Par Stéphane Montabert.

Premier des deux objets fédéraux proposés au peuple le 8 mars 2015, l’initiative “Aider les familles ! Pour des allocations exonérées de l’impôt” est promise à un destin incertain. Les premiers sondages lui donnaient un capital de sympathie conséquent mais celui-ci s’est érodé avec le temps alors que la date fatidique approchait, selon une trajectoire assez classique.
En Suisse, les allocations familiales sont actuellement fiscalisées, c’est-à-dire qu’elles s’ajoutent aux revenus et sont donc soumises à l’impôt. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas l’État qui reprend d’une main ce qu’il donne de l’autre puisque les allocations familiales sont financées par les entreprises. En revanche, l’emprise de l’État sur le système est bien réelle puisqu’il récupère 20% de cette manne.
L’initiative peut être abordée sur plus d’un plan – fiscal, éthique, politique – et différents thèmes se mélangent selon le point de vue adopté. Les lignes sont moins claires qu’on pourrait le croire. L’initiative est soutenue par le PDC, à l’origine du texte, et par une UDC dont on saluera l’absence de sectarisme. Tous les autres partis y sont opposés ; la gauche, sans surprise, mais aussi le PLR. La droite avance donc en ordre dispersé. De plus, même au sein de l’Union Démocratique du Centre le soutien est moins solide qu’il n’y paraît puisque le groupe des élus UDC au Conseil National avait commencé par rejeter le texte. La décision fut renversée par la base du parti réunie en congrès.
Comme souvent, l’argent est le nerf de la guerre. Défiscaliser les allocations familiales reviendrait à priver l’État d’environ un milliard de recettes fiscales. La somme paraît énorme mais donne aussi une idée de la façon dont l’administration ponctionne sans vergogne une aide sensée parvenir aux familles. Ramenée aux différentes strates étatiques, la pilule semble également bien plus facile à avaler. La Confédération récolterait 250 millions de moins sur un budget de 67 milliards, donc pas vraiment de quoi crier misère. Les cantons devraient quant à eux faire une croix sur 25 millions chacun en moyenne. Chacun décidera en son âme et conscience si les sommes en jeu mettent en danger la survie de l’administration…
Du point de vue des familles, en revanche, l’effet n’est pas du tout le même. Pour des foyers modestes une amélioration du revenu disponible d’une centaine de francs par mois peut faire une réelle différence. Par une ironie malsaine, les allocations familiales fiscalisées privent les familles de certains subsides par effet de seuil. En percevant des allocations familiales, certaines familles modestes deviennent soudainement “trop riches” ! Elles ne bénéficient alors plus de certains mécanismes sociaux ou alors seulement de façon affaiblie, comme les tarifs préférentiels pour les crèches.
Sachant que les fonctionnaires représentent l’essentiel de sa clientèle électorale, le PS était déjà contre l’initiative du fait de son effet potentiel sur le budget de l’État. L’idée que des familles riches s’en sortent mieux est un deuxième chiffon rouge pour le parti de gauche, à la limite de la provocation. L’argumentaire s’en ressent :
Au niveau cantonal, les familles riches pourraient facilement s’offrir une semaine de vacances grâce au cadeau fiscal, tandis qu’une famille moyenne devrait se contenter d’une visite au zoo.
Notons comme d’habitude le champ sémantique gauchiste dans lequel tout ce que l’État ne vous prend pas est un “cadeau” qu’il vous laisse, magnanime. Malheureusement ce n’est pas aussi simple. Toute famille soumise à l’impôt – cantonal ou fédéral – verrait ses impôts allégés ; soit les familles avec enfant, disposant d’un revenu annuel inférieur à 100’000 francs suisses, au nombre d’1 million sur un total de 1.15 million selon les chiffres du PDC. Parmi ces bénéficiaires certaines familles aisées y gagneraient effectivement un peu plus, mais dans la mesure du montant des allocations familiales, donc pas vraiment des sommes folles en premier lieu. Les socialistes ont le bon goût de ne pas préciser le genre d’hôtel que les “veinards” pourraient se payer…
Le PS n’hésite pas à jouer la carte de la jalousie et tend toujours le même piège à la classe moyenne : devrait-elle renoncer à des baisses d’impôts au prétexte que d’autres en profiteraient davantage ? Si la réponse est oui, alors aucune baisse d’impôt n’est possible, jamais. La jalousie a un prix.
Au milieu de ces batailles de chiffres l’argumentation du PLR laisse carrément à désirer : “aujourd’hui il y a assez d’instruments, de moyens et de possibilités pour soutenir les familles” et puis basta ! (Il en existe en fait un peu plus naturellement mais, par charité, j’éviterai de reprendre des arguments que les dirigeants du PLR semblent avoir cru bon de piocher directement dans les prises de position de la gauche.)
Le parti libéral-radical a sans doute en tête ses propres projets d’introduction d’une imposition individuelle mais évite d’entrer dans un débat de fond qui aurait pourtant eu un sens. La simple notion de diminution du poids de l’État dans la société civile aurait déjà dû susciter un soutien dans les rangs de la formation. Las ! Pas même une seule section cantonale pour sauver l’honneur.
En tant que libéral, la notion de subvention interpelle ; inscrite dans une loi, elle s’oppose ontologiquement à la solidarité authentique, qui ne saurait être que personnelle et individuelle. Ceci étant dit, les allocations familiales sont peut-être les “moins injustifiables” de toutes puisqu’elles visent spécifiquement à perpétuer la population sur laquelle elles s’appliquent. Leur uniformité et leur séparation d’avec la fiscalité habituelle les rapproche du “revenu vital minimum” défendu par certains libéraux.
Rien n’est parfait évidemment, mais de toute façon l’initiative du PDC ne vise pas à altérer le principe des allocations familiales, seulement sa fiscalisation. Si l’initiative passe, la classe moyenne y gagnera et l’État reculera – bien que fort modestement.
Il me semble que ces deux effets sont positifs et suffisent à soutenir cette initiative.
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Perso, en France elles ne sont pas fiscalisées, et je ne vois pas pourquoi. Pourquoi une famille qui touche X en revenus du travail est imposée sur X, et une autre famille qui touche Y en revenu du travail et Z en allocations, sachant que y+z = x, ne serait, elle, imposée que sur Y?
c’est ridicule.
Solidarité, égalité, nos politiques ne connaissent que ces mots mais pas leur sens !! Aucun centime versé par l’état, aucun avantage en nature pour qui que ce soit doit échapper à la pression fiscale et sociale. Tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit, sauf en France !!!!
@ Philippe913
Ce qui est ridicule, c’est que z provient déjà des prélèvements sur x, y, et y+z…
Tout le système redistributif de l’Etat est une aberration, et que telle redistribution soit plus ou moins aberrante que telle autre ne change rien au final que le tout soit une aberration.
Si l’UDC soutient avec raison l’initiative, ce n’est au final que parce qu’il s’agit d’une réduction d’impôt, et que toute réduction est bonne à prendre pour améliorer la condition de l’ensemble de la population…
Vous connaissez le système PONZI ? Il est pratiqué par notre Etat notamment pour les retraites du Privé ; moins de cotisants oins ou suppression des retraites !
Le problème est mal posé : celui qui a des gosses les élève sans nécessité d’une aide pour cela. S’il n’a pas les moyens il n’en fait pas. Principe de responsabilité. Point barre.
Pas d’aide et on ne se pose plus la question de savoir si elle est fiscalisée ou pas.
Ca c’est une position libérale. L’état ou les entreprises n’ont pas à s’occuper de ce qui se passe dans les slip des gens.
Un gros LOL sur “Par une ironie malsaine, les allocations familiales fiscalisées privent les familles de certains subsides par effet de seuil.” C’est trop triste…
L’Etat ne devrait pas avoir à s’en préoccuper.
Par contre, une entreprise peut tout-à-fait se soucier de savoir combien d’enfant à un employé et de choisir de le payer plus, parce qu’elle sait que cet employé a plus de frais que quelqu’un qui n’a personne à charge.
Oui bien sûr. Mea culpa.
Même si personnellement je n’irais pas travailler dans ce type d’entreprise.
Voilà… Toutes ne le feront pas non plus.
Mais il faut bien se rendre que la plupart des mesures étatiques qui sont approuvées par une majorité de la population se retrouveraient également en majorité dans le privé si l’Etat ne s’en mêlait pas.
Pas sûr.
Quand une entreprise accorde des avantages différenciés (ou pas) c’est pour attirer des talents. Est-ce que le talent est proportionnel au nombre de gosses ? Pas sûr, ça pourrait même être l’inverse, principe de responsabilité mais à voir.
L’état le fait par rapport à une politique familiale. L’entreprise le ferait s’il y avait un intérêt fiscal mais certainement pas pour du social qui est plutôt le rôle des syndicats, CE… etc… donc ça dépendrait de leur poids…
Ce ne sont pas les nouveaux talents qui permettent à une entreprise de subsister, mais les talents qui sont déjà en son sein et qui lui ont permis de devenir ce qu’elle est. La survie d’une entreprise passe d’abord par le maintien de ses talents.
Or un employé voudra rester dans une entreprise qui va lui garantir non pas un salaire, mais un niveau de vie. Ainsi un homme qui espère devenir père un jour va privilégier une entreprise qui lui permettra d’avoir au moins le même niveau de vie célibataire que père de famille… Et comme de très nombreux hommes sont dans ce cas de figure, le marché s’adapte… Ce n’est pas du social, mais de la simple logique économique…
Et les personnes qui ne compte pas avoir d’enfant iront voir ailleurs, ie dans une entreprise qui peut offrir de meilleur salaire parce qu’elle n’a pas à prendre en charge ce genre d’aide. A l’inverse ceux qui compte avoir des enfants (et surtout ceux qui compte en avoir beaucoup) seront prêt à faire des sacrifices pour aller dans une entreprise qui offre ce genre d’avantage. Et puisque l’essence du système est de faire payer ceux qui n’ont pas d’enfant pour ceux qui en ont, le système n’est pas viable autrement qu’à la marge.
@ Arn0
L’essence du système est d’offrir des talents en échange d’un niveau de vie. Voilà pourquoi, il comporte déjà en lui-même une dimension sociale incontournable et ce, sans intervention de l’Etat.
Un exemple plus simple à saisir: à compétences égales et pour le même travail, une personne n’aura pas le même salaire suivant la région où elle vit. Une caissière qui habite dans une région très chère, touchera un meilleur salaire qu’une caissière qui habite dans une région très bon marché, mais n’aura pas un niveau de vie très différent, car sinon tous les caissiers et caissières émigreraient dans le pays qui lui offrirait un niveau de vie radicalement meilleur…
Par ailleurs, dans un système libre, une personne qui n’a pas d’enfants à charge pourrait facilement avoir ses parents ou ses grands-parents à charge.
Dans les contraintes de notre monde, il y a un tas de gens qui n’ont pas les moyens de vivre sans aide, c’est pour cette raison que si l’Etat n’intervient pas là-dedans, ce sera le marché qui s’en occupera d’une manière ou d’une autre. Cela peut être via décision directe d’un patron au niveau du salaire, via des systèmes d’assurances, via des fondations, ou comme c’est souvent le cas, par l’action conjointe de toutes ces possibilités.
Au niveau cantonal, les familles riches pourraient facilement s’offrir une semaine de vacances grâce au cadeau fiscal,
Une famille riche … sans enfants, peut-être
Flat tax now avec un abatement de 10,000 CHF par efant et basta…Ou mieux une taxe sur la consomation et un reborsement equivalent aux taxes payées par les plus modestes sur leu consommation ( fair tax)…