Taxis du passé, taxis du futur

Le corporatisme ne résistera pas aux exigences du progrès et du marché.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Manifestation des taxis contre Uber à Londres (Crédits : David Holt, licence CC-BY-SA 2.0), via Flickr.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Taxis du passé, taxis du futur

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 31 juillet 2015
- A +

Par Jacques Garello.

Manifestation des taxis contre Uber à Londres (Crédits : David Holt, licence CC-BY-SA 2.0), via Flickr.
Manifestation des taxis contre Uber à Londres (Crédits : David Holt, licence CC-BY-SA 2.0), via Flickr.

Sur la forme, comment admettre que des centaines de milliers de Français soient victimes de grèves, manifestations et actes de vandalisme ? La protection des personnes et des biens devrait être assurée par l’État, puisque c’est sa seule mission. Mais l’État, une fois de plus, montre son incapacité à assumer ses tâches régaliennes. Pourquoi lui concéder le monopole de la violence si la violence privée se déchaîne impunément à tout propos : cheminots, paysans, routiers, pilotes, contrôleurs aériens, enseignants, écologistes, etc. ?

Sur le fond, il est difficile de prendre position pour ou contre les taxis, car eux-mêmes sont prisonniers d’un système qui leur a accordé un privilège en voie de disparition, qu’ils le veuillent ou non.

Le privilège s’appelle permis spécial pour les conducteurs et licence pour les « voitures publiques » (autorisation de stationnement) : la profession est fermée, la concurrence est limitée. Ce privilège se justifiait-il à l’origine ? Plusieurs thèses s’affrontent. Les uns évoquent à l’origine la crise des voitures à chevaux quand l’automobile est apparue. Les autres ont évoqué la sécurité des personnes transportées et la régulation de la circulation urbaine. Enfin, comme tous les privilèges, il finit par être considéré par ceux qui en bénéficient comme un droit social et la corporation exerce une pression permanente sur les gouvernants pour le protéger, voire pour l’étendre. La pression est d’autant plus efficace que les chauffeurs de taxis sont tenus, à tort ou à raison, pour des prescripteurs d’opinions ; de bons agents électoraux pour les élus et les partis.

Les taxis arguent essentiellement de leur droit de propriété. Ils ont payé pour exercer leur métier : la licence fait partie de leur patrimoine, nul ne peut les en dépouiller. Cet argument est surtout recevable pour les titulaires des licences et l’est moins pour les chauffeurs salariés par des personnes ou des sociétés qui ont investi dans une activité qu’elles ont estimée lucrative. Parmi les manifestants, il y avait certainement des artisans taxis, mais aussi des salariés inquiets pour leur emploi.

imgscan contrepoints 2013324 taxiLa valeur des licences achetées va-t-elle disparaître avec l’évolution actuelle de la profession ? Les propriétaires doivent admettre d’une part que le prix de leur premier investissement a déjà été largement amorti par les résultats de leur exploitation. On peut rentrer dans ses frais en quelques mois d’activité et, d’ailleurs, l’amortissement de la licence est accéléré par le fisc, diminuant ainsi le poids de l’impôt sur les profits. Une fois l’amortissement assumé, le revenu de la licence est une rente d’État. Cette rente peut, encore aujourd’hui, se gonfler par les plus values de revente, aussi longtemps qu’il y aura moins d’offres de licence que de demandes. Or, c’est la réglementation de l’État et des municipalités qui fixe la quantité d’offres.

Tout ce système élimine ou réduit la concurrence ; il s’intègre dans un ensemble de monopoles ou de positions dominantes qui régissent quantité de professions en France. Faut-il rappeler que le rapport Rueff-Armand en 1959 en avait dénombré plus d’un millier, allant du pharmacien aux grandes surfaces, en passant par les bars-tabacs et que, cinquante ans plus tard, le rapport Attali faisait le même décompte ? La France est un pays où l’on fait peu cas de la liberté d’entreprendre, et c’est sans doute l’une des causes de la sclérose qui nous frappe aujourd’hui : victoire du statut sur l’entreprise.

Là-dessus voilà que l’octroi et la protection des privilèges par l’État deviennent de moins en moins efficaces et les clients de l’État sont de plus en plus mécontents. La perte d’efficacité provient et de la mondialisation et de la révolution du numérique. Toutes deux effacent les frontières nationales, multiplient les concurrents potentiels et, à ce jour, nulle réponse technique ne peut canaliser le flot de ceux qui veulent offrir leur service. Les compagnies de chemins de fer elles-mêmes sont atteintes par les commodités du covoiturage et envisagent d’organiser elles-mêmes le covoiturage avec des services de minibus dont la souplesse viendra compromettre encore la position des taxis.

Dans ces conditions, il faudra que tous les prestataires s’alignent sur les exigences du client : le prix, le confort, la sécurité, l’indépendance, le respect de la nature et toute idée saugrenue qui passera par la tête de ces consommateurs imprévisibles. Seule la créativité des producteurs permet de gérer la concurrence. C’est le rappel d’un principe de base de l’activité économique : le producteur est au service du consommateur, il n’a de rémunération qu’en relation avec la satisfaction qu’il apporte à la communauté. Taxer les taxis est une formule révolue. Libérer le transport individuel des personnes est la formule de l’avenir, d’autant plus que le besoin pour ce service ira croissant avec une population vieillissante, une circulation saturée et un savoir technique permanent et diffus.

Sur le web

Voir les commentaires (4)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (4)
  • le principal intérêt d’un licence est d’éviter une ‘guerre civile’ entre fournisseurs de service.. pas aussi simple que cela de gérer une activité libérale surtout comme ‘taxi’, tout le monde peut l’être !

  • « On peut rentrer dans ses frais en quelques mois d’activité et, d’ailleurs, l’amortissement de la licence est accéléré par le fisc, diminuant ainsi le poids de l’impôt sur les profits. »
    L’article partait plutôt bien mais là vous faites une grosse erreur Mr Garello, une licence ne s’amortit pas fiscalement, renseignez vous mieux avant d’écrire de tels articles !!

    Bien que je sois entièrement en accord avec vous sur la libéralisation du secteur, je crois que cette licence est un vrai fardeaux pour les taxis puisque justement elle ne s’amortit fiscalement et que vous devez payer des charges sociales sur votre investissement, seuls les intérêts sont déductibles.

  • Libérer le transport individuel des personnes est la formule de l’avenir, d’autant plus que le besoin pour ce service ira croissant avec une population vieillissante, une circulation que les décisions doctrinaires malthusiennes des municipalités rendent actuellement saturée et un savoir technique permanent et diffus.
    Cela conduit logiquement à la diminution de la part des transports en commun tels que transporter 5 personnes avec un véhicule qui pèse 50 fois le poids de ces 5 personnes, soit une énorme gabegie environnementale et économique. Cela conduit à des véhicules plus légers et souples, à l’avenir automatisés pour déplacer les personnes trop vieilles, handicapées ou occupées.

    • « Libérer le transport individuel des personnes est la formule de l’avenir »
      J’ai envie de vous dire pas seulement le transport, c’est certainement emblématique du mal français mais si vous libérez un secteur sans libérer toute l’économie et surtout sans réduire le poids de l’état, ça ne fonctionnera pas.

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par la magie d’un coup de plume dont ils ont le secret, les législateurs new yorkais ont simplement triplé le salaire des 65 000 livreurs de la ville.

Les populaires plateformes Uber Eats, Doordash et Grubhub seront maintenant forcées de les payer 17,96 dollars de l’heure (puis 19,96 dollars en avril 2025), alors qu’ils ne gagnaient en moyenne que 7,09 dollars de l’heure.

En effet, le jeudi 28 septembre 2023, le juge par intérim de la Cour suprême de l’État[1], Nicholas Moyne, s’est prononcé contre les entreprises après qu’elles... Poursuivre la lecture

10
Sauvegarder cet article

Durant l’été 2022, le journal Le Monde et des médias du Consortium international des journalistes d’investigation ont publié près de 120 000 documents mettant en avant les techniques de l’entreprise Uber pour contourner les lois et s’insérer dans le marché très fermé des transports publics particuliers de personnes. Le responsable des fuites, un ancien lobbyiste d’Uber entre 2014 et 2016 nommé Mark MacGann, a joué un rôle central dans les relations entre l’entreprise et les politiques.

Sur la base de ces révélations, une commission d’e... Poursuivre la lecture

Uber files
3
Sauvegarder cet article

Une nouvelle « affaire » agite le milieu médiatique : de 2014 à 2016 une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation publiée dimanche 10 juillet révèle qu'en coopération avec des lobbyistes, le ministre de l’Économie aurait pesé de tout son poids pour qu’Uber s’implante en France. Au cœur du « scandale », un deal entre Emmanuel Macron et Uber autour de la loi Macron 2 : en échange de l’abandon de la mise en place d’Uberpop, Emmanuel Macron a promis de faciliter les conditions d’accès pour devenir chauffeur de VTC. Il ... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles