Après son échec à la présidentielle : Marzouki, un Zemmour tunisien !

Présidentielle en Tunisie : le président sortant Moncef Marzouki a reconnu hier sa défaite et félicité le vainqueur Béji Caïd Essebsi.

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Moncef Marzouki Human Rights Council Credit UN Geneva (Creative Commons)

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Après son échec à la présidentielle : Marzouki, un Zemmour tunisien !

Publié le 23 décembre 2014
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Par Farhat Othman

Moncef Marzouki Human Rights Council Credit UN Geneva (Creative Commons)

Les résultats officiels de la présidentielle en Tunisie sont tombés : l’ancien militant des droits de l’Homme, M. Moncef Marzouli, président sortant, est largement battu. Comment expliquer une telle descente aux enfers ?

De fait, un parallèle peut être trouvé avec Éric Zemmour. En effet, le dernier livre de ce dernier a été jugé par certains comme ayant des relents de racisme et de xénophobie et par d’autres comme soulevant les problèmes réels de la société française.

Pour ma part, je pense qu’il a eu le tort de jouer le vaniteux, tels ceux qu’il a dénoncés dans son précédent livre, leur élevant un bûcher. Or, c’est ce que nous avons eu en Tunisie en la personne de Moncef Marzouki qui sort de Carthage par la petite porte même s’il a réussi à séduire certains par un discours de mensonges, manichéen et manipulateur.

Du cabotage intellectuel

Comme l’intellectuel français, Marzouki se présente en esprit libre et assume ses mensonges, les présentant comme inévitables en notre monde où la pratique politique est gouvernée par un cerveau reptilien privilégiant l’apparence à la réalité, arrangeant la réalité selon la loi du moment, donnée pour vérité.

Il croit cela nécessaire pour briser les fers des certitudes instillées dans une opinion publique qu’on forme grâce au pouvoir de l’argent.

Cela est vrai, mais ne relève pas moins de la basse eau où se plaît la pensée quand elle n’est plus hauturière, limitée au cabotage intellectuel. On veut ainsi passer pour un agitateur d’idées quand on ne fait que s’agiter, faisant murmurer d’admiration la masse des dévots, ces suiveurs qui forment les foules en notre âge des foules.

Comme le rappelle mon maître Michel Maffesoli dans un billet sur Zemmour dont je m’inspire volontiers ici, Rousseau parlait de « séquelle dévote ». Ce connaisseur de l’âme humaine ne désignait ainsi rien d’autre que la foule qu’il importe de faire s’extasier devant l’esprit supérieur de la magnifique araignée qui la manipule, la prenant dans ses filets telle la mouche.

Et on croit qu’un pareil comportement de fronde intellectuelle est de bonne guerre en nos temps obscurs où les élites coupées des masses se prennent pour des bien-pensants.

Une doxa politique exclusiviste

Certes, plus que jamais, la nécessité du débat est nécessaire, cette « disputatio » qui brise le conformisme logique à la base du refus du monde tel qu’il est et non telle que la morale, qui est aussi moraline en politique, veut qu’il soit.

On ne sait que trop cependant que les horreurs de l’humanité tiennent dans le refus d’autrui comme soi-même, le vivre-ensemble commençant d’abord avec le différent, absolu. Ce qui a donné les inquisitions religieuses et politiques voulant ériger sur terre la cité de Dieu ou le meilleur des mondes.

Tout comme Zemmour, Marzouki ne s’embarrasse pas de préjugés éculés, excluant de la communauté de la tunisianité – une communion émotionnelle hédoniste et humaniste – ceux qui rompent avec sa doxa politique exclusiviste pour n’avoir pas l’odeur de la meute intégriste l’entourant.

Tenant ce discours, Marzouki s’est trouvé déphasé par rapport au cours de l’histoire que notre peuple éveillé et mature a su distinguer, celui attestant que sans mal, il n’est pas de bien, la part du diable cohabitant en l’homme avec sa part d’ange.

La sclérose des institutions

Il n’empêche qu’un tel discours a ses auditeurs, tout comme le livre de Zemmour a ses lecteurs. L’un et l’autre soulignent le fossé séparant le monde officiel politique et celui officieux du peuple et la déconnexion des élites amenant les masses populaires à faire sécession, secessio plebis antique toujours d’actualité.

Il ne s’agit pas ici du peuple des villes, des sondeurs et politiciens, plutôt du peuple réel des bourgs et villages, la steppe toujours frondeuse en Tunisie. Or, pour être moins policé, aseptisé dans son comportement, il n’est pas moins authentiquement tunisien.

Naguère, Brecht raillait de telles élites incarnées par Marzouki, suggérant de « dissoudre le peuple » s’il vote contre le gouvernement. Cela a dû tenter le président sortant, s’accrochant à un espoir inexistant de ne pas perdre la présidentielle, synonyme de dramatique évanouissement du rêve de sa vie : être à Carthage.

On est en postmodernité qui marque la faillite des institutions sclérosées de la modernité, et la Tunisie en est une expression basique. Or, l’une des nécessités de cette époque de la puissance sociétale prenant le pas sur le pouvoir institué est celle de la circulation des élites, comme dirait Pareto, une organicité supposant le retour à l’humus qui fait l’humain, loin des ors des palais.

Car le peuple est aujourd’hui le creuset de la politique saine malgré ou à cause de tout ce qui déplait en lui à l’esprit conformiste. Le réel populaire postmoderne est tout autant fait de tribalisme et de nomadisme, d’hédonisme et d’érotisme, d’impertinence et de verdeur et viridité.

Ronron de la pensée émasculée

On doit tenir compte de tout cela qui est dans notre peuple. Marzouki n’ayant pas su le faire a perdu, mais son adversaire l’a su avec par exemple, sa position sur les stupéfiants ou le droit à la nudité, contrepartie de celui de se couvrir des « niqabées ».

Le dogmatisme d’antan n’a plus prise sur le réel populaire ; l’islam officiel est en échec face à l’islam populaire ; le soufisme en Tunisie prend ainsi sa revanche sur le salafisme, produit de la routine d’une philosophie islamique qui fut pourtant brillante, déclinant dès qu’elle s’est contentée de réponses préétablies.

C’est ce que fait Zemmour, aveugle au réel, pliant sous le faux principe de réalité ; c’est ce qu’a fait Marzouki, aveuglé par le pouvoir, luttant contre des moulins à vent. Les deux, se présentant en libres penseurs, n’ont pas réalisé qu’au lieu de poser les questions réveillant des somnolences ont apporté des réponses ne se distinguant nullement du ronron de la pensée émasculée qu’ils dénonçaient.

Ainsi, Marzouki bien que capricant, n’a pas su incarner l’effervescence du peuple qui a trouvé sa traduction dans la pensée égale et mesurée de son adversaire. Désormais, il appartient à celui-ci de lui donner tout son prolongement en allant à la rencontre du vif désir de changement du peuple, abolissant les lois niant ses libertés privées, toutes ses libertés et toutes ces lois.

Ainsi, la Tunisie fera modèle, perpétuant l’exemple d’une terre où le commerce, non seulement des biens, mais aussi et surtout des idées et des affects, y sera célébré étant au fondement du vivre-ensemble qui sera aussi en Tunisie un être-ensemble.

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  • Vous devriez revoir la définition du mot « raciste », ce qui vous épargnerait vos long monologues…

  • Assez diaboliser Zemmour et ne prenez pas les gens pour ce qu’ils ne sont pas. Ils sont capables d’écouter une analyse et se faire une idée du pour et du contre.
    On veut interdire en France ce et ceux qui sortent d’une certaine ligne prédéfinie. » Attention, il ne faut pas que le « peuple » ait accès à ces commentaires et ces analyses. Interdisons tout simplement leur diffusion. »
    Malheureux tout ça! Et rien de bien n’en sortira.

  • C’est en effet étrange ce parallèle avec… Zemmour. Si votre sujet est l’élection présidentielle en Tunisie… que vient faire Zemmour dans cette galère ?

    Envie de hurler avec les loups ? Ou simple coquetterie ?

    Au lieu de cela, vous devriez analyser les résultats, dans le détail. Qui a voté pour qui où ?

    Conclure comme vous le faite que la Tunisie est sortie d’affaire et que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes c’est aller trop vite en besogne.

    Marzouki a « quand même » obtenu 44,32 % des suffrages.

    Quid du taux de participation ? … 60 %.

    En clair les islamistes demeurent que cela vous plaisent ou non… la deuxième force politique du pays.

    Les législatives datent de 2 mois… on va voir comment Nidaa Tounès va gérer le pays… sans majorité absolue.

    Bref, les islamistes sont là.

    • C’est marant, vous n’avez sûrement pas dit cela pour la première election en 2011 quand les islamistes l’avait emporter.C’est ce que l’on appel: voir le verre à moitié vide.Je vous rapel qu’ennahda aussi n’avait pas la majorité absolut en 2011 mais sa aussi vous ne l’avait pas fais remarquer.Quand à nidaa, ne vous inquiétez pas pour eux ils vont former une coalition avec d’autre partie pour obtenir une majoriter et donc pouvoir gouverner.

  • Bonjour et merci pour vos réactions.

    @ MDR
    Non, cher ami, je ne verse pas dans la facilité. Raciste ou pas, ce n’est pas ce qui m’importe chez Zemmour; mais plutôt son côté faussaire des valeurs; et c’est en cela que je lui trouve une similitude avec Marzouki.

    @ Randy C.Kay
    Cher ami, je ne diabolise ni Zemmou ni Marzouki, je fais un parallèle entre la pensée de chacun qui fait fausseté d’une certaine vérité au lieu de faire leur devoir qui consiste à comprendre et expliquer les choses déjà fort complexes pour le commun des mortels.
    Justement, je m’adresse à l’intelligence des gens qu’un Marzouki comme un Zemmour négligent, les prenant pour des idiots. Je suis contre l’interdiction des idées qui dérangent, car la démocratie est dans l’impertinence; mais je suis aussi contre les faussaires et je le dis.
    Qu’il s’agisse de Marzouki ou de Zemmour, je suis en « divergent accord », pour citer mon maître Maffesoli auquel je me réfère dans l’article, reprenant même certaines de ses savoureuses expressions.

    @ jean
    Cher Monsieur, ce qui est étrange, car peut-être étranger, n’est pas moins digne d’être dit et écouté; ne nous faut-il pas sortir des sentiers battus et du conformisme logique ?
    Ce n’est pas parce que je rappelle la nature animale de l’homme, et même la part d’humus en lui, que je me laisserais aller à hurler avec les loups. Je laisse cela à la meute de ceux qui s’y complaisent, pratiquant plutôt une pensée hauturière. Si toutefois, par loup, vous référez au poisson comestible ou encore mieux à la constellation traversée par la Voie lactée, alors la coquetterie viendrait de vous.
    S’agissant des résultats des élections et de leurs enseignements, ils sont faits par ailleurs et continueront à être faits. Pourquoi donc vous érigez-vous en père Guillotin de la pensée libre et diversifiée? C’est avec une telle obstruction intellectuelle que vous comprenez mal la subtilité des propos.
    Je suis loin de dire que tout est bien dans le meilleur des mondes (ce que je dénonce dans l’article), mais bien plutôt que la Tunisie est en chemin et dans la bonne direction. Il reste bien évidemment à faire ce chemin; c’est à quoi on s’attelle en l’accompagnant et en le préparant.

    • La logique n’a rien de conformiste.

      Je ne vois pas en quoi chercher l’originalité, ou les effets de manche, enrichirait l’analyse.

      L’analyse est lié à la logique.

      La poésie, c’est bien, mais c’est autre chose.

      Idem pour la « subtilité ». Je ne cherche pas à être subtil. A quoi bon ? Ici, les choses sont claires, binaires même.

      Votre candidat, et son parti, ont gagné les législatives et les présidentielles.

      Mais mal.

      Sans majorité absolue.

      Premier bug. Et premier coup de butoir à la « subtilité »….

      Quant à l’avenir, je vous concède qu’il n’est pas écrit.

      En revanche, l’histoire nous l’enseigne… entre un poète subtil et un politicien retord… c’est le second qui gagne toujours.

      Cet enseignement historique s’applique parfaitement au monde musulman… dans lequel c’est toujours le plus « pur », le plus « musulman » qui l’emporte. Aux dépens des plus « modérés », qui eux, finissent toujours… sous la…. guillotine.

      Mais vous vous réjouissez, et c’est tant mieux.

      Toutefois, la logique, le bon sens (pardon) commandent de rester moins subtil que sérieux. Et sur nos gardes.

      Malgré la mythologie à la mode, la Tunisie était, est, et demeure un pays… musulman. Comme les autres.

      Je sais, ce n’est pas agréable à lire.

      Un pays capable de basculer, les chiffres le prouvent, vers un côté qui n’a pour le coup rien de « subtil ».

      Le dire ne signifie pas qu’on le souhaite bien entendu.

      Mais ici la poésie n’a pas sa place.

      Seule la froideur des faits, et celle de l’histoire, comptent.

      • @ jean

        Vous raisonnez comme on le faisait du temps de la Modernité; or ce paradigme est saturé, Spengler ayant annoncé le déclin de l’Occident et sa civilisation depuis longtemps.
        On est en Postmodernité et c’est la communion des affects et l’ère des foules et des sentiments débridés.
        Si le conformisme logique est plus que jamais partout, c’est qu’il est aux abois et que les nouveaux bien-pensants cherchent à survivre face à leur inéluctable fin.
        Il y a en effet une faim du nouveau paradigme en gestation dans le monde et vous semblez dans l’incapacité d’en tenir compte, sinon de la nier.
        Or, il ne sert à rien de refuser l’inéluctable fatalité. Ainsi va l’histoire !
        Pour votre gouverne, je n’ai pas de candidat et je n’ai pas participé tout simplement aux élections pour les raisons indiquées sur le Net. Mon seul candidat est mon pays et je ne cogite pas pour ou contre qui que ce soit, mais d’après ce que je constate de réel chez le peuple de la Tunisie profonde avec lequel je suis en constant contact, pour ne pas dire totale fusion.
        Et contrairement à ce que vous affirmez pompeusement, aveuglé par votre dogmatisme, la Tunisie n’a jamais été que musulmane; le peuple l’est aujourd’hui majoritairement, mais cela ne traduit pas moins sa diversité intrinsèque dont je parle abondamment ici et ailleurs; car l’islam est bien plus pluriel que votre pensée.
        Documentez-vous avant de dire des bêtises, cher ami. Cela n’est plus acceptable en un temps où tout est à portée de souris.
        Pour terminer, vous qui vilipendez la poésie, je vous conseille de lire les scientifiques qui en parlent, comme celui de La Poétique de l’espace.
        Bonne réflexion !

    • A par vous, qui parle de Zemmour ? je vous parle de racisme et de la signification du mot et… vous me parlez de Zemmour.

  •  » la nécessité du débat est nécessaire  »

    Cette phrase résume la clarté de votre pensée.

    • @ hippolyte canasson

      Cher Monsieur,
      Vous pratiquez l’argument ad hominem par excellence.
      Sachez que je revendique l’erreur comme marque d’humanité, l’humain ne pouvant être parfait, surtout que je réagis spontanément et sans me relire.
      Merci d’avoir relevé ce trait de docte ignorance qui participe du vrai savoir, le savant étant l’ignorant qui apprend tout le temps.
      Mais qui sait, c’est peut-être un robot et non un humain qui a relevé ce que vous signalez comme erreur; car c’est sa fonction même !

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