Plan pour l’emploi : cibler les emplois peu qualifiés en priorité

Après plusieurs décennies d’interventionnisme, on voit se succéder des demi-mesures qui démontrent un manque de compréhension des défis à l’œuvre.

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Construction Workers on a Break, Rockefeller Plaza Lobby Picture NYC NY credits Roger (CC BY-NC-ND 2.0)

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Plan pour l’emploi : cibler les emplois peu qualifiés en priorité

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 26 janvier 2016
- A +

Par Cécile Philippe.
Un article de l’Institut économique Molinari

Construction Workers on a Break, Rockefeller Plaza Lobby Picture NYC NY credits Roger (CC BY-NC-ND 2.0)
Construction Workers on a Break, Rockefeller Plaza Lobby Picture NYC NY credits Roger (CC BY-NC-ND 2.0)

François Hollande vient de préciser son « plan d’urgence pour l’emploi » face à des chiffres jugés intolérables avec un nombre de chômeurs en France qui frôle les 3,7 millions. La situation n’est pas nouvelle, le taux de chômage en France n’est plus passé sous la barre des 4,5 % de la population active depuis 1978. Il atteint aujourd’hui plus de 10 % et effectivement, il est temps de s’atteler au problème.

D’un bon fonctionnement du marché du travail dépend, à notre avis, la possibilité de réformer en profondeur les autres pans de l’économie. Or, après plusieurs décennies d’interventionnisme, on voit se succéder des demi-mesures qui ne prennent pas le sujet à bras le corps ni ne démontrent une compréhension des défis à l’œuvre. Prenons le cas emblématique du chômage élevé parmi les personnes les moins qualifiées que l’aide proposée de 2 000 euros par an ne permettra pas d’endiguer.

emplois peu qualifiés rené le honzecPourquoi le sujet est-il d’importance ? Parce qu’en France, l’absence de qualification n’est pas un sujet anecdotique. Comme l’a souligné Bertrand Martinot1, la France compte une proportion particulièrement forte d’adultes non diplômés, soit 30 % des actifs de plus de 25 ans. Or, comme le soulignent Sylvain Catherine, Augustin Landier et David Thesmar, « la composante la moins éduquée de la population active française subit aujourd’hui un taux de chômage voisin de 15 %, là où les actifs qui ont fait des études au-dessus du niveau du bac, font face à un taux de chômage nettement plus bas, voisin de 5 % et qui, de plus, a été peu affecté par la crise. »2

Une autre tendance de fond que ces auteurs soulignent à juste titre est celle de la transformation des emplois sous l’effet des progrès technologiques. On observe ainsi la disparition d’emplois facilement automatisables d’ouvriers et d’employés au profit d’emplois notamment de services à la personne, plus précaires et moins bien rémunérés.

Ces emplois sont moins bien rémunérés car ils sont moins productifs et dans leur cas, une caractéristique du marché du travail français est particulièrement préjudiciable, celle de l’existence d’un salaire minimum élevé. Car la question n’est pas tellement qu’un salaire minimum existe (c’est le cas notamment de 21 des 28 pays de l’Union européenne) mais plutôt de savoir si son niveau n’entraîne pas le chômage de ces personnes non qualifiées, nombreuses en France.

Or, au cours des dernières décennies, le salaire minimum y a très fortement augmenté. Il est aujourd’hui l’un des plus élevés au monde avec un salaire minimum exprimé en fraction du salaire moyen de 61,5% en 20123 quand il est inférieur à 50% aux Pays-Bas, en Angleterre, aux États-Unis et au Canada notamment.

Le niveau élevé du Smic vient de ce que le financement de la protection sociale passe par des charges sociales assises sur les rémunérations des salariés. Ces cotisations sont trop élevées pour ceux dont le niveau de productivité est le plus faible. C’est la raison pour laquelle des aménagements en ce sens ont été faits afin de réduire le coût de ces travailleurs au Smic. Depuis le début des années 1990, les pouvoirs publics ont mis en place des allègements de charges sociales qui ont bien fonctionné.

Il faut cependant aller plus loin, de sorte que les gisements d’emplois susceptibles d’être créés dans les services puissent l’être effectivement. Il faut que la réglementation du travail les rende viables en actant radicalement la baisse de charges au niveau du Smic. Sans être suffisante, cette mesure claire et simple permettrait de régler sans équivoque possible un problème du marché du travail français.

  • Texte d’opinion publié le 19 janvier 2016 dans L’Opinion.

Sur le web

Lire sur Contrepoints notre dossier spécial emploi

 

  1. Martinot, Bertrand, Chômage : inverser la courbe, Les Belles Lettres, 2013.
  2. Catherine, Sylvain, et al., Marché du travail : la grande fracture, Institut Montaigne, 2015.
  3. Aftalion Florin, Le salaire minimum, Libréchange, 2014.
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  • Bonjour

    Baisser les charges sociales au niveau du smic, c’est passer d’une flat tax à une imposition progressive.
    Les socialistes en rêvent.

  • Tout à fait, effet de seuil garanti, et nivellement par le bas obligatoire.
    Je plein sincèrement le smicard, jamais il n’aura l’espoir de gagner plus.

  • Les cotisations sont trop élevées pour tous. Introduire des distorsions au “bénéfice” des plus bas salaires, compensées évidemment par d’autres en sens inverse sur les meilleurs salaires, ne peut que conduire à rendre moins intéressant de chercher à sortir des basses tranches. Pire, cela ne crée pas d’emplois car ça ne crée pas de clients, et la “compétitivité” gagnée ne l’est que dans des domaines où nous sommes de toutes façons loin derrière la concurrence, que ce soit celle d’autres pays ou celle de l’automatisation.
    Les emplois peu qualifiés sont trop chers par rapport au service fourni, certes, mais surtout ce sont les ressources de ceux qui y ont recours qui sont trop faibles par rapport aux services dont ils ont besoin ou envie.

  • NON ! et +1 MichelO
    Tant que les dépenses restent au même niveau, les prélèvements sont aussi au même niveau, et retombent toujours sur les mêmes, les seuls qui peuvent payer. Les producteurs ; à un titre ou à un autre, par un canal ou un autre.
    La baisse des charges ici est transformée en taxes ailleurs, qui retombera soit directement sur l’entreprise, soit sur un de ses clients que du coup elle perdra, ou sur un fournisseur qui augmentera ses prix, ou sur un cadre qui va lever le pied et réduire la production — et donc l’emploi qu’il génère — dans des proportions sensibles.
    La “main invisible du marché”, ça marche aussi dans ce sens !

    Bien sûr les charges ne sont pas indifférentes, ce n’est pas tout à fait sans effet de supprimer une charge ici ou là, mais l’effet ne peut être que marginal.

    Les gauchistes ont donc, et auront toujours, beau jeu de protester contre les “cadeaux aux patrons” qui n’ont pas d’effet sur l’emploi. Cette politique ne peut tout simplement pas marcher, en tout cas pas sans un transfert véritablement massif des prélèvements des producteurs vers les consommateurs, et ça, personne n’y est près

  • « la composante la moins éduquée de la population active française subit aujourd’hui un taux de chômage voisin de 15 %, là où les actifs qui ont fait des études au-dessus du niveau du bac, font face à un taux de chômage nettement plus bas, voisin de 5 % et qui, de plus, a été peu affecté par la crise. »

    On fait souvent la confusion entre “la part de la population sans formation” (dite moins éduquée) et “la moins diplomée”.
    L’inflation des diplômes rend le marché de l’emploi très délicat, qui outre l’inadaptation des candidats aux fonctions, présente cette caractéristique que, même si un diplôme inadapté crée un effet de compétition (“il est bac+n”) rendant sous-diplômé le candidat “bac+n-1”, même mieux adapté à la fonction.

    Certes, l’effet SMIC rend cher le candidat non-diplômé.

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