Italie : la droite en décomposition

La droite italienne est sortie exsangue des années Berlusconi dont elle ne cesse de subir les dernières convulsions.

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Silvio Berlusconi (Crédits Samuele Silva, licence Creative Commons)

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Italie : la droite en décomposition

Publié le 13 janvier 2016
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Par Jean Senié.
Un article de Trop libre

Silvio Berlusconi (Crédits Samuele Silva, licence Creative Commons)
Silvio Berlusconi (Crédits Samuele Silva, licence Creative Commons)

Dans son édition du 24 décembre 2015, le quotidien italien Il Foglio lançait l’initiative « unleaderperladestra@ilfoglio.it » (« un chef pour la droite »), invitant les lecteurs à écrire au journal pour l’aider à proposer un « casting » pour les mois et les années à venir. Au-delà du caractère ludique de cette démarche, le projet d’Il Foglio met le doigt sur un problème crucial de la vie politique italienne : la disparition de la droite et du centre-droit depuis maintenant plusieurs années.

Or, cette disparition va de pair avec l’affirmation de deux forces. D’une part, et contrairement à certains pronostics, celle de l’enracinement durable du Mouvement Cinq Étoiles de Beppe Grillo dans le paysage politique italien. D’autre part, celle de la montée en puissance de la Lega Nord qui connaît avec Matteo Salvini une deuxième jeunesse. À cet égard, la réflexion italienne, et plus spécifiquement celle de la Lega, sur les élections régionales françaises des 6 et 13 décembre 2015 sont éclairantes dans ce qu’elles révèlent des projections politiques italiennes.

Quel modèle pour quelle droite ?

La droite italienne est sortie exsangue des années Berlusconi dont elle ne cesse de subir les dernières convulsions. La participation de Silvio Berlusconi le 8 novembre 2015 à une réunion organisée par la Lega Nord à Bologne sonnait ainsi comme son adieu à la politique, tout du moins signifiait une réelle perte d’influence. Or, le flambeau tombé n’a, pour l’heure, été relevé par personne. Forza Italia, le parti créé par Berlusconi, n’en finit plus de connaître une longue descente aux enfers. Le Nuovo Centrodestra, fondé par Angelino Alfano en 2013 après une scission, n’a pas tenu ses promesses de renouvellement et s’est retrouvé empêtré dans des crises internes et dans sa participation au gouvernement. Aucun homme politique de la carrure d’un Matteo Renzi n’a encore émergé à droite. En outre, aucun programme clair n’a été dessiné. Ainsi, la plupart des mesures restent d’anciennes recettes qu’on appliquait déjà du temps du berlusconisme. La situation au centre-droit et à droite est donc particulièrement confuse.

À cela s’ajoute la forte pression exercée par la Lega Nord et son secrétaire fédéral Matteo Salvini. Celui-ci a décidé de faire de son parti non plus un mouvement ethnorégionaliste comme auparavant, mais un rassemblement national s’inspirant du Front National. On évoque même la présence, en chair et en os, et non plus seulement en vidéo, de Marine Le Pen le 28 janvier 2016 pour un grand rassemblement à Milan – auquel participeraient aussi des représentants du pouvoir russe. Les élections régionales françaises et le résultat élevé du FN au premier tour ont d’ailleurs été l’occasion pour Salvini de réitérer ses déclarations d’amitié à Marine Le Pen. Il a aussi vanté les mérites de sa stratégie et souhaité l’adapter à l’Italie : il reprend le discours contre le « système », contre les étrangers et notamment les migrants, contre le libéralisme et contre l’Europe. Son espoir est de parvenir à atteindre les régions du Mezzogiorno, toujours réfractaires aux messages d’un parti qui, encore récemment, les traitaient de « voleurs », d’« assistés » et d’« Italiens de second rang ». Pour le moment, les sondages le créditent d’environ 15% des intentions de vote, au-delà du meilleur score historique du parti à des élections législatives – celles de 1998 – qui a été de 10,8%. La Lega connaît ainsi une forte dynamique à droite, car elle est servie par un dirigeant charismatique et un programme qui, à défaut d’être réaliste, est lisible. Le principal risque des partis de droite est de se dissoudre dans une coalition avec ce parti d’extrême-droite comme principal pôle agrégateur.

Un modèle italien ?

Peut-être faudrait-il inverser la comparaison et réfléchir alors à ce que la vie politique italienne se propose de nous dire sur la recomposition de droites. Les partis de droite et de centre-droit, s’ils n’ont pas encore disparu, apparaissent quelque peu par rapport à l’action conquérante de la Lega Nord, pour ne rien dire de leurs relations avec le Mouvement Cinq Étoiles. Ainsi, il est loisible d’envisager un scénario où le centre politique de la droite italienne serait occupé par la Lega qui aurait changé de nom, se serait respectabilisée et deviendrait la troisième force politique avec le PD et le Mouvement Cinq Étoiles. Ce scénario est d’autant moins fictif que, sous Berlusconi, la Lega et Sforza Italia ont pratiqué des logiques d’alliances. Cela avait permis à la Lega d’exercer des responsabilités dans plusieurs centaines de communes et dans deux régions, la Lombardie et la Vénétie. Si Matteo Salvini atteint – il en est encore loin – la masse critique des 20% de votes en 2016, on pourrait imaginer que cette situation ne tienne plus uniquement à de la politique fiction mais soit de l’ordre du probable.

La situation de la droite en France est fort éloignée de celle de la droite italienne. Pourtant, les récents déchirements que connaissent Les Républicains, auquel on peut adjoindre pour l’occasion l’Union des Démocrates et Indépendants, montrent que la situation n’est pas sans risque, a fortiori quand l’on sait qu’un des principaux objectifs de Marine Le Pen est de parvenir à faire imploser les partis de droite traditionnelle afin de devenir le centre d’un nouveau « front » de droite. Cette logique, parallèle à celle qui entend rassembler les souverainistes contre ceux qu’elle appelle les « mondialistes », est lourde de menaces. Si la situation politique italienne n’est pas la situation française, et s’il faut se garder de surestimer le poids de la Lega, il n’en demeure pas moins que l’état de la première doit servir de leçon pour la seconde.

Évidemment, on est là dans le domaine des hypothèses. Par ailleurs, rappelons-le, c’est un fait que la Lega regarde vers le Front national et non l’inverse. Toutefois, la déliquescence de la droite italienne risque de constituer un terreau favorable au projet de Matteo Salvini. Elle nous remet surtout en mémoire que l’extrême-droite prospère, tout du moins en partie, sur les faiblesses de la droite traditionnelle.

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