Par Romain Millard.
Un article de Trop Libre
« Le changement est possible » proclame le jeune économiste, membre du cabinet de Valérie Pécresse et du Conseil scientifique et d’évaluation de la Fondation pour l’innovation politique. Il est aussi cité en référence par Alain Juppé et régulièrement reçu par Bruno Le Maire. Selon lui, les Français sont déjà en train de s’adapter individuellement au nouveau monde. Si les changements collectifs tardent à venir, il faut en accuser selon lui le manque de méthode des politiques pour les mettre en œuvre.
Là est le centre de l’ouvrage de Robin Rivaton : la méthode pour réformer, davantage que le contenu des réformes elles-mêmes, même s’il fait des propositions précises. Il s’appuie sur des constats très précis de la situation économique et sociale de la France, sur les exemples de gouvernements réformateurs qui se sont fait réélire, mais aussi sur des réussites de réformes en France.
Étape n°1 : « Le diagnostic, l’impératif de se mettre collectivement d’accord »
Selon Robin Rivaton, il est faux de croire que « nous savons ce qu’il faut faire » grâce aux multiples rapports. Le diagnostic n’est pas partagé et varie d’un responsable politique à l’autre. Ce travail de diagnostic doit être réalisé pour les politiques avant leur arrivée au pouvoir par des acteurs externes reconnus au-delà des partis.
La deuxième étape du diagnostic est de confronter le rapport abstrait et rationnel avec le ressenti subjectif des parties prenantes, pour parvenir au constat le plus unanimement partagé possible. Cette unanimité peut être atteinte en développant le sentiment que le changement est urgent, mais que la situation n’est pas désespérée.
Étape n°2 : la vision, la constitution d’un horizon
La « vision » est une projection positive et enthousiasmante vers le futur, émancipée des idéologies, qui embrasse le long terme sans s’aventurer au-delà d’une dizaine d’années. Aussi claire et cohérente qu’elle soit, elle doit demeurer adaptable aux changements conjoncturels.
Si le diagnostic doit être porté par un expert, la vision doit être incarnée par un leader. « L’élection doit être adhésion à la vision plutôt qu’au programme, celui-ci en étant la déclinaison opérationnelle. (…) La vision doit toucher l’individu dans sa conscience personnelle, créer un lien personnel avec le dirigeant, tout en englobant l’ensemble du corps social car tous seront parties prenantes de ce nouvel horizon. »
Étape n°3 : la stratégie, un programme de solutions
L’auteur alerte sur l’impérieuse nécessité de ne pas chercher à couvrir tous les champs de la vie quotidienne et de se concentrer sur une dizaine de combats. Ces combats doivent avoir été clairement annoncés pendant la campagne électorale, et portés par une équipe soudée et exemplaire.
« La stratégie requiert de la précision et de la cohérence », ce qui implique de ne pas être irréaliste et de ne pas chercher à contenter tout le monde. La stratégie doit également être « simple » et « universelle », ce qui oblige à réfuter les réformes qui se traduiraient par une complexification de la technostructure et par des ajouts de seuils.
Pour qu’une réforme soit réussie, il faut qu’elle soit pleinement ré-appropriée et défendue par les personnes qui en perçoivent explicitement les avantages, ce qui implique de leur laisser une place dans la co-construction de cette stratégie.
Étape n°4 : le plan d’action, cœur de la réussite
« Un projet sans calendrier ce n’est pas une réforme mais une incantation, une vaine prière. »
Le plan d’action est l’étape sur laquelle les politiques français ont le plus de lacunes, alors qu’il est indispensable pour décliner les stratégies en sous-objectifs, choisir les outils et les objectifs associés, et désigner la personne qui sera en charge de la réforme.
Ce plan d’action nécessite la rédaction des textes de loi avant même l’élection et leur large diffusion au public, afin d’agir vite. Il implique également des études d’impact avant la mise en œuvre de la réforme, et des tests sur des groupes restreints.
Le plan d’action doit également permettre de préciser l’ordre des réformes, afin d’éviter de s’épuiser à mener plusieurs réformes majeures de front. La priorité doit être donnée aux réformes qui faciliteront l’adoption des autres.
En interne, les administrations doivent être mobilisées d’un côté par des outils de performance managériale, de l’autre côté par une autonomie nécessaire pour conduire leurs missions et permettre aux meilleurs profils de se distinguer.
Étape n°5 : l’exécution, l’art de surmonter les divisions
Afin de faire face aux perdants du changement, généralement mieux organisés et plus influents, Robin Rivaton préconise trois modes de traitement de la contestation : (1) la consultation avant l’adoption de la réforme, qui ne doit surtout pas se limiter aux corps intermédiaires ; (2) la confrontation, qui doit être assumée quand la réforme a été annoncée et validée par l’élection ; (3) et la négociation pour rallier certains opposants, tout en restant scrupuleusement fidèle à l’esprit de la réforme.
Par ailleurs, l’application de la réforme doit faire l’objet d’évaluations régulières, afin d’aiguillonner la réforme en cours de route, et notamment de récompenser les responsables qui atteignent leurs objectifs, et sanctionner ceux qui manquent de résultats.
L’auteur conclut en rappelant que les études de l’OCDE ont démontré que quatre des cinq gouvernements disposant d’un mandat électoral clair en faveur des réformes et l’ayant suivi ont été réélus, à l’image de David Cameron en 2015.
- Robin Rivaton, Aux Actes Dirigeants, Les Belles Lettres, Fayard, 2016, 232 pages.
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Sur le web
Bien vu ! Pour ceux qui veulent vraiment faire  » bouger les choses « .
On est tous d’accord. Il faut un leader, une vision de l’avenir et une volonté d’agir.
Mais n’est-ce pas une belle utopie ?Combien d’hommes politiques (excusez-moi… et de femmes politiques) en France aujourd’hui de l’extrême droite à l’extrême gauche en passant par le centre ont réellement la volonté que cela change !
La place est trop bonne, ils veulent tous leur part du gâteau et en faire profiter les copains, la famille etc, etc…
Et tant pis pour les Français, ce n’est absolument pas leur problème !
Je suis pessimiste ? Vous croyez ?
« Le changement est possible ».
Une proclamation qui reçoit généralement un écho favorable chez les français mais, à une condition qui fait une quasi unanimité : que ce changement concerne le voisin et donc qu’il n’affecte pas ce que tout un chacun croit être « ses droits acquis ».
Il est néanmoins certain, qu’à terme, le changement finira bien par s’imposer puisque la France sera investie par le phénomène de « la colonisation inversée » à base de populations des anciennes colonies africaines.
Assurément, la France est en marche vers une nouvelle phase de son histoire.