« L’État-voyou » de Caroline Brun et Marie-Christine Tabet

L’enquête proposée donne des exemples irréfutables et des arguments concrets sur le gaspillage étatique. Terrifiant.

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« L’État-voyou » de Caroline Brun et Marie-Christine Tabet

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 2 décembre 2014
- A +

Par Didier Maréchal.

voyouL’État-voyou est composé de quatorze enquêtes fouillées et documentées sur le labyrinthe étatique (notamment « L’État mauvais payeur », » Les arnaques de la sécurité routière », « Le désastre Louvois », « L’impunité en bande organisée »,…). Il en ressort une consternante anthologie des errements et défaillances, voire turpitudes des hommes de l’État. Le fidèle lecteur de Contrepoints n’a (généralement) pas besoin d’être convaincu qu’il est urgent de mettre à la diète notre État obèse et de privatiser ses fonctions non régaliennes.

Mais le premier grand mérite de ces investigations est de donner aux libéraux des exemples irréfutables et des arguments concrets à opposer aux étatistes de tout poil qui nous cernent (et nous oppressent).

Le deuxième est de constater que nous sommes, jour après jour, de plus en plus nombreux, à être conscients (mais aussi victimes) des dysfonctionnements de l’État, ce qui est très réconfortant par les temps qui courent. Il est aussi probable que les onze mille exemplaires tirés ne seront pas exclusivement lus par des libéraux patentés.

Que retenir de notable de ce livre ?

Ce qui frappe d’abord, c’est l’irresponsabilité face à ces faillites qui règne à tous les étages, de l’aveu même des… « responsables ». On se croirait dans la cour d’une école maternelle : « C’est pas moi qui a fait cette bêtise, c’est mon copain ! ».

Prenons un premier exemple. Le système informatique Chorus a été progressivement mis en place entre 2008 et 2012 pour gérer les dépenses de l’État (en remplaçant une quinzaine d’applications existantes). Dix pages y sont consacrées et retracent rapidement les grandes lignes de ce désastre. On y apprend notamment que les collaborateurs du Ministre de la Défense lui auraient caché les problèmes (notamment de retards de paiements des fournisseurs de plusieurs mois, dont certains ont déposé le bilan). Hervé Morin avoue néanmoins : « Les informaticiens nous disaient que cela allait marcher : ils bossaient pour des SSII payées à prix d’or ! Ce n’était pas un sujet politique, pour moi, c’était un sujet technique, maîtrisé par des experts ». No comment, par charité chrétienne !

La morale de cette histoire : la directrice adjointe de l’agence pour l’informatique financière de l’État à cette époque, a été promue directrice. Son ancien patron a été promu directeur des services informatiques de l’État.

Le deuxième exemple porte sur le fiasco du système informatique Louvois de gestion de la paie des armées. La mise en place, en 2011, est également calamiteuse, mais les principales victimes sont les militaires de carrière, qui sont pour certains payés avec trois mois de retard, pour des montants fantaisistes. Mais Bercy en est aussi victime car le logiciel génère trois fois plus de trop perçus que d’insuffisances de solde pour les militaires. Au surplus, beaucoup auront à gérer des discordances de déclarations d’impôt sur le revenu avec les services fiscaux. Pour « sourire », le DRH du Ministère de la Défense de l’époque a été élu manager de l’année 2011 pour la réforme de la Défense…, le ministre Le Drian enterre Louvois en décembre 2013 et engage la conception d’un nouveau logiciel de paie pour les armées.

Au total, ce livre fourmille d’anecdotes et de témoignages accablants qui donnent envie au lecteur de dynamiter notre État tentaculaire et, au mieux, inefficace, au pire nuisible. Il mérite donc d’être lu par tous les citoyens sensibles à ses ratages et désireux de réfléchir à une réforme libérale. Le reproche que l’on peut adresser aux auteurs, c’est qu’ils se bornent à leurs constats, certes édifiants.
Mme Brun indique ne souhaiter « donner de leçon à personne » (Le Figaro.fr du 3/10/2014).
Néanmoins, elle précise qu’il faut choisir entre le modèle libéral et le modèle social-démocrate, en suggérant que la France est entre les deux.

Or, beaucoup pensent que la France tend plutôt à se rapprocher, jour après jour, du système soviétique prôné par la gauche.

À ces remarques, Mme Brun m’a aimablement répondu :

« Merci de votre message ! Il nous va droit au cœur, car ce livre-enquête n’a pas été facile à faire.
Nous ne prenons pas parti sur le modèle souhaité, mais nous n’en pensons pas moins (pas forcément la même chose d’ailleurs, ma co-auteur et moi-même !).

Si notre reportage au cœur des services de l’État peut faire avancer la réflexion, et provoquer des passages à l’acte – en tout cas des réformes en actes, et non en paroles – nous en serions évidemment ravies. Nous pensions juste ne pas avoir de légitimité pour donner notre avis sur des sujets aussi fondamentaux. Notre légitimité, c’est plutôt de raconter ce qui se passe vraiment dans le cœur du réacteur – le fonctionnement de l’État. Bref, un travail de journaliste, ce qui est notre métier ! »

Dont acte. Et merci pour cet important et utile travail.


À voir : Caroline Brun et Marie-Christine Tabet parlent de leur ouvrage L’État-voyou (extraits d’une rencontre organisée par LThink Liberal.

  • Caroline Brun, Marie-Christine Tabet, L’État-voyou, Albin Michel, octobre 2014, 288 pages.


Didier Maréchal est expert-comptable et commissaire aux comptes.

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  • A lire, sauf que…ça me dérange que les auteurs ne prennent pas leurs responsabilités !

    C’est un peu taper dans le caca, en foutre de partout, et puis se barrer en courant.

    En effet, c’est factuel, l’État est un voyou, il le sait, et, il récidive.
    Souvent, il est bien d’approfondir les choses, de prendre position afin de solutionner les problèmes.

    Aujourd’hui, nous sommes à un autre coup d’essai. On dit, mais bon…ça va forcément continuer !

    C’est justement cette position entre deux et le fait que personne ne veuille nettoyer la merde des autres qu’il n’y a pas de solution. Et des cochons il y en a un paquet.

    Alors à quoi bon ?!

    • Moi, ça me dérange que personne ne prenne ses responsabilités, lecteurs en premier, mais je reconnais que je ne sais pas comment le faire de manière efficace.

      • Vous m’ecrivez ?
        Comment dois-je traduire votre message ?
        Ironique, pro ou contre e-moi…

        Un lecteur voyage dans le cadre d’un livre. Parfois avec un peu d’imagination il voit plus.
        J’ai toujours lu lentement, mais en couleur.

        De là à demander au lecteur de devenir acteur pour de vrai, on va attendre encore qqs siècles.

        Si vous voulez une manière efficace, copier les grecques:

        Au milieu d’une place publique, la main sur le cœur, et hop ! Vous voilà notre sauveur.

        • Ni pro, ni contre. Je comprends que vous puissiez être déçu que les auteurs s’arrêtent en chemin, je comprends que les auteurs, comme la plupart des lecteurs, ne se sentent pas d’autre capacité que d’écrire ou de lire. Je comprends et je déplore, mais voilà, ça n’est pas la bonne volonté qui manquerait, juste le savoir-faire.

          • Peut être que c’est juste un manque d’envie.

            Quand on veut en principe, ça marche.

            De là, je vous proposais (avec humour), mais c’est valable pour n’importe qui:

            Déclarer, parler aux foules en tant qu’homme, d’egal à égal, est parfois plus utile et efficace qu’un livre.
            Les hommes politiques ont ridiculisé cette démarche car ils mentent, ils sont mauvais.

            Mais je suis sur qu’une personne pure et honnête, avec un vrai discours libéral pourrait devenir une star en France. Juste une question d’envie (un poil d’intelligence et de réthorique aussi)

    • Rien est bon dans le cochon??

  • à lire sauf que….je suis déjà tellement écoeurée et révoltée par ce que l’on sait déjà sur ce millieu que j’ai peur d’être complêtement démoralisée et encore plus ulcérée ; or donc , j’estime que ces gens là ne méritent pas que je mette mon moral à dure épreuve ; zen je resterai ainsi ;

  • Je suis payé pour le savoir, un projet informatique gouvernemental est un cauchemar.
    À mon avis l’État devrait externaliser son système informatique de gestion, afin que son développement et son entretien soient entièrement gérés par le privé.

    • Plus simple:

      Un bon régime à l’Etat, on vire 50% des gens inutiles et/ou incapables.
      Le système à mettre en place coûtera lui aussi beaucoup moins….

    • La solution consiste surtout à simplifier ( car automatiser des milliers d’exceptions c’est difficile) car si j’ai bien compris ils avaient bien fait appel à l’extérieur ( privé). La solution de l’externalisation n’a de sens que si il y a assez de compétences en interne pour ne pas se faire avoir. Beaucoup d’entreprises délèguent l’informatique et ils se retrouvent avec des solutions complexes et pieds et mains liées avec un sous traitant et au final avec un coût supérieur. Le travail de simplification est à faire par l’interne ( approche qualité classique) mais il requiert du savoir faire pour les personnes qui managent le projet ( de la même façon un prestataire externe aura tendance à compliquer pour justifier son intervention)

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