Par Éric Verhaeghe.
À l’occasion du débat à l’Assemblée Nationale sur la loi Travail, les frondeurs ont officiellement présenté la facture de leur ralliement tardif. Ils ont, pour ce faire, utilisé la voix de Jean-Marc Germain, l’époux d’Anne Hidalgo et ancien directeur de cabinet de Martine Aubry.
Les conditions d’un ralliement
Dans une sortie tonitruante, le député de la banlieue sud de Paris a énuméré les points qui bloquaient dans la loi :
«D’abord, l’inversion des normes qui font prévaloir les accords d’entreprises sur les accords de branches et la loi sur les accords d’entreprise. Ensuite la réforme du licenciement, la rémunération des heures supplémentaires, les accords de ‘développement de l’emploi’ et enfin la question du référendum interne aux entreprises».
Jean-Marc Germain serait allé plus vite en expliquant que les frondeurs voteraient la loi si elle se limitait à renforcer le compte personnel d’activité, et si elle était vidée de son contenu de « flexibilité ».
Le marché est donc clair : les frondeurs voteront la loi et Valls n’aura pas besoin du 49-3 s’il se rend aux conditions présentées par les 40 députés qui menacent de faire capoter le projet. Et voici comment la majorité parlementaire se réduit aujourd’hui à la volonté de 40 idéologues sectaires.
Pourquoi Hollande devrait accepter ce marché
Pour François Hollande, qui n’a jamais mis les pieds dans une entreprise autrement que pour la visiter en touriste, ce ralliement de dernière minute est tentant. Jean-Marc Germain a en effet mis un poids important dans la balance : celui d’un ralliement global des frondeurs à une candidature Hollande aux présidentielles.
La stratégie des frondeurs serait la suivante : Hollande doit se présenter à une primaire où ils auront l’occasion de lui déballer leur sac et d’exiger un retour à des principes socialistes pour le second mandat du président. Vainqueur de la primaire, Hollande sortirait renforcé et relégitimé à gauche pour la campagne.
On comprend ce qui sous-tend cette main tendue à Hollande par les frondeurs. Premier point : aucune figure ne se détache à gauche pour faire bonne figure à la place de Hollande aux présidentielles. Deuxième point : malgré tout le mal qu’ils peuvent penser de leur candidat, les frondeurs ont une peur bleue de la déroute en juin 2017, aux législatives, qui les dépouillerait de leurs sièges à l’Assemblée Nationale.
L’heure des comptes et de la Realpolitik arrive donc. Après avoir pourri le mandat de François Hollande, un ralliement serait le bienvenu pour sauver les meubles. Pour François Hollande, l’opération peut difficilement se refuser. Quitte à faire payer les pots cassés aux entreprises.
L’Élysée vaut bien quelques faillites.
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L’usage du 49.3 est sans doute plus logique, mais il impose des devoirs éthiques au gouvernement.
De mon point de vue, VALLS ne peut pas faire ça, sans mettre en place les mesures suivantes :
1 – Publier avant le passage au 49.3 une étude d’impact décrivant et mesurant l’effet attendu du projet de Loi sur chacun des trois piliers du développement durable (économique, social et environnemental)
2 – Préciser les dates et les outils de mesure qui permettront de vérifier les effets ce cette fameuse Loi dans les trois domaines économique, environnemental et social, notamment son effet sur la baisse de la pauvreté en commençant par les plus fragiles et les exclus.
3 – Il faudrait en outre insérer une clause de rendez-vous, c’est-à -dire une clause fixant un délai à l’issue duquel la Loi devra nécessairement être réétudiée, voire modifiée si le Parlement le juge utile, et ce, au vu des bilans prévus ci-dessus.
Ainsi, la bonne foi du gouvernement serait indiscutable, car nous serions sortis d’une approche doctrinaire pour entrer dans une approche rationnelle. Et si jamais il apparait au fil du temps que la Loi présente des défauts imprévus, et que des améliorations doivent y être apportées, il sera aisé de le faire, sans cris et sans polémiques. Ajoutons que prévoir dès le départ les outils de mesure de la Loi, permettront d’éviter les tripatouillages dans l’opération de mesure.
Avec ça, oui, le 49.3 a du sens, sous réserve qu’il reste exceptionnel.
Si jamais ils faisaient cela aussi avant toute hausse d’impôts, ils feraient aussi moins de bêtises. Ah! On me dit dans l’oreillette que ça existe déjà ! On appelle cela les rapports de la cour des comptes. Vous savez, ces volumineux fascicules qui calent les meubles après un petit encadré dans les journaux..