Quand Robin des Bois marche sur la tête

Qu’est-ce que les économistes appellent l’effet Robin des bois à l’envers ?

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Toni Blay-Robin and his bow(CC BY-NC-ND 2.0)

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Quand Robin des Bois marche sur la tête

Publié le 6 avril 2016
- A +

Par Emmanuel Bourgerie.

Toni Blay-Robin and his bow(CC BY-NC-ND 2.0)
Toni Blay-Robin and his bow(CC BY-NC-ND 2.0)

Robin des Bois, le héros de Sherwood qui prenait aux riches pour redonner aux pauvres ce qui leur était dû, ne fonctionne pas toujours dans cet ordre précis. Tous les programmes publics ne taxent pas les plus riches pour aider les plus pauvres, il arrive que l’exact opposé se produise, et il est important de savoir comment identifier ces cas de figure. C’est ce que les économistes appellent l’effet Robin des Bois à l’envers.

Lorsque l’État finance un service, il faut toujours se poser les trois questions suivantes :

  1. Quel groupe paie l’impôt qui sert à financer ce service ?
  2. Quel groupe bénéficie en premier de ce service ?
  3. En soustrayant le second du premier, qui profite du service au profit de qui ?

Prenez l’assurance chômage.

Qui la finance ? Tous ceux qui travaillent, en proportion de leur salaire. Donc, plus vous avez un salaire élevé, plus vous contribuez à l’addition finale, et inversement.

Qui en profite ? Tous ceux qui sont au chômage, mais ce dernier ne frappe pas tout le monde de façon égale. Moins vous êtes qualifié, plus vous êtes susceptible de dépendre des allocations chômage (même si vous percevez des allocations moins généreuses).

Donc, l’assurance chômage est un programme financé surtout par des personnes bien payées et confortablement installées dans l’emploi, au bénéfice de ceux pour qui ce n’est pas le cas. Robin des Bois fonctionne dans le bon sens si je puis dire, puisqu’il prend aux plus aisés pour redonner au moins favorisés.

À l’opposé, parlons des subventions à la culture, en particulier pour l’opéra.

Qui la finance ? Tout le monde, à travers les impôts locaux en particulier, et diverses subventions d’État dont les sources divergent.

Qui en profite ? Allez faire un tour à l’opéra pour le constater vous-même. Disons que ce n’est pas un passe-temps courant dans les milieux populaires.

Donc, les subventions à la culture taxent tout le monde pour financer une activité dont les plus aisés bénéficient avant tout. Robin des Bois s’est quelque peu emmêlé les pinceaux, semble-t-il.

En quoi est-ce un problème ? Ça l’est, car philosophiquement j’ai du mal à concevoir que quiconque au-dessus d’un certain niveau de revenus puisse percevoir un seul euro de l’État. Si vous faites partie des plus riches, vous n’avez aucune justification qui tienne la route pour venir me demander de subventionner vos goûts de riches. Il n’y a aucune justification qui tienne la route pour que quelqu’un qui paie des impôts voit cet argent atterrir dans des poches plus fournies que les siennes (petite parenthèse, c’est une des raisons pour lesquelles j’aime l’impôt négatif, puisqu’il respecte strictement cette règle).

Or, financer des services qui bénéficient majoritairement à une population aisée est un transfert d’argent qui ne dit pas son nom. Et, malheureusement, la liste des services qui correspondent à ce critère est beaucoup plus longue qu’on ne l’imagine. Considérez ces deux exemples :

L’université gratuite ? Payée par tout le monde, elle bénéficie à une audience absolument pas représentative de la population générale. La majorité des étudiants viennent de familles qui pourraient payer de leur poche l’enseignement supérieur. Les classes moyennes et supérieures sont les grandes gagnantes de l’université gratuite.

Le CICE ? Payé par tout le monde, via une hausse de la TVA, il s’est transformé pour une bonne partie en hausses de salaires (ce n’est pas moi qui le dis, mais ces ultra-libéraux de l’OFCE). Donc, c’est une subvention payée par ceux qui ne travaillent pas au profit de ceux qui travaillent.

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  • Qu’en est -il des subventions aux énergies renouvelables ?

    • Oui, excellente question … ça produit une électricité de mauvaise qualité ( au sens de l’intermittence) et ça n’est de fait qu’un placement financier de quelques uns rémunéré par tous les abonnés au réseau (via la CSPE). Bref, un juteux montage financier pour ceux qui ont les terrains (pour les éoliennes et le PV dans les champs) ou les toits …

  • Il me semblait que Robin des Bois ciblait particulièrement les collecteurs d’impôts, donc prenait à l’Etat pour redonner aux individus.

    • Les quelques candidats possible à l’origine de la légende ne ressemblaient pas du tout à cette image folklorique.

    • Effectivement MichelO,
      Tout le monde a l’air d’avoir oublié une partie de l’histoire: Robin des bois volent aux riches…devenus riches car liés au pouvoir…pour les redonner aux pauvres…contribuables.

      Partant de là, la morale n’est plus du tout la même.

  • Le boboïsme est un système féodal. Il est donc normal que les pauvres payent pour les riches et un Robin des Bois moderne ciblerait toujours les collecteurs d’impôts. Rien ne disparait, tout se transforme.

  • Je me souviens avoir lu l’an passé (sur Contrepoints peut-être) une petite analyse du phénomène Robin des bois qui décapait un peu les idées reçues. En substance, la thèse exprimée était qu’en rançonnant les marchands ou collecteurs d’impôts autour de Sherwood, le gentil garçon en collants moulants rendait en définitive la circulation des biens et des personnes plus risquée dans la région. Ainsi donc les personnes concernées par le risque avaient deux options : soit ne plus commercer sur Sherwood, ce qui en définitive s’avérait préjudiciable aux “pauvres” qui y résidaient ; soit financer des services de sécurité sous forme de gardes armés, renchérissant les denrées. Solution également préjudiciable à la population.
    Rançonner la population, que ce soit directement (par un excès de taxation) ou indirectement (en modifiant à la hausse le coût des transactions) est néfaste.
    La bonne subvention de l’Etat est celle qu’il ne fait pas.
    Quelle que soit la situation.
    Quelle que soit la population spoliée.
    Quelle que soit la population bénéficiaire.

  • Université gratuite pour les riches : les cours oui, mais le financement des études est plus difficile. Pour bénéficier d’une bourse CROUS les parents d’un étudiant ne doivent pas disposer d’un revenu supérieur à 1 fois et demi le SMIC, ce qui n’est quand même pas beaucoup. Donc une grande majorité d’étudiant viennent de milieux défavorisés sortants du BAC ou d’un BTS.

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