Par Bernard Zimmern.
Le financement des startups est devenu le nouveau mode de l’actualité médiatique : pas de semaine où ne soit annoncée la création d’un nouveau fonds ou d’un nouveau site destiné à trouver les fonds de démarrage d’une startup, surtout s’il s’agit d’une startup dans le domaine informatique.
Les Suisses viennent même de créer un site de ce type à Saint-Gall dans la catégorie énigmatique des b-to-v.
Inutile ici de rappeler que l’informatique ne représente qu’une partie très minime de l’emploi créé directement. Aux USA, l’importance de l’informatique se situe moins dans les créations directes que dans les effets indirects, notamment l’amélioration de la productivité créée par ces innovations, même si au début de leur introduction, elles se traduisent par une disparition d’emplois comme c’est le cas pour la plupart des innovations majeures (comme la machine à vapeur ou la commande numérique des machines-outils).
Le point essentiel, qui ne semble pas avoir été perdu de vue par le ministre Emmanuel Macron, est de savoir qui sont les meilleurs truffiers, capables de détecter les truffes avant les autres et d’y mettre les fonds qui leur permettront de prospérer.
La question est d’autant plus d’importance que s’il est relativement facile à des experts moyens de déceler les innovations de perfectionnement secondaires, les innovations majeures, les innovations dites de rupture, sont très rarement détectées par les experts et, en particulier, par les experts qui servent les fonds de capital-risque.
La raison en est simple : un expert ou un gestionnaire de fonds aura beaucoup moins de réticences à investir les fonds à sa charge dans des perfectionnements secondaires dans un domaine où tout le monde investit car, s’il se trompe, il ne sera pas seul mais se sera trompé avec tous les autres gestionnaires de fonds ou experts.
Ainsi, par exemple, aujourd’hui, si un gestionnaire investit dans un fonds qui va réutiliser en le louant du matériel existant sur le style de toutes les startups à succès des dernières années comme Uber ou AirBnB et s’il se trompe et se « plante », il ne sera pas le seul à s’être planté, et il a moins de chances de se singulariser que s’il avait investi dans le secteur de la réparation automobile ou des cliniques qui ont été pourtant les secteurs ayant produit aux USA le plus grand nombre d’emplois nouveaux dans les vingt dernières années.
L’importance des truffiers, ceux qui vont utiliser leur flair pour investir au bon endroit est donc essentielle (inutile de rappeler les mésaventures de Galilée ou d’Einstein).
Or l’une des découvertes en ce sens majeures des trente années passées est que les bons truffiers sont les chefs d’entreprise qui ont déjà créé leur entreprise ou au en dirigent au moins une.
Ceci ressort de la plus grande et la seule enquête sur les Business Angels, celle de Robert Gaston faite en 1988 démontrant que les financeurs des startups sont à plus de 80% des chefs d’entreprise.
C’est aussi la conclusion qui ressort indirectement des enquêtes menées au Canada « Estimation de l’investissement individuel au Canada » (A. Ridding, pour le Gouvernement du Canada, 2005).
Il est utile de rappeler à cet égard la performance misérable de l’État dans cette détection, performance que les fonctionnaires vivant de ces fonds se gardent bien de publier et qu’il a fallu aller pêcher dans les arcanes d’internet ; la vérité s’échappe toujours quelque part, mais il faut la trouver.
Mais pour ceux qui partageront ce constat que les bons truffiers sont les dirigeants d’entreprise, et mieux encore s‘ils en sont les créateurs, la conséquence en est que cette expertise dans le choix des bons investissements ne peut se faire qu’à condition que se constituent des « grappes » d’entrepreneurs, et si l’on conserve précieusement les meilleurs d’une génération pour investir dans la génération suivante.
Si comme en France, on interdit à un entrepreneur d’investir dans les aventures entrepreneuriales des autres, il est clair qu’on tue la chaîne des truffiers.
Mais peut-être était-ce bien l’objectif afin que, dans le désert, apparaissent comme des sauveurs ceux qui viennent munis d’une gourde d’eau pour arroser un champ ?
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N’étant pas spécialiste en la matière, qqun pourrait-il m’expliquer ceci: « Si comme en France, on interdit à un entrepreneur d’investir dans les aventures entrepreneuriales des autres, il est clair qu’on tue la chaîne des truffiers. » ?
Merci
Je suis au Canada , je tente une réponse… si vos dividendes ou gains en capital sont hyper taxés, il ne vous reste plus grand-chose à investir ailleurs…
Par ici, les Business Angels et VC les plus visibles, les plus actifs et qui réussissent le mieux sont tous:
-d’anciens cadres supérieurs et plus souvent d’anciens « executives » qui se sont enrichis grâce à leurs parts, actions ou stock options dans les entreprises ou ils travaillaient
-des entrepreneurs ou des chefs d’entreprise
La fiscalité sur les dividendes est légère et beaucoup plus favorable que la fiscalité sur les salaires
Encore plus sur les gains en capital ou l’impôt est plafonné à 25%
Le système est fait pour encourager l’entrepreneuriat
Le système encourage par voie de conséquence le Venture Capital. Les meilleures truffes sont des gens de terrain.
L’état en France en empêchant l’entrepreneur de pleinement s’enrichir, ferme la porte à un investissement efficace dans la forêt des startups.
Mais bon en France la BPI s’occupe de vous. 😀
Je viens de me relire: » Les meilleures truffes » 😀 😀 Il fallait lire « les meilleurs truffiers » Quelle truffe je fais!
Gains en capital= « capital gains »= Plus-values en bon français je crois.
Stef
Les bénéfices réinvestis sont taxés de la même façon que les bénéfices pris.
Il ne faut pas chercher, comme notre gouvernement, à repérer les truffiers, voire à s’y substituer. Il faut donner les moyens aux bons truffiers de se développer par leur réussite et de supplanter les mauvais ou les moins bons. Il faut donc surtout éviter que l’état leur mette la main dessus (et dans la poche) : suppression des critères d’innovation ou de responsabilité sociale, de l’imposition des plus-values, etc.
Cher Monsieur,
Me permettez vous de publier votre article dans le n. 16 de la revue trimestrielle Convergence, publiee par la CCEF(Compagnie des conseils et experts financiers).
Avec mes remerciements.
Le numéro 16 de Convergence est consacré au financement des entreprises. Vous pouvez consulter les anciens numéros sur le site http://www.ccef.net