Déclin des hôpitaux : la rigueur budgétaire non coupable

Le délitement de l’hôpital s’explique principalement par le retard accumulé en matière de chirurgie ambulatoire, l’impact des 35 heures sur l’organisation du temps de travail, et les problèmes de gestion financière et de management des ressources humaines.

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Couloir d’hôpital (Crédits : Ralf Heß, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

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Déclin des hôpitaux : la rigueur budgétaire non coupable

Publié le 17 novembre 2016
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Par Marc Lassort.
Un article de l’Iref-Europe

Déclin des hôpitaux : la rigueur budgétaire non coupable
Couloir d’hôpital (Crédits : Ralf Heß, licence CC-BY-NC-SA 2.0), via Flickr.

La grève des syndicats infirmiers contre la dégradation de leurs conditions de travail et la rigueur budgétaire est l’expression d’une véritable exaspération du personnel hospitalier, des infirmiers aux aides-soignants en passant par les agents administratifs et les autres catégories de personnels de la fonction publique hospitalière. Mais la rigueur budgétaire n’est pour rien dans la dégradation des conditions d’exercice de la profession.

Le délitement de l’hôpital s’explique principalement par le retard accumulé en matière de chirurgie ambulatoire, l’impact des 35 heures sur l’organisation du temps de travail, et les problèmes de gestion financière et de management des ressources humaines. Réduire le coût de l’hôpital pour l’assurance maladie et pour les contribuables n’est qu’une question de volonté politique !

Un système de santé coûteux et largement étatisé

Selon Eurostat, les dépenses courantes de santé ne dépassent 11 % du PIB que dans quatre pays européens : la France, l’Allemagne, la Suisse et la Suède. Les dépenses de santé courante de l’ensemble des prestataires de soins de santé s’élevaient ainsi à 237 M€ en 2014. Les dépenses des hôpitaux représentent près de 40 % de ces dépenses contre 29,5 % en Allemagne, 34 % aux Pays-Bas et 32 % en Belgique.

Cela représente 1430 € par habitant en France contre 1172 € en Allemagne, 1477 € aux Pays-Bas et 1197 € en Belgique. L’hôpital représente donc un coût important par habitant qui pourrait être largement réduit en mettant l’accent sur la chirurgie ambulatoire et les alternatives à l’hospitalisation complète sur plusieurs jours des patients.

Les paiements directs aux hôpitaux par les ménages ne représentent également que 6,99 %, soit le plus faible taux des pays européens, à comparer aux 12,97 % en Allemagne, aux 14,75 % au Royaume-Uni, aux 17,81 % en Belgique et aux 26,74 % en Suisse. Cela peut expliquer en particulier l’attachement des Français à leur système de santé et le relatif désintérêt pour la question du coût exorbitant de l’hôpital puisque l’essentiel des coûts de financement du système hospitalier français ne repose pas sur des contributions monétaires privées mais sur des mécanismes de financement public ou sur des mécanismes assurantiels à contribution obligatoire. Un sentiment de gratuité du système de santé s’impose alors aux Français, évitant dès lors la prise de conscience des énormes gabegies induites par les retards accumulés par les gestionnaires des hôpitaux.

L’hôpital entre problèmes d’organisation, statuts, manque d’autonomie et de temps de travail

Le principal problème de l’hôpital est en fait une combinaison d’éléments, entre des problèmes d’organisation, le manque d’autonomie des établissements de santé et des réglementations néfastes. Le statut de la fonction publique rend difficile d’imposer une certaine efficacité dans la gestion des ressources humaines, en soumettant par exemple le personnel hospitalier à des contrôles de qualité du travail, et éventuellement à des licenciements en cas de faute.

La rémunération se fait également à l’ancienneté plutôt qu’en fonction des mérites et de la performance. Enfin, le passage aux 35 heures a complètement désorganisé l’hôpital en aggravant la situation financière et le pouvoir d’achat des employés du milieu hospitalier et en imposant le recrutement d’effectifs dans la FPH. La saturation des lits d’hôpitaux pourrait être largement compensée par le développement massif de la chirurgie ambulatoire et par l’augmentation du temps de travail à 39 heures.

Les solutions pour faciliter les conditions du travail du personnel hospitalier

Le nombre de séjours d’hospitalisation complète en MCO (médecine-chirurgie-obstétrique) s’élevait à plus de 11 millions en 2015, pour un total de près de 60 millions de journées d’hôpital, soit presque une par habitant dans l’année.

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Lorsque l’on calcule le rapport entre les effectifs de personnel médical et de personnel non médical et le nombre de journées d’hôpital effectuées par les patients, on se rend compte que chaque équivalent temps plein (ETP) du personnel médical hors internes est responsable de 722 journées d’hospitalisation par an, tandis que ce chiffre tombe à 57 par ETP du personnel non médical salarié et à 82 journées pour le personnel spécialisé dans les services de soin. Or, le taux de chirurgie ambulatoire est actuellement d’environ 40 % alors qu’il dépasse les 50 % dans tous les pays d’Europe du Nord et qu’il atteint même les 94 % aux États-Unis, qui ont développé cette approche médicale dès les années 60.

La France s’est lancée dans la chirurgie ambulatoire avec plus de 30 ans de retard alors que cela représente un potentiel d’économies de plusieurs milliards d’euros par an pour l’Assurance maladie et que cela permet de relâcher la pression d’un grand nombre de lits d’hôpitaux occupés par les patients dans le cadre d’une hospitalisation complète. En accentuant le développement de la chirurgie ambulatoire, cela aura un impact très bénéfique pour les conditions de travail du personnel hospitalier, notamment de nuit.

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Les solutions pour que l’hôpital soit moins coûteux et que les conditions de travail s’améliorent durablement pour le personnel hospitalier sont donc d’accélérer la transition vers la chirurgie ambulatoire, l’augmentation du temps de travail à 39 heures au moins – ou mieux la modulation du temps de travail en fonction des besoins des différentes fonctions du personnel non médical notamment –, le développement de l’autonomie des établissements de santé et l’attribution de la gestion des hôpitaux publics à des opérateurs privés en cas de dégradation majeure des finances ou de l’organisation de l’établissement, et la fin du statut de la fonction publique hospitalière pour que tout agent soit embauché sous contrat et soumis à une exigence d’efficacité.

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  • Un point délicat est la situation des étudiants. Les fameux internes. Taillables et corvéables à merci au prétexte de la formation, pas ou peu rémunérés, faisant 2 ou 3 fois 35h par semaine : a l’heure où nos dirigeants taclent les entreprises privées pour « abus d’usage de stagiaire », leur usage des internes est autrement plus condamnable’
    Le prétexte de la formation est autant valable que le prétexte de la recherche scientifique pour les navires baleiniers japonais : du courage de gueule.
    Les internes employés et payés justement finiraient de couler le systeme. C’est la variable d’ajustement des coûts : tant qu’il y en a les dirigeants n’ont nullement besoin de chercher à équilibrer leurs comptes ou à favoriser de meilleures pratiques.
    Un élève ingénieur est payé comme un ingénieur durant ses stages. Un élève médecin est moins payé que le personnel d’entretien.

    • D’accord sur le fond, mais attention aux approximations. Les élèves ingénieurs en stage ne sont pas payés comme des ingénieurs. Je l’ai été et l’entreprise où je travaille gère des stagiaires: c’est 500 à 700€ par mois (à peu près à mi temps).

    • Vous faites erreur, les internes sont bien évidemment payés largement plus que n’importe quel stagiaire – voir [1] – (ingénieur ou non) et bien plus que le smic à mesure que le ancienneté augmente. Leur salaire est effectivement assez bas eu égard à leur niveau de qualifications (encore que dans certaines régions les salaires soient bas pour tout le monde de toutes façons..) mais il est très loin d’être nul ce qui tend à prouver que ces derniers sont très loin d’être des étudiants.mais plutôt comparables des jeunes diplômés salariés, la durée véritable des études de médecine étant donc de 6 ans.

      Quant aux conditions de travail cela dépend bien évidement des stages et des spécialités : dans certains cas elles sont très difficiles (spécialités de bloc notamment) dans d’autres elle n’ont rien de particulièrement horribles.

      [1] : http://www.isnar-img.com/pendant-linternat/stages/remuneration/

      • OK, merci pour l’info, je suis encore parfois plein d’idées reçues, même si je m’efforce de vérifier

      • Le chiffre le plus significatif est le salaire horaire. Là, je vous assure qu’un interne est moins bien payé que le personnel d’entretien.

      • Je ne sais pas combien d’heures travaillent les élèves ingénieurs lors de leur stage. Lorsque j’étais interne, il y a certe fort longtemps, j’ai travaillé non stop pendant 2 mois sans pouvoir sortir de l’hopital : lorsque je n’étais pas de garde, j’étais d’astreinte et comme nous étions que deux internes au lieu de 5 au départ, autant dire que l’astreinte était vite devenue une garde. Certes j’ai eu un bon salaire (3500 francs il y a 16 ans) … mais pour H24 de présence. Ce n’était pas un cas extreme. Deuxième poste : pas de chef de service dans une spécialité pointue (cancérologie) : je devais décider de protocole de chimio sans formation spécifique… autant dire que j’arrivais à 8 h et sortait à 21 h tous les jours. etc…
        Par ailleurs dire que la durée des études est de 6 ans, c’est mal connaitre le métier. L’interne de médecine générale (MG) suit des cours tout au long de ses 3 années de troisième cycle, doit présenter un mémoire de recherche, présenter son DES avec une traçabilité de ce qu’il a appris.. Bref les études de MG ont monté en puissance en 10 ans. Les internes de maintenant ne font plus les horaires de dingue que j’ai pu avoir (et encore que dans certains secteurs pauvres en médecin, c’est pas sur), mais on a monté le niveau d’exigence.

  • Hôpital de Lorient. Victime d’un AVC, elle dénonce le manque de moyens
    Publié le 15/11/2016 à 07:06 – 1

    Victime d’un AVC début septembre, Audrey, 21 ans, a été admise à plusieurs reprises aux urgences de l’hôpital du Scorff à Lorient. Victime d’un AVC début septembre, Audrey, 21 ans, a été admise à plusieurs reprises aux urgences de l’hôpital du Scorff à Lorient. | Ouest-France
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    Audrey, une étudiante de 21 ans, a été victime d’un AVC en septembre dernier. Dans une lettre adressée à la direction du Centre hospitalier de Bretagne Sud et à l’Agence régionale de santé, elle dénonce « le manque de moyens humains et matériels » à l’hôpital de Lorient.

    Audrey est une étudiante de 21 ans. En septembre dernier, elle est admise à plusieurs reprises aux urgences de l’hôpital du Scorff (Lorient), à la suite d’un malaise.

    13 h d’attente aux urgences

    Lors de son 2e passage aux urgences, la jeune femme va attendre 13 h sans passer d’examen.

    Au terme d’une nuit passée dans le service, un IRM diagnostique un accident vasculaire cérébelleux (en lien avec le cervelet).

    Etudes mises entre parenthèses

    « Ma vie est impactée par ces événements, écrit Audrey, qui a dû mettre entre parenthèses ses études de droit, dans une lettre adressée à la direction du Centre hospitalier de Bretagne Sud, et à l’Agence régionale de santé.

    La jeune femme y dénonce « le manque de moyens humains et matériels » de l’hôpital.

    Courrier en cours d’instruction

    Son courrier est en cours d’instruction, selon « une procédure mise en œuvre de façon systématique ». Qui associe notamment des experts indépendants et des représentants des usagers.

  • Donne a chaque citoyens 3000 € par mois et rends les mutuelles obligatoires , des mutuelles gouvernées comme un peu comme une associassions avec des assemblées générale tous les 3 a 6 mois et on peut fermer la sécurité sociale.

  • Un élément pas du tout évoqué dans l’article c’est le vieillissement de la population.
    A l’hôpital public, les personnes âgées constituent la très grande majorité des patients.
    D’une part, les personnes âgées ne me paraissent pas susceptibles d’être des bons candidats pour la chirurgie ambulatoire (sauf, par ex, pour la cataracte, ce qui se pratique déjà).
    D’autre part, la charge en soins s’alourdit considérablement pour tout le monde, médecin ou le reste du personnel soignant.

  • Faut sortir des écoles de commerce et venir voir ce qu’il se passe dans les hôpitaux avant de sortir de telles bêtises.
    Dejà, avant de prendre les hôpitaux comme une masse homogène, au moins signaler les énormes disparités territoriales, les spécialités des établissements (entre un chu à Paris et un hôpital dans la creuse, on parle pas de la même chose), les difficultés de recrutement du personnel, ça paraît la moindre des choses.
    Autonomie des établissements ?
    Les hôpitaux sont les établissements publics les plus autonomes, malgré des pressions de plus en plus importantes des ARS, (notamment sur le serrage de ceinture et les inspections).
    La gestion privée des établissements en difficulté… un peu de sérieux, là où il y a des services rentables à prendre, il y a des cliniques privés. Mais il restera toujours les services naturellement pas rentables qu’on ne peut pas supprimer ou remplacer par de l’ambulatoire.
    Quand aux 35h ça fait belle lurette qu’on n’en parle plus même dans les couloirs.

  • C’est bien de citer les USA comme exemple quand ils sont à 17% de leur PIB dépensé dans la santé. Les français sont peut-être de gros nuls mais ils se soignent aussi bien et pour moins cher.
    http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SH.XPD.TOTL.ZS
    Mais le fond de cet article est-il de parler de santé ou de simplement défendre l’austérité ?

  • Les commentaires sont fermés.

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