Brexit : mais que fait donc la France ?

La France insiste sur le respect des règles communes. Mais les respecte-t-elle ?

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Number 10-President Hollande and PM(CC BY-NC-ND 2.0)

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Brexit : mais que fait donc la France ?

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 21 février 2016
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Par Le Parisien Libéral

Number 10-President Hollande and PM(CC BY-NC-ND 2.0)
Number 10-President Hollande and PM(CC BY-NC-ND 2.0)

 

Quel magnifique jeu de rôles nous ont offert les chefs d’État de l’UE à 28 réunis à Bruxelles, hier ! À commencer par le président Hollande.

En effet, par la voix du chef de l’État, la France a rejeté la possibilité du Brexit, la sortie du Royaume-Uni de l’Union Européenne, et a insisté sur le respect des règles communes, fédérales, aurait-on envie de dire.

Mais, au fait, ce n’est pas la France anti-fédérale, le passager clandestin de l’UE ? 

En effet, qu’est ce que l’Union Européenne ?

Les traités européens sont le fondement de l’Union européenne : toute action entreprise par l’UE découle de ces traités, qui ont été approuvés librement et démocratiquement par tous les États membres, nous dit l’Union Européenne (UE).

Quant au traité fondateur de l’UE, il est clair. Il précise que les États membres sont « déterminés à établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens« .

Autrement dit, l’idée de l’UE est claire : il s’agit d’aller vers un État fédéral.  Et les étapes intermédiaires sont le respect des traités, comme l’Acte Unique de 1986 (achèvement du marché commun par l’instauration des 4 libertés : libre circulation des marchandises et des services, libre prestation et liberté pour une entreprise de s’installer dans le pays de son choix, libre circulation des personnes et libre circulation des capitaux ) ou le traité de Maastricht.

La référence est claire : il y a quelques exemples de pays fédéraux dans le monde, comme la Suisse, le Canada ou même l’Allemagne, mais le modèle de l’UE, c’est bien les États-Unis d’Amérique. D’ailleurs, Jean Monnet a manifestement été très influencé par ses contacts américains.

Notons la contradiction entre l’idéal fédéral (capitale à Bruxelles, fonctions régaliennes comme l’armée ou la diplomatie centralisées, principe de subsidiarité, notamment au niveau régionalisé/landerisé pour le non régalien) et la réalité intergouvernementale de l’UE (les États sont les principaux acteurs de la politique Européenne), ambiguïté qui permet à chacun de dire « c’est de la faute de Bruxelles » plutôt que « nous avons mal négocié ».

Or, que s’est-il passé hier ?

Il existe un fort courant au Royaume-Uni (RU) anti UE, y compris au sein des Conservateurs, le parti de David Cameron. D’ailleurs, Margaret Thatcher n’était pas, euphémisme, une grande fédéraliste. Mais face à la poussée de UKIP, David Cameron s’est résolu, sage décision, de laisser le peuple britannique se déterminer.

Cependant, comme Cameron est manifestement contre la sortie du Royaume-Uni de l’UE, il est quand même allé négocier à Bruxelles des aménagements. Et voila comment le Premier ministre Britannique présente les choses : le Royaume-Uni ne fera jamais partie d’un ensemble supranational type super État européen. 

FT Weekend Une
FT Weekend Une

Aux Britanniques de décider maintenant ! Et d’après les sondages, rien n’est gagné d’avance. On se demande juste tout de même quel est le projet que David Cameron va présenter à nos amis et voisins britanniques. De quelle Europe parle t-il, sachant que le rejet de l’UE au Royaume-Uni n’est pas qu’un problème comptable, mais bien une question culturelle ?

Mais le plus drôle, ce ne sont pas les contradictions de Cameron, ce sont les remarques de Hollande, qui a donc déclaré :

« La Grande-Bretagne doit rester dans l’Union européenne, c’est ma volonté. Mais en même temps, il faut que l’Union puisse avancer. Aucun pays ne doit avoir un droit de veto, aucun pays ne doit se soustraire à des règles communes ou à des autorités communes ».


Conférence de presse à l’issue du Conseil Européen par elysee

Si on a bien compris ce que nous raconte l’exécutif de la République Française, la France est :

  • déterminée à ce que la politique monétaire, décidée par la Banque Centrale Européenne puisse être cohérente avec les politiques budgétaires (« celle que chacun des pays mène dans le respect du pacte de stabilité. »)
  • engagée à ce que l’UE continue à payer la Turquie pour lutter contre l’immigration en provenance de Syrie et d’Irak
  • soucieuse de faire respecter les règles communes
  • désireuse de faire avancer le projet Européen

On croit rêver !

  • Quel est le pays qui a partiellement rétabli les contrôles aux frontières ?
  • Quel est le pays qui se soustrait à la nécessité de maintenir la protection des Droits de l’Homme, et a prévenu le Conseil de l’Europe qu’il risquait de déroger à la Convention européenne des Droits de l’Homme ? 
  • Quel est le pays qui se montre incapable de respecter le traité de Maastricht, et revendique même le fait de ne pas suivre la règle de 3% de déficit par rapport au PIB ?
  • Quel est le pays qui n’hésite pas à subventionner certaines de ses entreprises, en totale infraction vis-à-vis de l’Acte Unique ?
  • Quel est le pays qui s’éloigne des valeurs démocratiques de l’UE et de l’état de droit et fait voter l’état d’urgence, une mesure qui pérennise un état d’exception ?
  • Quel est le pays qui déclare la guerre à des pays ou à des groupes terroristes, de manière unilatérale et sans même faire voter son parlement ou prévenir les 27, et qui place ensuite ses 27 partenaires au sein de l’UE devant le fait accompli en leur demandant de payer ?

Autrement dit, qui est en situation dérogatoire par rapport aux règles communes ? Et autrement dit, quelles leçons pouvons-nous donner aux Britanniques alors que nous-mêmes sommes très loin d’être en ligne avec les règles communes de l’UE, règles pour lesquelles le président Hollande a toujours personnellement milité ?

Il semble, au vu des faits, que si les Britanniques s’interrogent, la France, elle, est déjà à l’étape suivante : elle pratique allègrement la politique de l’Europe à la carte, très loin de l’option fédérale.

Si la France de Hollande est vraiment favorable au fédéralisme Européen, qu’elle commence par respecter le Pacte de Stabilité et de Croissance, l’Acte Unique ou la Convention européenne des Droits de l’Homme. Ensuite, qu’elle prenne une initiative forte comme la fermeture du Balardgone et du Quai d’Orsay et le transfert de leurs pouvoirs à Federica Mogherini, la commissaire Européenne en charge des affaires extérieures.

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  • Quel beau chantage de la part de Cameron …
    Et tout le monde marche à « coucou fait moi peur » ou bien à « arrêtez moi ou je fais un malheur »
    Les anglais une fois de plus vont pouvoir tirer le maximum d’avantages avec le minimum de contraintes …
    Comme il fallait une caisse de résonance à la hauteur de l’évènement …. tous les médias aux ordres y sont allés de leur petit couplet sur les risques d’explosion ou d’implosion à cause du « brexit »

    Et il gagne !!!
    Bravo l’artiste …

    Mais de toute façon tôt ou tard elle explosera ou implosera, au choix, cette Europe …. Cameron ou non.

    • Vu de l’extérieur, il est évident que l’article rappelle des vérités bien concrètes.

      Même si le procédé n’est ni correct ni honnête (les fautes de l’un n’excusent en rien celles d’un autre!)

      Il y a eu ces discussions se terminant par un accord avec la signature de TOUS les pays (France incluse), malheureusement encore représentés par leur chef d’état ou de gouvernement, ce qui montre bien le manque de démocratie européenne que bien des « patrons d’exécutifs nationaux » ne veulent pas voir progresser, jaloux de leur libre privilège exprimé dans une discrétion appréciée!

      Ou cet accord est équilibré (chantage, il y a eu, c’est évident et inélégant mais clairement adopté par Cameron pour « son usage national) et alors tant mieux pour l’Europe, très loin « d’exploser ou d’imploser », ou cet accord ne profiterait qu’à la Grande Bretagne et il faut alors supposer que les autres 27 pays sont dirigés par des « gogos », ce qui serait étonnant, non?

      Mais l’avancée européenne semble y avoir gagné: l’idée d’une Europe concentrique progressant à des vitesses variables s’insinue bien dans les « conversations ».

      Et dans ce processus, il n’est pas impossible que la France doive choisir un jour entre rester acteur dans le noyau dur, en respectant les traités, ou agir selon son bon plaisir et se retrouver dans un autre cercle, avec moins de devoirs, donc monis de droits.

      Et on sait déjà que c’est l’Allemagne (clairement fédérale), seul vrai gros moteur européen actif, actuellement, qui l’imposera plus que probablement, les autres acteurs volontaires pro-européens n’ayant le même poids.

      La facilité française à se trouver des boucs émissaire, dont « Bruxelles », en première ligne, lui permet sans doute de mal camoufler, par son arme préférée (le « discours »), en partie, ses erreurs de gestion face à sa population, alors que rien dans sa géographie ne peut expliquer ce retard, ni évidemment sa possibilité d’opposer son veto aux décisions communes européennes auxquelles, après, elle veut échapper à son gré.

      Comme d’autres pays (comme la Grande Bretagne), la France voudrait garder l’Union Européenne au service de ses intérêts nationaux: malheureusement, l’Union ne fut pas créée dans ce but particulier.

      Mais qui a, en France, ou pire, à Paris, l’esprit ouvert à un système fédéral? « L’Europe des nations » du Général Ch.De Gaulle, n’est, dans les faits, plus d’actualité depuis longtemps.

      Maintenant le choix de rester dans l’Europe ou d’en sortir vous appartient, pas celui de changer les traités dans votre cas national particulier.

      Par exemple, il est choquant d’entendre un N.Sarkozy, sans aucun mandat, actuellement, dire qu’il faut supprimer les accords de Schengen, pour revenir à des frontières nationales étanches, alors que dans « la Jungle » de Calais, bien peu d’immigrés veulent rester sur le sol Français (et qu’en face, les Britanniques auront bien du mal, en cas de « brexit », à les gérer à Dover-Douvres: ils risquent donc bien de les refouler chez vous: le pragmatisme britannique est très peu sensible face aux étrangers et, moins qu’en France, aux « droits de l’homme » dont la France se prétend « La Patrie », ce que Calais ne semble pas corroborer)!

    • « établir les fondements d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples européens »

      « Les anglais ont toujours cherché à tirer un maximum d’avantages avec le minimum de contraintes … », dites vous. C’est indéniable. Mais que veulent les français et que nous a vendu Hollande par rapport à l’Allemagne, et en quoi est-on différent ?

      Où est « l’union étroite », à part dans la bureaucratie bruxelloise qui fait ch… tout le monde de façon étroite et solidaire ?

  • J’aime les anglais 🙂

  • Bravo les Anglais! Je vous envie…..

  • Quel est le pays qui a transposé les directives européennes en matière d’assurances sociales et qui refuse de les appliquer, poussant des dizaines d’indépendants au suicide ?

  • Bravo à notre Pinocchio national, comme d’habitude il dit le contraire de ce qu’il fait, mais comme il l’a dit, on l’applaudit.

    Qu’il fasse, sans rien dire, le contraire n’intéresse personne.

  • Les commentaires sont fermés.

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