Quand Sciences Po mise sur les humanités digitales

Nous avons besoin de créer des citoyens numériques éclairés.

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Quand Sciences Po mise sur les humanités digitales

Publié le 16 janvier 2016
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Par Farid Gueham.
Un article de Trop Libre

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Manuel numérique (Crédits CG94, licence Creative Commons)

Une formation pour préparer les décideurs et les politiques numériques de demain

C’est l’ambition de Benoit Thieulin, directeur de l’Exécutive Master Digital Humanities. Conscient que la vague de transformation numérique qui touche les entreprises, les impacte dans leurs organisations et plus seulement dans les périphéries, cette formation répond pour lui à un besoin, une urgence. « Je pense qu’il n’y a pas aujourd’hui un seul chef d’entreprise qui ne comprenne que son business modèle est impacté par la révolution numérique, qu’il peut et doit tirer profit de cette transformation. Cela implique de changer d’organisation, de culture aussi. Le numérique donne une vision assez enthousiaste et assez optimiste de la société pour une raison simple : c’est qu’il est en train de la transformer. Cette formation est le passeport idéal pour naviguer dans cette société en mutation» ajoute-t-il. Un objectif,  volontiers mis en parallèle avec la mission du « CNNum », le Conseil National du Numérique, qui œuvre à mieux articuler la loi et les droits fondamentaux, aux nouveaux usages du numérique « non pour aboutir à plus de contrôle, mais au contraire à plus de pouvoir pour les individus, c’est là tout l’enjeu » souligne Benoit Thieulin.

« Permettre à des professionnels de (re)penser leur stratégie organisationnelle, leur modèle d’affaires, leur environnement, leurs métiers et leurs pratiques à l’heure du digital pour les transformer en un ensemble d’opportunités.» La présentation de la formation plante le décor.

Les Masters professionnels « humanités digitales » se multiplient dans les grandes universités européennes et américaines. La transdisciplinarité du projet éducatif de Sciences Po serait le gage de la valeur ajoutée du master. Et le programme ne cache pas son ambition : placer les enjeux du digital dans une perspective historique et prospective afin d’anticiper les changements à venir induits par le digital. Des enseignements qui permettront aux étudiants de mieux identifier les besoins du marché en attente de solutions digitales. Innover et créer tout en saisissant les jeux d’acteurs qui redéfinissent les rapports entre les organisations et les usagers, le périmètre se veut volontairement large pour répondre aux besoins des entrepreneurs du privé mais aussi aux futurs dirigeants du secteur public.

Pas de déterminisme technologique…

Nos usages et nos choix construisent chaque jour la société numérique. Du côté des entreprises, si l’exclusion numérique est possible, elle est délibérément choisie par les entrepreneurs. Un sacrifice consenti d’autant plus grave pour le directeur du master qui mesure l’ampleur des avantages dont se prive l’entreprise : « aujourd’hui dans une PME, nous disposons en back office du système RH, comptable, marketing, d’échanges internes, de la taille de ce que les grands groupes pouvaient avoir il y a 20 ans, des services qu’ils payaient plusieurs millions de dollars ». Ouvert sur le monde de l’entreprise, le master se veut pratique, professionnalisant et opérationnel.

Le numérique est un enjeu majeur dans la compétitivité des entreprises. Il serait aussi une opportunité, une nouvelle distribution des cartes selon son responsable pédagogique : « le numérique est la meilleure illustration que le monde est en train de changer. Et il n’y a rien de plus frustrant dans la vie que de se sentir empêché de pouvoir évoluer ». Donner des outils, mais aussi infuser une culture de l’innovation, positive et optimiste. Pour Dominique Boullier, professeur de sociologie à Sciences Po, internet est l’incarnation très forte d’un sursaut technologique, vers un objectif social et politique, qui bouleverse la société. Le master veut prendre en compte ce tournant économique et culturel qui touche non seulement l’entreprise mais la société dans sa globalité.

Nous avons besoin de créer des citoyens numériques éclairés

Les humanités digitales encouragent également cette compréhension nouvelle d’un citoyen numérique qui se fait entendre, sans passer par les canaux traditionnels du vote, à travers des médiations nouvelles, comme les réseaux sociaux, les blogs. Quid de la donnée citoyenne ? Le « big data public » constitue une ressource nouvelle, délicate par la sensibilité des données privées qu’elle porte. L’exploitation et l’utilisation de ces données est un sujet très sensible au cœur des enseignements du programme, ouvrant de fait de nouvelles réflexions éthiques, sociales et économiques.

Rester acteur de la révolution numérique pour ne pas en être la victime

C’est aussi le souhait de Dominique Boullier, pour qui « le digital ne peut plus être « sorti » du débat politique ». Le digital est l’architecture de nos sociétés, le nouvel environnement dans lequel nous nous déplaçons. C’est là tout l’esprit et l’enjeu des humanités numériques, jalon d’une renaissance digitale, dont l’ambition est de former des décideurs éclairés, en capacité de reprendre la main, de garder le cap, pour faire des mutations numériques une opportunité plus qu’un bouleversement subi.

Pour aller plus loin :

– Compte twitter du Master exécutif Digital Humanities de Sciences Po.

– « Le temps des humanités digitales », Olivier le Deuff, collection société de la connaissance.

– « Stanford now offers minor in digital humanities », publié dans Campus technology.

– « Quelle place donner aux humanités digitales et l’étude des cultures numériques à l’université », Fabula.

– « Une mobile class pour prendre la main sur le numérique », Sciences Po.

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  • Bonjour,

    J’ai l’impression de lire un article d’il y a 20-30 ans, la révolution numérique est derrière nous.

  • J’imagine qu’ils avaient aussi crée en son temps une « humanité automobile » ou une « humanité éléctrique » ? Ou téléponique ?
    Cela doit être leur (piteuse) réponse à leur présente incapacité à saisir les enjeux du monde .

  • Créer des citoyens éclairés, oui. Que le numérique soit un outil pour cela, sans doute. Mais imaginer que le numérique doive être l’alpha et l’oméga de l’éclairage, non, surtout pas. Nous avons besoin de décideurs capables de faire preuve de bon sens même quand leur ordinateur est arrêté, de s’informer sans passer par des sondages et des QCM, de regarder le monde sans lunettes g**gle, et d’échapper à la manipulation de ceux qui construisent les bases de données en en choisissant habilement les critères.

  • La 19s c’est finis, le prolétariat est éduqué, il s’est même doté des moyens de se passer de vous. Aucun excellent développeur n’a jamais été formé/déformé dans une école ou université ou du moins aucun ne le revendique, notre métier est basé sur la méritocratie. On a raconté que les universités faisaient de la recherche, mais avec le web, tout le monde à accès à l’information, la doc, les outils sont libre et je n’ai pas vu depuis 20 ans une seule percée majeure en informatique faites par les universitaire, malgré toute la communication, surtout aux US. Par contre il y a un tas de passionnés qui « travaillent sans subvention dans leur garage » et qui font des merveilles. Si vous voulez rester crédible, il va falloir sérieusement réfléchir et vous recentrer sur votre « cœur de métier ». Dans une société libre, on ne « forme/déforme » pas les gens, surtout dans une société où il n’y a plus de barrière à la communication du savoir. Il va falloir regarder la réalité en face, le monopole de l’intelligence c’est finis, il n’y a plus personnes à former si ce n’est quelque énarques, politiciens ou pseudo patrons égarés au 21e siècle. Bienvenu dans un monde libre et bon courage.

  • Parler de #citoyen numérique# a des consommateurs gave de i bidule qui font science Po, pour qui faire acte citoyen se limite a voter?
    Encore faudrait il trouver des citoyens, au sens noble du terme, a qui donner des cours.
    Je trouve toujours intéressant de discuter avec des jeunes ingénieurs sorti de l’ENSAM ou autre : techniquement ils sont au point. Pour le reste, on est loin du citoyen éclaire, de l’honnête homme tel que défini au XIXeme.
    Nos #élites# sont un désastre moral et social. Ce pays est foutu.

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