Pour la propriété des données personnelles

Pourquoi il faut reconnaître la propriété des données personnelles.

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Paparazzi credits Todd Huffman (CC BY 2.0)

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Pour la propriété des données personnelles

Publié le 29 octobre 2015
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Par Vianney de La Fortelle.

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Paparazzi credits Todd Huffman (CC BY 2.0)

 

Je suis un homme heureux. En lisant Contrepoints, ce que je fais tous les jours, je suis tombé sur l’article de Ferghane Azihari à propos de la question des données personnelles. C’est un sujet que je suis avec intérêt depuis mes études et je suis ravi qu’un auteur intervienne sur ce sujet. Cependant je suis loin d’être d’accord avec lui : je considère que la reconnaissance de la propriété des données personnelles à leurs auteurs serait au contraire une excellente chose, tant pour les individus que pour l’économie.

Accords et désaccords

Tout d’abord de quoi parle-t-on ? Une donnée personnelle est définie ainsi par la Loi Informatique et Libertés de 1978 (pour une fois que la France est pionnière dans le bon sens ne boudons pas notre plaisir) : « Constitue une donnée à caractère personnel toute information relative à une personne physique identifiée, directement ou indirectement, par référence à un numéro d’identification ou à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres. Pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens en vue de permettre son identification dont dispose ou auxquels peut avoir accès le responsable du traitement ou toute autre personne. »

Le futur projet de règlement européen offre pour le coup une définition bien plus succincte : « Données à caractère personnel : toute information se rapportant à une personne concernée ».
Pour faire simple, une donnée personnelle est toute information permettant d’identifier ou de rendre identifiable une personne donnée. Cela implique donc une grande variété de données et surtout des données plus ou moins sensibles. Une adresse physique est une donnée personnelle tout comme mon orientation sexuelle ou bien mon état de santé. Chacun comprendra donc à quel point une donnée personnelle peut être plus ou moins sensible.

Cela m’amène à mon premier désaccord avec Ferghane Azihari. La divulgation de certaines informations peut me porter un très grave préjudice selon ma situation ou mon histoire personnelle. Exemple : l’homosexualité est plus ou moins bien perçue selon les environnements. Révéler et diffuser l’orientation sexuelle d’une personne peut donc avoir des conséquences malheureusement graves pour elle.

J’émets l’hypothèse que notre divergence provient de notre conception de la vie privée. La question des données personnelles est consubstantielle à la question du respect de la vie privée. Mes données sont une composante de ma vie privée. Je maîtrise cette dernière par la manière dont je règle ma vie sociale et les informations que je divulgue. Cette même vie privée a pour fondement la propriété privée, c’est-à-dire l’espace que je maîtrise et dont je peux exclure l’autre, à commencer par l’État. Si je suis la logique de Ferghane Azihari, l’information étant librement à disposition elle ne peut donc nuire. Cela peut se traduire par « je n’ai rien à cacher ». C’est une logique que les étatistes aiment beaucoup pour justifier leur intrusion dans la vie privée des gens. Nous en avons encore eu la preuve avec la nouvelle loi antiterroriste suite aux événements de janvier 2015. La saine réaction est au contraire « ce ne sont pas vos affaires ». C’est ce principe qui devrait régir les questions concernant la vie privée et donc, par conséquence, les données personnelles.

Je suis d’accord avec Ferghane Azihari sur l’incohérence des États sur la question. Elle s’explique par deux raisons. D’une part leur incapacité à suivre les évolutions conceptuelles impliquées par les données personnelles. D’autre part le fait qu’ils tirent profit de l’incertitude à leur sujet pour faire des lois liberticides violant totalement la vie privée (Patriot Act, Lois antiterroristes, etc). « On ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. » Cette phrase du Cardinal de Retz est tout à fait pertinente dans le cas qui nous préoccupe.

La propriété des données personnelles, un outil au service de l’individu

Le droit de propriété offre les outils nécessaires à l’individu pour protéger sa vie privée. Entendons-nous bien, si propriété des données il y a, elle ne peut, par principe, n’être attribuée qu’à la personne qui les produit. C’est la condition sine qua non pour que cette solution fonctionne. Les avantages seront multiples, dont les deux suivants.

  • Le renforcement de la vie privée des personnes : en reconnaissant clairement que les données appartiennent aux individus qui les produisent, cela renforcera la prise de conscience sur les questions de vie privée et de sa protection. La première action à mener lorsque l’on veut défendre une cause est de faire prendre conscience aux autres de son importance. Dans un monde de plus en plus liberticide, où la vie privée est bafouée par ceux-là même qui devraient la défendre, ce serait une évolution essentielle dans le combat contre l’étatisme. Ferghane Azihari indique, dans son dernier paragraphe, que c’est aux individus de faire attention et de maîtriser leurs données. Je suis bien d’accord avec lui. La responsabilité première incombe aux individus. Là encore, le recours à la propriété des données se justifie. On est d’autant plus soigneux qu’il s’agit de notre propriété. Si l’on a bien conscience que nos données personnelles sont en notre possession cela renforcera la responsabilité individuelle.
  • Le recours à la propriété privée permet aussi de mieux gérer l’usage est les conflits liés aux données personnelles : le droit de propriété implique un cadre juridique, avec des droits, des devoirs, et des moyens de recours en cas de conflit. Cela permettrait donc de faciliter leur protection, leur gestion et leur usage. Système qui pourra prendre également en compte les différences de sensibilité des différents types de données. Ferghane Azihari évoque le fait que les éventuels conflits doivent être gérés par le biais du droit des contrats et non pas par le fait que nous sommes propriétaire de nos propres données. Je dois avouer ici qu’il y a une incohérence. Si je passe un contrat avec un réseau social gratuit, il est entendu qu’en échange de l’accès au réseau et à ses fonctionnalités celui-ci peut collecter et réutiliser les données me concernant. Mais ce que je cède c’est un droit d’accès et d’usage de mes données. Si le réseau social manque ou abuse de son droit concédé sur mes données je peux me retourner contre lui. Ce qui est sous-entendu c’est que je suis bien propriétaire de mes données. Au final, inconsciemment, Ferghane Azihari en revient à la propriété des données.

La propriété des données personnelles et économie des données personnelles

La question de la propriété des données personnelles est sans doute la plus passionnante à propos de l’économie autour de ces dernières. Cette économie est déjà là, elle se met en place. C’est un réseau social gratuit, ce sont des outils de self monitoring (la mesure de mon activité physique lorsque je cours, par exemple), c’est une assurance automobile qui s’adapte en fonction des kilomètres que je parcours chaque année, ce sont des réductions grâce à ma carte de fidélité enregistrant mes achats, etc. Cette économie est déjà là !

Elle suscite pourtant bien des controverses et des réticences. Les individus ont l’impression d’être fliqués, suivis, de perdre le contrôle de leur propre vie ; ce qui est vrai en grande partie car le modèle qui existe, celui où la propriété des données n’est pas clairement établie, implique pour les organisations d’en collecter un maximum. Cela concerne aussi bien les entreprises que les administrations. Leur modèle de fonctionnement, leur modèle économique sont basés là-dessus ; les individus y trouvent un bénéfice, mais y sont de plus en plus hostiles. Résultat ? Perte de confiance envers les organisations et données de plus en plus de mauvaise qualité. Qui n’a pas déjà menti au moment de remplir un formulaire sur Internet ?

Le recours à la propriété des données personnelles permettrait de renverser complètement la donne et rendrait le pouvoir aux individus. Il leur appartient de pouvoir choisir à qui confier un droit d’accès et d’usage de leurs données, le but recherché et les limites à imposer. Chacun est gagnant :

  • Les individus : une meilleure maîtrise de leurs données et de leur vie privée, la possibilité de tirer profit de leurs données, en termes monétaires ou contre des biens et services.
  • Les entités : des données de meilleure qualité et une relation basée sur la confiance. Une donnée de meilleure qualité sera infiniment plus utile au but recherché par l’organisation. Une relation basée sur la confiance aura toujours plus de succès et de richesse que celle basée sur la coercition.
  • L’économie : la nécessité de développer les outils permettant de faciliter la relation entre les individus et les organisations, ouverture également de perspectives gigantesques quant à la création de nouveaux biens et services qui profiteront aux individus.

Vous l’aurez compris, je considère qu’il est positif que les individus détiennent un droit de propriété sur leurs données.

Si le sujet vous intéresse vous pouvez consulter :


Lire en contrepoint l’article de Ferghane Azihari : Contre la propriété des données personnelles

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  • Je suis en grande partie d’accord avec le contenu de l’article, mais le droit de propriété en question est quand-même un peu particulier et mériterait d’être précisé. En effet, je ne peux pas vendre mon nom (je ne peux pas m’en départir), mais seulement fournir l’information selon laquelle mon nom est X, avec ou sans droit pour celui qui reçoit l’information de la divulguer à des tiers. Je ne suis donc pas propriétaire de mon nom comme je le suis de ma voiture. Ce caractère immatériel rejoint la notion de droit intellectuel (je vends mon nom un peu comme je vends un morceau de musique que j’aurais composé…) à ceci près que le nom, comme d’autres données personnelles, reste bien plus étroitement lié à la personne. Il faudrait aller plus loin sur le sujet, entre ce qui est à moi (mes biens matériels), de moi (mes créations), et ce qui est simplement moi (mon corps, mes données)…

  • l’instrumentalisation des données
    personnelles est juridiquement non reconnue et c’est grave.
    Les centres d’appel sont mis en place à partir d’opérateurs français qui sous traitent dans de nombreux pays. Dommage pour les employés.

  • Il n’y a pas de droit à la vie privée, seulement le droit de mettre des rideaux aux fenêtres. C’est la même chose avec les données personnelles.

    Un droit de propriété ne rendrait pas du tout leur usage plus facile. Les brevets n’ont pas du tout rendu l’usage des inventions plus facile vu que leur production est restreinte et les procès possible.

    Si des individus se sentent fliqués, c’est leur problème. Pas le mien.

    • Article 12 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 : Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.

      Article 9 du Code civil français, issu de la loi du 17 juillet 1970 : « Chacun a droit au respect de sa vie privée »

      Pas de droit, vraiment vraiment ?

      • On a le droit de ne pas se faire espionner par l’État (mais on peut tujours rêver) ou de subir d’effractions mais ensuite c’est à toi de protéger ta vie privée, tu ne peux pas étaler ta vie au grand jour, diffuser tes données et demander augx gens de fermer leurs yeux et boucher leurs oreilles

        • D’ailleurs le marché génère lui même les meilleurs outils de protection de la vie privée depuis longtemps : haies, clotures, rideaux, insonorisation, crypteurs, secret professionnel etc

        • Blablabla.

          Tu dis :
          « Il n’y a pas de droit à la vie privée, »

          La loi dit : art. 12 de la DUDH et art. 9 du code civil.

          Fail.

  • Par articles interposés, débat passionnant et argumenté entre Vianney de La Fortelle et Ferghane Azihari. Les deux positions contradictoires se tiennent et ce n’est pas si fréquent.

    Pour ma part, je suis d’accord avec Ferghane et en particulier pour la raison suivante : PERSONNE n’oblige les internautes à communiquer leurs données personnelles à certains sites en échange d’un service rendu. Le deal est assez clair, pourtant : « je te permets de communiquer avec tes amis via ma plateforme (par exemple) et en contrepartie tu me laisses disposer des informations que tu m’as librement fournies. Si cela ne te convient pas, libre à toi de ne pas utiliser ma plateforme ».

    A cela s’ajoute le fait qu’il est possible de recourir aux services de la quasi totalité des sites web sans avoir la moindre donnée personnelle à fournir. Par exemple, je viens d’indiquer mon nom, mon adresse email et un site me concernant pour laisser ce commentaire mais j’aurais tout aussi bien pu décider de ne rien communiquer.

    • Je ne comprends pas l’argument. Personne n’a les moyens de vous forcer à vendre votre maison, donc il n’est pas nécessaire que l’on vous reconnaisse un droit de propriété sur cette maison?
      Il n’y a pas de lien logique entre ces deux propositions. Et la première est fausse, puisque que ce soit pour votre maison ou pour vos informations, l’Etat (ou toute personne malintentionnée) a tout à fait les moyens de vous forcer à vendre (voire à donner) votre bien.

      • Comparaison n’est pas raison…

        Dans le cas de la maison, sans droit de propriété n’importe qui pourrait s’installer chez vous en revendiquant qu’il est chez lui.

        Dans le cas des données personnelles, une plateforme telle que Facebook ne pourra faire usage de vos données personnelles qu’à la seule condition que vous acceptiez de les leur fournir. Si vous n’acceptez pas ce deal implicite, il vous suffit de ne pas vous connecter sur Facebook. Idem pour les outils de self monitoring, les assurances auto aux prix variables en fonction des kms parcourus, etc.
        Je ne dis pas que ce deal est ou non bien équilibré. Je dis juste qu’il repose sur la libre acceptation.

  • Les données personnelles ne peuvent être utilisées par une entreprise à des fins commerciales.
    J’ai pris orange pour installer une ligne, j’ai été automatiquement inscrite sur l’annuaire des pages blanches. J’ignore complètement qui gère ces données.

  • Un droit de propriété sur les données semble difficile eu égard l’abusus qu’on attribuerait à un tiers : je vous conseille l’article de 2015 de Morgane Yaïche et de Fabrice Mattatia sur le sujet dans le Lamy droit immatériel.

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