dans ce cas, le jugement moral de la part du reste de la société, un commerce boycotté ou la mauvaise publicité font alors partie des risques possibles et naturels.

L’État, en imposant une tolérance de façade, n’a fait qu’exacerber la rancœur de ceux qui ne peuvent plus exprimer leur choix. Et le gouvernement, les politiciens et les médias qui leur sont inféodés, avec leurs positions incohérentes et leur Deux Poids Deux Mesures permanents, n’ont fait qu’alimenter le discrédit sur cette valeur pourtant essentielle.

Une conclusion s’impose : en France, la tolérance est foutue.
—-
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  • J’adore ce genre de micro-faits qui démontrent toutes l’illogisme du politiquement correcte… Je me demande comment quelqu’un avec un minimum de raisonnement logique, je dis bien minimum, arrive trouver normal cette différence de traitement entre deux faits similaires.

  • M’enfin H16 Vous n’y pensez pas, ca voudrait dire qu’on reviendrait sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics? Ca voudrait qu’on en laisserait la discrétion au gestionnaire? Vous n’êtes pas bien dans votre tête! Ces gens là sont beaucoup trop stupides immoraux pour prendre ce genre de décisions!

  • La question de la discrimination telle que posée par cet article est bien intéressante.

    Nos bonnes âmes répètent à l’envi que la discrimination, c’est mal… cependant tout le monde discrimine, dans le choix de ses amis et de son partenaire, et de façon parfaitement légale. Et ce quel que soit le critère utilisé, fût-il racial par exemple (on ne peut pas me forcer à avoir des amis noirs si je ne veux pas…).

    D’un autre côté, tout le monde admet qu’étant égaux devant la loi, celle-ci (et donc les institutions publiques) doivent nous traiter sans discrimination, c’est à dire que les différences de traitement doivent être dûment justifiées.

    Entre les deux, il y a tout un ensemble de relations, spécialement de nature économique, où la question se pose. Puis-je en tant qu’employeur embaucher sur des critères ethniques ou religieux? Puis-je refuser d’offrir des services sur un critère de sexe ou d’orientation sexuelle? Etc. En tout cas, celui qui répond par la négative peut se voir opposer diverses objections qui sont rarement discutées à ma connaissance:
    1. Pourquoi certaines églises sont-elles pour ce qui les concerne autorisées à discriminer, par exemple en réservant aux hommes la place de ministre du culte? On dira que si cela ne me plaît pas, je peux changer de chapelle, mais c’est un argument qui est aisément applicable à tout employeur.
    2. Quelle différence y a-t-il entre un patron qui décide d’engager un employé et quelqu’un qui cherche des amis? N’y a-t-il pas dans les deux cas une irrémédiable dimension subjective, par ailleurs tout à fait légitime, qui rend illusoire la possibilité de pouvoir justifier objectivement le choix de l’un ou de l’autre?

    Bref, la position de l’article semble de loin la plus cohérente. Ce qui n’empêche qu’on puisse trouver inquiétant que de fait, la place des femmes dans certains quartiers soit peu enviable. A cet égard cependant, la possibilité d’entrer ou non dans un café n’est peut-être que le moindre des inconvénients.

    • « tout le monde discrimine, dans le choix … de son partenaire »

      Voilà qui est indigne, inique et honteux ! J’en appelle au gouvernement pour faire cesser ce scandale. Ainsi je propose que soit créé le Contrat d’Union Légale, grâce auquel les services du Ministère de la Famille affecterait à chacun et chacune un ou une partenaire en fonction de critères rigoureux de mixité sociale. Citoyens, citoyennes, remettons le Progrès en marche !

    • Pareil… je suis gros et laid et je manque d’égalité sexuelle. Najat, il est urgent de rétablir l’égalité 🙂

    • @dandolo
      Vous parlez de discriminations tout à fait légales. Oui. Pour l’instant.
      De bonnes âmes y pensent et songent qu’en effet elles sont inacceptables et demain pourrait bien leur donner raison, au moins au sens de nouvelles pertes de liberté. Il n’est pas toujours nécessaire d’interdire. Il suffit parfois de rendre impossible ou trop coûteux…
      Regardez le système qu’est en train de mettre en place la Chine: http://www.contrepoints.org/2016/12/18/275301-chine-va-noter-comportement-citoyens-internet

  • « Comme au bled », tout est là./

  • h16 ok pour le 2 poids 2 mesures il faut être cohérent or on en est très loin … bisounours land on est en plein dedans !!! à quand le retour sur terre ??

  • Ils faut que des dames viennent à ce comptoir prendre un Viandox avec un jambon beurre et leur cabas plein de charcutailles et cochonnailles odoriférentes.

  • Dissipons un malentendu tout de suite : je ne parle pas ici de la mésaventure de Cécile Duflot qui n’est pas parvenue à rejoindre la Syrie et a été refoulée à la frontière turque.

    C’est drôle, on nous bassine avec Alep est, ou pourtant les stocks de nourriture étaient abondants, mais réservés aux combattants, on a pas vu un seul squelettique, mais tous grassouillets.
    Mais jamais un seul mot sur le Yémen, ou la situation des enfants est encore plus dramatique, pris eux aussi entre 2 feux.

    http://www.ihsnews.net/yemen-2-millions-denfants-meurent-de-faim-dans-lindifference-generale

    Mais bon, ils peuvent bien crever la bouche ouverte, on pourrait vendre des Rafales au Séoudiens. Cela justifie tout :mrgreen:

  • Allons bon. La minorité visible que représentent les musulmans et les maghrébins – l’intersection étant soit dit en passant conséquente – est, il me semble, peu politisée et constitue un vivier d’électeurs très intéressant. Il est donc normal pour notre Gôche morale de révéler à cette minorité les affres sociales et injustices dont elle souffre et se proposer, bien évidemment, d’y remédier à travers le prochain mandat électoral.

  • Je m’attends avec impatience le prochain « slutwalk » à Sevran…

  • La tolérance, dans le temps, il y avait des maisons pour cela…

  • Si j’ai bien compris l’auteur: à partir du moment où on est privé, on a le droit de discriminer.
    Alors dans le paradis libéral rêvé, il y aurait la discrimination partout? Des centaines de communautés homogènes ne s’accueillant pas les unes les autres? Il faudra vraiment faire attention où on met les pieds.

  • Les commentaires sont fermés.

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