Union européenne – Tunisie : diplomatie du phylactère

La diplomatie entre l’Union européenne et la Tunisie ne règle pas les problèmes, et tout particulièrement ceux de la Tunisie.

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Union européenne – Tunisie : diplomatie du phylactère

Publié le 9 août 2023
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Le partenariat dit stratégique et global offert à la Tunisie par l’Europe n’est qu’en apparence un outil de saine gestion politico-économique. Déjà, il est nettement en recul par rapport à ce que proposait l’UE à la Tunisie avant 2011 : un statut d’associé ouvert à tous les avantages possibles, hors ceux dérivant de la qualité de membre de l’Union.

De plus, et surtout, il continue à bafouer l’un des principes cardinaux du libéralisme qui est la libre circulation sans entraves, tant des idées, des services et des marchandises que de leurs créateurs, les humains ! Bien pis, et on l’a vérifié aussitôt signé le memorandum d’entente, ce dernier ne fait que perpétuer les drames humains augmentant à cadence exponentielle du fait d’une cécité flagrante aux réalités, doublée d’un égoïsme ravageur.

Jusqu’à quand donc se satisfaire d’outils diplomatiques forclos, guère plus utiles, sinon en pur affichage politicien, devenus même criminogènes tandis que la solution existe bel et bien : le visa de circulation ? N’est-il pas temps d’avoir le courage politique et éthique d’oser recourir à un tel outil qui est la seule arme fatale contre l’immigration clandestine ?

Or, elle se situe au-delà d’une pratique actuelle en trompe-l’œil et d’esbroufe diplomatique, se résolvant, au mieux, en rite piaculaire en temps de crise, et relevant invariablement de ce qui ne serait qu’une diplomatie du phylactère. Il s’agit d’un jargon diplomatique fait de recettes obsolètes dont on use en guise de cette boîte carrée ou étui de cuir contenant un morceau de parchemin de versets des Écritures saintes, et avec lequel l’on s’illusionne de contrarier le cours du temps évoluant vers l’imbrication d’un monde inhumain en une plus grande solidarité en vue de davantage d’humanité, une mondianité.

Si le phylactère, dans la religion juive, se porte attaché au bras gauche ou au front, les diplomates aujourd’hui, d’Occident notamment, portent le leur aux quatre coins du monde, notamment dans les anciennes colonies de leur pays, prêchant la parole sainte d’une nouvelle religion. Au-delà des slogans creux, c’est celle du rejet d’autrui après l’échec patent à l’assimiler, mais non sans en avoir au préalable profité des richesses de ses terres. Ce dont on ne parle point, puisque l’on cherche désespérément à sauvegarder l’ordre injuste qui en est issu, faisant le malheur d’un monde qui n’a pourtant pas peu changé.

De la sorte, la diplomatie du phylactère est plus gardienne d’un ordre périmé que la gouvernance idéale dont elle cherche à donner l’apparence. Car dans l’étymologie grecque du vocable (phulaktêrion), il n’y a pas que le sens du  « talisman, relique, amulette », mais également   celui de « lieu de garde » et aussi « sentinelle » en dérivation de phulax du mot d’origine précité.

Plus que jamais, les vraies consciences éclairées sont ainsi interpellées par les scènes du calvaire de migrants subsahariens dans la fournaise à la frontière tuniso-libyenne, qui ont fait la dernière actualité des médias internationaux, jusqu’au quotidien du Vatican L’Osservatore Romano dont la terrible image illustre la chronique. Au lendemain du mémorandum d’entente entre l’Union européenne et la Tunisie, de tels drames inadmissibles ne font que révéler l’arrière-plan humainement désastreux d’un tel accord. Se disant juste et réaliste, il s’avère n’être qu’un condensé fâcheux du mépris croissant affiché par l’Union européenne à la situation dans les anciennes colonies européennes d’Afrique, qui furent à la source de sa prospérité.

 

Trompe-l’œil, esbroufe et rite piaculaire 

S’il est, de nos jours, une industrie, en son sens étymologique d’habileté et de zèle, dans laquelle excelle une dictature, c’est l’art de l’esquive et du trompe-l’œil, cet art étant alors décadent – au mieux baroque – et la dictature pas seulement hors régime démocratique, mais aussi celle qui y pousse en herbe folle, une dictature morale.

C’est ce qu’inspirent les récentes gesticulations diplomatiques avec la Tunisie d’une Union européenne livrée à sa hantise migratoire et l’illusion d’une citadelle voulue à l’abri de murs érigés sur les flots de la Méditerranée. Outre le Memorandum d’entente sur le supposé partenariat stratégique et global, Rome a abrité le 23 juillet 2023 une Conférence internationale sur le développement et la migration à l’initiative de la cheffe du conseil italien, entraînant dans son sillage la Commission européenne en ce qui ne serait qu’un coup de poker d’esbroufe et trompe-l’œil diplomatique.

Rappelons que la manifestation répondait à un appel du président tunisien qui incarne aujourd’hui une Tunisie de nouveau réduite à son seul président agissant solitairement, sans en référer à son peuple, comme le lui permet la nouvelle Constitution de 2022. Celle-ci, rétablissant le pouvoir d’un seul dans le pays, unique détenteur d’une vérité transcendante, a remplacé la Loi fondamentale issue du Coup du peuple de 2011, la supposée révolution du non moins supposé Printemps arabe, ayant fait banqueroute des espoirs populaires nourris à son avènement.

Bien que présentée être, par ses concepteurs, la meilleure du monde, elle était une pure vue de l’esprit ; surtout, elle est demeurée lettre morte, mort-née comme l’avait pronostiqué un membre influent du parti islamiste au pouvoir à l’époque, mais sans se départir le moins de son dogmatisme. C’est qu’il usait d’un double sinon quadruple langage éculé fait du meilleur bois d’ébène, ne trompant qu’un Occident nullement aveugle, mais ne voulant pas d’une autre réalité qui ne conviendrait pas à ses intérêts immédiats. Ce qui a donné un tel capitalislamisme sauvage.

Aussi, la Tunisie n’a pas tardé à réaliser ce que j’ai espéré être un contrecoup du peuple et qui ne fut qu’un coup de force institutionnel du président Saïed. Il a certes libéré le peuple du joug des politiciens qu’il rejetait, mais sans aller jusqu’u bout de la logique de son acte : libérer le pays de la dictature organisée par sa législation toujours en vigueur à ce jour. Pourtant, il n’a pas hésité à suspendre une Constitution se voulant le socle d’une démocratie naissante par une nouvelle se prétendant plus apte à concrétiser ses aspirations. Ce ne fut que trompe-l’œil doublé d’esbroufe politicienne.

En effet, comme sa devancière, la nouvelle Constitution ne semble être que décorative, négligeant l’essentiel dont ne voulaient pas les dirigeants de l’époque, ni leurs successeurs actuels : l’État de droit effectif et réel. Ce qui supposait de mettre à bas non seulement le dictateur et sa garde rapprochée, mais ce qui assurait son pouvoir et garantissait au système de dictature de sévir et de durer : l’arsenal juridique répressif et liberticide, scélérat même, étant pour l’essentiel une survivance de la colonisation.

On continue ainsi à relever de ce en quoi excellait la dictature : la pratique du trompe-l’œil et de l’esbroufe. Or, le monde déjà en crise est en cours de changement. Même la démocratie (que je qualifie de daimoncratie) y est désormais désenchantée – on le voit bien en France – et doit être refondée. La politique surtout, plus que jamais, se doit de retrouver ses lettres de noblesse loin du faux art de ruse alliée à l’emprise mercantile, financière, assainissant sa pratique politicienne de morale, muant en poléthique, selon ma terminologie.

À défaut, le cas échéant pour lisser les aspérités de la politique politicienne – et que cela soit de la rive sud de la Méditerranée ou la rive nord –, on a tendance à communier dans une même diplomatie à essence moins religieuse ou spirituelle que de religiosité, de superstition. L’on s’adonne alors volontiers en temps de drames aux prescriptions dogmatiques du rite piaculaire (du latin piacularis) auquel aboutit fatalement la diplomatie du phylactère.

Expiatoire ou expiateur, à travers la mise en spectacle des souffrances endurées, ce rite est pratiqué pour donner l’illusion de se purifier de ses péchés, les évacuer. L’on se sert surtout pour occulter ses turpitudes bien conscientes et assumées. C’est ainsi qu’à Bruxelles, à Tunis, à Rome, ces dernières semaines s’est-on employé à maintenir ou entretenir l’exclusion. Si l’on ne verse plus de larmes, on ne victimise pas moins ; seule l’identité de la victime change : la Tunisie pour l’Europe, les subsahariens pour cette dernière.

Des deux bords, pourtant, l’on se réclame du libéralisme ; or, le seul authentique est celui des droits et des libertés. Ce qui, pour la Tunisie, ne sera possible que dans le cadre d’un État de droit avec une société de droits. Pour l’Europe, c’est d’oser sa propre révolution mentale en arrêtant de recourir au rite piaculaire ou à sa diplomatie du phylactère.

Faire cesser les drames atroces issus d’une politique et d’une diplomatie dépassées et qui rythment l’actualité impose d’user de l’issue que nulle conscience digne de ce nom ne saurait plus snober et que je propose en diplomate averti des arcanes du métier. C’est une issue tout aussi fatale en termes d’occurrence que pour l’éradication de la migration irrégulière.

 

L’arme fatale contre la migration irrégulière 

La question de la circulation humaine, en une mer jadis commune transformée en charnier, est la meilleure illustration de la diplomatie sans lettres de noblesse ni éthique, impliquant trompe-l’œil et esbroufe en exercice constant, sinon fausseté, mensonge et rite piaculaire.

De part et d’autre de la Méditerranée, la diplomatie du phylactère – qu’elle soit du Nord ou du Sud – n’est qu’un usage méticuleux et sourcilleux d’amulette ou talisman pour conjurer le sort. Or, avec ce qui se passe en Méditerranée et sur les sentiers de la désespérance, il ne suffit plus de simuler les solutions fausses, dissimuler les vraies ; on ne peut plus se laisser aller à ériger en trompe-l’œil de la vérité et de l’évidence incontournable une pure performance de cirque. Le plus parfait numéro de jonglerie et d’esbroufe n’est plus possible ni même utile, ne serait-ce que pour sauvegarder l’apparence de foi en l’éthique à laquelle l’on tient en image de marque.

Le monde est à la dérive et si l’on ne change pas de politique, de diplomatie, les drames humanitaires sont appelés à y devenir incessants, incontrôlables. Aussi est à répudier l’actuelle diplomatie sans éthique, telle celle qu’illustre le récent marchandage proposé à la Tunisie pour l’UE.

Pareil acte éthique salutaire ne concerne pas que l’Europe, les pays du Nord ; la Tunisie est aussi concernée, elle qui pratique à merveille cette diplomatie sans âme. Ce fut, au demeurant, la raison de ma rupture avec elle et la dictature s’y adonnant avec ferveur. Mais c’est ce qu’on a continué à vérifier depuis 2011, au sujet de la libre circulation des Tunisiens, par exemple, l’usage du phylactère atteignant son paroxysme avec la gestion récente du calvaire des Subsahariens.

S’agissant de l’Europe, le phylactère diplomatique s’est matérialisé au discours d’ouverture de la manifestation de l’esbroufe tenue à Rome le 23 juillet. La présidente du Conseil italien y a assuré que la lutte contre les flux migratoires illégaux et contre les réseaux criminels suppose « un dialogue d’égal à égal, basé sur le respect mutuel entre l’Europe et les pays du sud de La Méditerranée ». Et c’était dit sans nulle vergogne ! De plus, même quand Giorgia Meloni a concédé qu’on ne peut ignorer la question des droits de l’Homme, affirmant que « la coopération régionale a prouvé qu’il faut être déterminé et décisif même dans les cas les plus difficiles, à savoir ceux qui nécessitent un équilibre entre la protection des droits de l’Homme et la protection de la souveraineté nationale », elle n’a dit mot sur les drames atroces récurrents. Il s’agit bien d’un recours manifeste au talisman de la langue de bois ! Jusqu’à quand aura-t-il de l’utilité, à défaut de la crédibilité, et peut-être déjà l’honneur, déjà perdue ?

Soyons clairs ! Le but affiché de la conférence était d’élaborer des projets à long terme et multilatéraux, notamment sur l’agriculture, dans l’espoir – sinon l’illusion – de fixer les gens sur leurs terres ; et donc faire face à la migration clandestine, cause et effet des réseaux criminels de traite des personnes. Pourquoi alors ignorer, et jusqu’à quand, la cause principale, si évidente, faisant que les gens préfèrent mourir en mer que de rester dans leur pays, à savoir l’impossibilité de circuler librement, ne serait-ce que pour une courte durée ? Et que cette raison majeure se double de la condition exécrable des droits et des libertés chez eux ?

On l’a déjà dit pour la Tunisie, les lois de la dictature et du protectorat y sont en vigueur, brimant le peuple, sa jeunesse surtout, tout comme du temps de Ben Ali. Ajoutons que la diplomatie tunisienne est toujours ainsi que j’ai qualifié le Tunisien dans ma trilogie l’Exception Tunisie : Zelig, le personnage de Woody Allen, s’adaptant à son prochain jusqu’à l’incarner par le menu. Ce qui se vérifie particulièrement dans ce qu’on s’obstine à qualifier d’immigration, alors qu’il n’y a plus qu’expatriation, mais circulation contrariée. Ce qui est criminel et immoral au moment où nulle frontière n’arrête une marchandise.

Adepte du phylactère, la diplomatie tunisienne n’appuie pas ce à quoi j’ai appelé dès le 14 janvier 2011 : la levée du visa. On rétorque, se mettant volontiers à la place des Européens, que l’on peine à obtenir le moins, des facilités et quotas de visas, pour demander plus, oubliant justement que, du moment que l’on sait défendre sa juste cause, il est impératif de demander le plus pour l’avoir et non plus seulement le moins.

Il est un argument majeur qu’on n’ose exciper pour fonder le droit à la libre circulation humaine en droit humain incontournable : appeler, comme je l’ai fait, à transformer le visa actuel en visa biométrique de circulation. Instrument fiable et sécurisé, il ne déroge à aucune des conditions de sécurité actuelles, sauf dans le respect de le liberté de circuler rationnellement. C’est la solution aux  drames que je préconise depuis si longtemps sans trouver nul écho. Pourtant, il ne s’agit pas de lubie, étant émanant d’un diplomate de carrière n’ayant pratiqué son métier qu’avec ses lettres de noblesse et l’ayant répudié aussitôt qu’il a versé dans les travers évoqués.

Outil parfaitement connu des chancelleries, en usage dans les relations interétatiques, au compte-gouttes toutefois, il maintient la condition impérative pour sa délivrance du prélèvement des empreintes digitales, mais offre une contrepartie à cette concession majeure à la souveraineté étatique. C’est la délivrance automatique et gratuite pour une durée d’une année au minimum avec renouvellement par tacite reconduction si les conditions de sa délivrance sont respectées.

Elles sont surtout dans le respect de l’obligation de ne pas se maintenir au-delà de la limite fixée de séjour dans l’un des États auxquels il donne droit d’entrée autant de fois que souhaité avec un séjour inférieur à trois mois maximum. Et il suffit d’une sortie du pays avant l’expiration de cette durée pour que la validité du visa ne tombe pas, étant possible de revenir aussitôt si la durée du visa le permet.

On voit à quel point cet outil est précieux à permettre et le respect des valeurs humaines et l’esprit du libéralisme, sans évoquer son intérêt à amener les clandestins à régulariser leur situation en y recourant, sa délivrance étant gratuite, de droit et sans formalités. Outre le boom que cela permettra au trafic passager avec des retombées financières compensant le manque à gagner du visa devenant gratuit. Un manque à gagner relatif puisqu’il permettra aussi de sérieuses économies avec l’arrêt des dépenses dispendieuses à Frontex et autres mesures grand-guignolesques érigeant un mur chimérique sur les eaux de la Méditerranée.

 

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