Par Élodie Bongrain, spécialiste objets connectés chez Fabernovel.

Google fut probablement le premier à être au courant de ma grossesse. Avant même le futur Papa. J’ai commencé à me renseigner dans mon moteur de recherche sur la fertilité, la bonne période pour procréer, les tests de grossesse… De façon assez claire, Google m’a mise dans la catégorie des personnes qui cherchent à avoir un enfant, ou qui viennent tout juste de tomber enceintes.
J’ai parfaitement conscience qu’on est tracés par ses requêtes Google. Ça fait longtemps que j’en ai fait mon deuil : cela fait partie des services auxquels je ne renoncerai pas. Pour autant, j’ai encore été surprise de réaliser l’omniprésence de ces technologies qui nous connectent, sur quelque chose de si intime et personnel.
Et elles le seront de plus en plus : Google a fondé en 2013 sa filiale de biotechnologies Calico, et va ainsi prendre une place centrale dans la santé.
Tout contrôler, de chez soi
Ma grand-mère ne connaissait pas les échographies, pour ma mère, c’était un luxe d’en faire une. Moi, j’en ai passé sept depuis le début de ma grossesse, et j’ai la possibilité de les faire en 3D. Mon échographe a mon numéro de téléphone, pas pour me draguer mais pour m’envoyer directement par SMS un lien vers les photos du fœtus, que je peux consulter directement dans un cloud, juste après l’échographie.
De la fertilisation aux premières années de l’enfant, en passant par la phase de grossesse, nous sommes toujours plus suivies et avons les moyens de contrôler que tout va bien, tout le temps, depuis chez soi et pour pas cher.
J’arrive pour ma part à sept mois de grossesse. Je ne vais pas vous dire que j’ai tout testé, car j’ai encore certaines réticences. Mais je me suis intéressée à tout ce qui peut bien exister dans le domaine de la grossesse connectée et qui vise à répondre à nos appréhensions principales : est-ce que l’enfant grandit bien ? Comment gérer son corps qui change ? Etc.
Surveiller le pouls du bébé
Je voulais m’assurer dans un premier temps que le cÅ“ur de mon bébé battait bien. J’ai testé un doppler, “Smart Cocoon life“, qui se met sur le ventre pour prendre le pouls du bébé. Ça m’a plu, au début.
Dans la même veine, un projet chinois a failli voir le jour : Modoo, qui permet à la maman et au docteur d’avoir accès 24h sur 24 à l’activité et au rythme cardiaque de l’enfant. La promesse était forte, mais relativement anxiogène : le financement n’a pas abouti.
Il y a également des produits, comme le tensiomètre électronique d’Omron, qui fournissent des informations très précises en termes de santé, mais qui, en revanche, ne vous mettent pas en relation avec un médecin et n’émettent pas d’avis sur les données livrées.
“Baby monitor” et enceinte vaginale
J’ai d’ores et déjà un baby phone, le “Smart baby monitor”. Relié à mon téléphone, il va analyser les sons du futur bébé, et m’avertir s’il détecte des pleurs. Ça marche aussi quand les enfants sont plus grands et qu’ils discutent ou jouent toute la nuit…
Maintenant que l’enfant est assez développé, je m’intéresse aussi à la ceinture “Ritmo” de Nuvo group, qui permet de lui diffuser de la musique.
En revanche, je suis tombée sur un écouteur vaginal connecté, qui permet de diffuser ses playlists Spotify à son bébé, en s’insérant une petite enceinte directement dans le vagin. Ça m’a plutôt fait flipper : je ne suis pas prête à tout tester.
Une oreillette pour évaluer sa fertilité
Si je n’étais pas directement concernée par la question, j’ai remarqué dans mon entourage que la fertilité est une source de tension terrible. Les gens doivent pouvoir mettre toutes les chances de leur côté pour essayer d’avoir un enfant de façon naturelle.
Certaines innovations en la matière sont très intéressantes. Par exemple, le projet “Yono earbud” propose aux femmes qui souhaitent avoir un enfant de porter une petite oreillette qui capte leurs moindres mouvements et analyse leur façon de dormir. Depuis leur smartphone, l’oreillette leur indique leurs périodes de fertilité les plus favorables et les meilleurs moments pour procréer.
L’ultra-médicalisation, une source d’angoisses
Si le domaine de la e-Santé est en plein boom, le contrôle permanent peut aussi engendrer du stress supplémentaire. Par exemple, après m’être rassurée quelques temps en écoutant les battements du cœur de mon bébé, j’ai préféré arrêter : s’il n’y a plus de piles ou qu’il y a un bug, c’est la panique. Il faut faire la part des choses : est-ce que ça va plus me rassurer ou me stresser d’avoir cette connexion ?
Pareil, est-ce que j’ai vraiment envie de voir la tête de mon enfant en trois dimensions ? Je travaille beaucoup avec la 3D, et le résultat peut vite être moche. Dans le ventre, le bébé a les yeux ouverts et apparaît comme une zone uniforme globulaire. Ça fait un peu mutant. Il faudrait un vrai travail de simulation graphique pour que le résultat me donne envie de regarder ça.
Les machines, le big data et l’intelligence artificielle nous permettent une précision totalement décuplée sur notre état de santé. L’ultra-suivi, l’ultra-médicalisation et l’ultra-prévention peuvent parfois s’avérer oppressantes, voir causes de difficultés pour un événement qui est souvent si bien fait dans le corps d’une femme.
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Le panoptique généralisé… Relire Foucault, Surveiller et punir, sur le délire du contrôle total, de la surveillance absolue (transparence), et l’idéologie totalitaire qui s’y niche…
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Il fallait titrer l’article : Les “mère juive” 4.0
Et si un jour Google remplace le père on pourra appeler peut-être appeler l’heureuse élue “Marie”
En revanche, je suis tombée sur un écouteur vaginal connecté, qui permet de diffuser ses playlists Spotify à son bébé, en s’insérant une petite enceinte directement dans le vagin. Ça m’a plutôt fait flipper : je ne suis pas prête à tout tester. j’en ai craché mon café.