Par Alexandre Moreau.
Un article de l’Institut économique de Montréal
À l’approche des vacances, nous sommes nombreux à planifier nos voyages. Pour ceux qui choisiront un billet d’avion pour une destination internationale, il pourrait être payant de comparer les prix offerts par les aéroports canadiens avec leurs compétiteurs américains situés tout près de la frontière.
Bien que le dollar canadien soit relativement faible ces derniers temps, c’est en moyenne 5 millions de Canadiens qui opteront annuellement pour une liaison dans un aéroport américain pour économiser jusqu’à 30%.
Cette différence s’explique principalement par un cocktail de charges fiscales imposées par le gouvernement aux aéroports canadiens et qui sont ultimement refilées aux consommateurs.
En 2015, le Canada se situait au 130e rang sur 138 pays au chapitre des taxes sur les billets et des tarifs imposés aux aéroports.
Ce n’est pas peu dire !
Le mode de gouvernance des aéroports les plus importants au pays peut expliquer jusqu’à 25% de cette différence. Même si le gouvernement fédéral ne s’occupe plus de la gestion des aéroports depuis 1992, il demeure propriétaire de la quasi-totalité des 26 établissements que comprend le Réseau national d’aéroports (RNA) et leur exige le paiement d’un loyer. Les aéroports canadiens paient des loyers coûteux pouvant aller jusqu’à 12 % de leurs revenus bruts. Transports Canada a ainsi perçu 313 millions de dollars pour l’exercice financier 2014-2015, une somme qui a atteint près de 48 millions de dollars uniquement pour Aéroports de Montréal (ADM).
Un impôt plutôt qu’un loyer
Remplacer le système actuel de loyer excessif basé sur un pourcentage des revenus bruts par un impôt sur le profit des entreprises inciterait les aéroports à investir davantage et à diminuer les frais exigés aux transporteurs et aux consommateurs.
Pour illustrer la différence, imaginons une décision d’investissement impliquant un revenu supplémentaire anticipé de 1 million par année et un coût annuel de 900 000 $. À un taux de 12 % appliqué aux revenus bruts, l’aéroport se trouverait à verser un loyer supplémentaire de 120 000 $, soit une perte nette de 20 000 $. Mais s’il était privatisé, l’aéroport payerait un taux combiné fédéral et provincial approximatif de 35 % uniquement sur le profit de 100 000 $, ce qui laisserait un surplus net de 65 000 $.
Mis à part le loyer, ADM doit aussi payer de l’impôt foncier au municipal. D’ailleurs, l’impôt foncier à Montréal est l’un des plus élevés au Canada. ADM a dû payer à la Ville de Montréal l’équivalent de 41 millions de dollars pour l’année 2014. Et il ne faut pas oublier d’ajouter les frais de TPS, de TVQ, les droits pour la sécurité ainsi que le supplément sur le carburant.
Comme les prix sont plus élevés, la demande pour les vols en sol canadien diminue. Certains voyageurs traversent effectivement la frontière pour économiser alors que d’autres choisissent tout simplement de ne pas voyager. La perception d’un loyer et de taxes municipales excessifs n’est donc pas compatible avec l’objectif d’accroître le trafic aérien.
Un rapport sénatorial a recommandé d’abolir graduellement les frais de loyer des aéroports du RNA et de céder complètement la propriété de ces derniers aux administrations aéroportuaires qui les exploitent. Cette recommandation n’a cependant pas eu d’échos auprès de la classe politique et le gouvernement fédéral utilise toujours ces loyers pour augmenter ses revenus.
Gains à long terme
Pourtant, la baisse des recettes fiscales à court terme serait contrebalancée par des gains économiques à long terme rendus possibles par une compétitivité accrue des aéroports canadiens. Le gouvernement fédéral devrait carrément abolir le système des loyers et privatiser les aéroports du RNA comme le recommandait ce rapport.
Par ailleurs, si l’objectif du maire de Montréal, Denis Coderre, est réellement de bonifier le positionnement de la ville afin qu’elle demeure concurrentielle et d’attirer de nouvelles liaisons aériennes directes, son administration devrait faire des efforts additionnels pour réduire le fardeau fiscal du palier municipal.
Ces changements pourraient enfin donner un vrai répit aux voyageurs canadiens et leur permettre de siroter leur piña colada sur une plage à un prix raisonnable.
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Vivant au Canada je ne peux que confirmer. Le plus aberrant c’est que cela coute même plus cher de voyager à l’intérieur du pays qu’ à l’international…