La taxe YouTube ou comment justifier l’État bureaucratique

La France manquait visiblement de taxes. Mais l’Assemblée a pu remédier, encore une fois, à cette fâcheuse situation avec la taxe dite « YouTube », par un amendement qui, après avoir été retoqué en novembre, a été voté tard dans la nuit du 6 au 7 décembre.

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La taxe YouTube ou comment justifier l’État bureaucratique

Publié le 14 décembre 2016
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Par Emmanuel Martin.
Un article de l’Iref-Europe

La taxe YouTube ou comment justifier l’État bureaucratique
By: Andrew PerryCC BY 2.0

La fonction première des Parlements était celle de lier les mains de l’exécutif et de limiter les taxes. Chez nous le Parlement fait exactement le contraire : il ne contrôle que très peu la dépense et s’ingénie à trouver de nouvelles taxes. Mais faut-il s’en étonner puisqu’il est composé en grande partie de fonctionnaires ?

L’IREF avait récemment analysé l’irrationalité d’une telle taxe de 2% sur les revenus publicitaires des plateformes gratuites, et le ministre du budget lui-même, Christian Eckert, avait affiché son scepticisme. Mais l’aspect qui nous tient ici sera assez surprenant – pour certains. C’est en effet que le vote de la loi à l’Assemblée a été précédé d’une campagne pro-taxe de la part de « petits producteurs » du web souvent appelés les YouTubers (mais ils n’aiment « pas trop ça »).

Le mauvais calcul des créateurs

YouTube a en effet eu la grande courtoisie de les laisser s’exprimer sur sa plateforme, qu’ils entendent taxer, par le biais d’une vidéo intitulée « Soutenons les créateurs du web ». Mais qu’est-ce qui a bien pu motiver ces « créateurs » à, en quelque sorte, scier la branche sur laquelle ils sont assis ?

C’est que ces « artistes » produisent des vidéos mises en ligne sur lesquelles, hélas, ils ne gagnent pas assez de revenus publicitaires. Criante injustice de l’économie numérique : il serait donc naturel de rétablir les choses, et donner à ces artistes leur juste part (du fromage), et ce, grâce à la taxe, afin de financer l’aide à la « création artistique ». (On peut évidemment contester le mérite du label « artistique » de nombre de ces productions !).

Cette attitude, consistant à en appeler systématiquement à l’État, a été analysée et appelée « parentalisme » par le grand économiste James Buchanan : l’interventionnisme répond en effet a une demande de la part de groupes sociaux, une demande en « parents », c’est-à-dire en État nounou, en biberonnage étatique et autres gavages de subventions et protections.

Ce million d’euros si appétissant

Évidemment, l’offre est très heureuse de répondre à la demande, d’autant que, avant des échéances électorales, il est toujours très utile pour un camp au pouvoir de s’attirer les sympathies d’une partie croissante de la population « jeunz »… Et évidemment la bureaucratie en charge de gérer cette nouvelle taxe, le Centre National du Cinéma, lorgne sur ce million d’euros supplémentaire.

Assez paradoxalement, et notamment en France, les métiers qui devraient logiquement le plus défendre la liberté, parce qu’elle est la source de la créativité et de l’indépendance, sont ceux où on la craint le plus. Je connais bien le milieu étant moi même musicien. La grande obsession de beaucoup est « d’avoir le statut », comprenez, celui d’intermittent du spectacle (que je n’ai pas !).

Et combien de fois n’ai-je entendu au café du coin l’artiste se plaindre qu’il doit faire son « dossier de sub’ » pour tel événement… Car les subventions n’arrivent, pas encore, de manière automatique, hélas, les artistes ne sont pas tous fonctionnaires… Nous sommes là en plein dans le monde des « Associations lucratives sans but ». Cette taxe YouTube permettra d’étendre davantage cette nébuleuse.

Pourquoi des subventions ?

Ensuite, s’il y a subvention, sur quelle base sera-t-elle distribuée ? Comme pour le Cinéma français ? On sait ce que cela donne : un système d’apparatchiks qui engloutissent l’essentiel de la manne, et pour produire un contenu essentiellement médiocre. Enfin faudra-t-il montrer patte blanche pour « toucher » ? On voit immédiatement les limites en termes d’indépendance des « créateurs ».

L’idée que les artistes puissent vivre de leur métier en faisant payer leur public et que, s’il n’y a pas assez de gens pour réellement apprécier leurs créations, comme pour toute autre activité, c’est qu’il faut sans doute passer à autre chose – cette idée n’effleure pas l’esprit de nos grands créateurs. Le réflexe est d’autant plus surprenant à une époque où justement la technologie permet d’atteindre un public plus large et ouvre des possibilités en termes de financement participatif par exemple.

Mais gardons une touche d’optimisme. Car les commentaires sous la vidéo, de la part d’utilisateurs de YouTube, sont assez majoritairement très critiques de l’attitude de ces YouTubers en mal d’argent des autres. Et si le langage est assez souvent très fleuri, le contenu de ces commentaires est en général frappé au coin du bon sens : critique de l’assistanat, de l’attitude de pleureuse, de la peur de la liberté et de la responsabilité, de l’incapacité de s’adapter, de la médiocrité morale et artistique. Bref, rien n’est perdu.

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