L’État gère-t-il la dette publique comme Bygmalion ?

Poser une question pareille est un outrage à chef d’État ! Y répondre par l’affirmative est-il passible de l’échafaud ?

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L’État gère-t-il la dette publique comme Bygmalion ?

Publié le 25 novembre 2014
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Par Philippe Lacoude.

octopus sushi chef credits penniston (licence creative commons)

Il y a quelques mois, en tant que dangereux ultra-turbo-néo-libéral qui ne croit pas trop dans les mérites de l’État, j’ai osé suggérer ici que la « maturité de la dette est gérée […] avec une incompétence rare dans le monde de la finance ».

J’ai récidivé il y a quelques jours. Quand on vole le sac d’une vieille dame, la récidive ne coûte pas cher, mais là, on parle des sous du Trésor !

Un journaliste dont je tairai le nom, chef de la rédaction d’un grand journal de province, s’est emparé de l’affaire tout choqué qu’il était.

Quoi ? 7,8 % ? « La valeur moyenne historique du taux à 10 ans de la France semble complètement anachronique ! », dixit mon journaliste. Il n’y a donc pas de risque que les taux remontent puisque « les paramètres économiques et monétaires actuellement en vigueur en Europe et dans le monde changent complètement la donne » et que « les banques centrales ont une puissance de feu illimitée et à durée indéterminée… » La preuve ? « Sans même intervenir sur les marchés […] Draghi a divisé les taux par 3 ou 4 ! »

Non, vraiment, mes théories fumeuses reviendraient à dire que « l’Agence France Trésor qui gère notre dette sur les marchés est composée de traders qui n’y connaissent rien » et que c’est « faire passer les opérateurs de marchés pour des imb[…]es… »

 

Comment gère-t-on un passif bancaire ?

Avant de nous lancer dans la gestion de la dette publique, il est utile de parler de gestion bancaire.

Sans entrer dans les détails, qui peuvent être découverts ici sur Contrepoints, ou ici chez Jesús Huerta de Soto, ou ici chez Pascal Salin, observons quelques organismes financiers dont le passif total – ce qu’ils doivent à leurs prêteurs et à leurs actionnaires – est comparable à la dette publique française, soit 2040 milliards d’euros. Ils ne sont pas nombreux, JP Morgan Chase, HSBC, Fannie Mae ou Freddie Mac et quelques autres, mais ils existent.

Si elle a des actionnaires, la banque doit à ces derniers les fonds propres, c’est-à-dire l’argent qu’ils ont mis dans l’affaire, à l’origine ou lors d’augmentations de capital. Elle a aussi émis quelques obligations sur les marchés (qui ont généralement été achetées par des fonds de pension). Ces obligations ont une longue durée. La banque en émet régulièrement de nouvelles quand les plus anciennes arrivent à maturité. La banque emprunte aussi sur les marchés, soit à des banques soit à des entreprises qui ont des forts cash-flows positifs (Microsoft, Google, Apple, Oracle…) et qui attendent des jours meilleurs pour les réinvestir.

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Avec ces 2040 milliards d’euros, la banque consent des prêts à ses clients. Elle garde un peu de fonds liquides (en général sous forme de bons souverains à très court terme ou de prêts très courts à des consœurs).

On notera que la banque garde aussi quelques obligations d’État en portefeuille : en fait, elle y est obligée par la législation en vigueur.

Comme l’explique Alex Korbel, les accords de Bâle II « [forcent] indirectement les banques à détenir des obligations d’État étant donné que seules celles-ci étaient qualifiées d’actifs liquides et sûrs par le réglementateur ». Même si « Bâle III infléchit le tir en permettant à certaines obligations de sociétés privées d’être qualifiées elles-aussi d’actifs liquides », il n’en reste pas moins que les banques doivent détenir des obligations d’État souveraines.

En français, les États ont forcé les banques à acheter des actifs sûrs. Ils ont ensuite défini les actifs sûrs comme étant les obligations d’État. Ceci tombe à pic ! Les États avaient justement plein de petites obligations amusantes à vendre1.

À part ces obligations d’État, quels sont les risques pour la banque ?

Tout d’abord que les clients ne remboursent pas leurs prêts, c’est le risque de crédit.

Ensuite, que les clients remboursent tous par anticipation, c’est le risque de prépaiement. Ce risque est plus subtil : il occupe les jours (et les nuits !) des modélisateurs : si la banque a emprunté (via des obligations à son passif) sur une durée de 15 ans pour faire un prêt hypothécaire à 15 ans (à son actif) et que le client rembourse par anticipation au bout de cinq ans, il faut que la banque puisse placer cet argent pendant les dix ans qui restent à courir. Si le taux à 10 ans au moment du remboursement anticipé est plus bas que le taux à quinze ans au moment de la souscription du prêt, la banque subit une perte.

Ceci nous amène (enfin !) à notre sujet : si la banque empruntait à 30 ans (passif) mais ne prêtait qu’à court terme (actif), elle ferait constamment face à un risque similaire. Elle risquerait d’avoir emprunté à très long terme à un moment où les taux étaient hauts et risquerait de faire des pertes énormes. Si elle a emprunté à un moment où les taux longs (à, disons, 30 ans) sont à 7 % mais qu’elle prête à ces clients à 6 %, elle perd 1 %. Ça n’a l’air de rien mais nous parlions de JP Morgan Chase, HSBC, Fannie Mae ou Freddie Mac. Pour elles, ce serait une perte d’environ 20 milliards d’euros par an. Inacceptable.

Depuis la nuit des temps, les grandes banques commerciales ont une parade : elles ont des agences. Elles récoltent des fonds quasi-gratuits à très court terme, les dépôts, et les prêtent à long terme. Même si les dépôts sont par nature de très court terme, dans les faits, Pierre et Paul ne retirent pas leurs économies en même temps. En moyenne, Pierre dépose quand Paul retire et vice-versa. En plus, on peut demander aux déposants d’avertir à l’avance lors de gros retraits. Bien sûr, si tous les déposants veulent retirer en même temps, on risque un bank run mais on peut toujours limiter le montant des retraits comme à Chypre.

 

L’écart de duration

Pour les autres organismes financiers, il suffit de faire un calcul : quelle est la durée moyenne des actifs ? Quelle est la durée moyenne du passif ?

En pratique, comme rien n’est complètement simple en finance, pour chaque produit à l’actif ou au passif, on calcule sa « duration » qui est la durée de vie moyenne de ses flux financiers probables pondérée par leur valeur actualisée. Pour calculer les flux probables il faut une distribution probable des taux d’intérêts qu’on obtient avec un modèle de taux. On entre ces données dans les modèles de risque de crédit et dans les modèles de prépaiement et au petit matin, après une nuit complète de calculs fondés sur les prix de marché de la veille, les ordinateurs pondent des « durations » moyennes de l’actif et du passif. La différence est l’« écart de duration » : s’il est nul, l’organisme financier est immunisé – au moins à court terme – contre le risque lié à une forte variation des taux.

Comme nous sommes très joueurs, nous calculons aussi les mêmes concepts avec un choc des taux de 25, 50 et 100 points de base – soit 0,25 %, 0,50 % et 1,00 % – à la hausse et à la baisse pour avoir une idée de l’exposition de notre organisme financier préféré à une hausse ou à une baisse des taux d’intérêt. Tous les matins, les patrons d’un organisme financier qui aurait la taille de bilan de la dette française, soit 2040 milliards d’euros, reçoivent donc un rapport circonstancié. S’il y a un écart, le patron de la salle des marchés agit en conséquence : il demande à ses traders de vendre ou acheter ce que j’ai noté « autres produits financiers » dans le bilan ci-dessus.

En général, les organismes sus-cités ont aussi un Chief Risk Officer qui a un vice-président sous ses ordres en charge de la « validation de modèles ». Cette personne embauche quelques financiers, quelques matheux et plein d’informaticiens : tous ces gens « valident » les modèles. En pratique, nous rejouons les modèles contre le passé récent pour vérifier qu’ils donnaient des résultats plausibles. Nous jouons aussi le futur contre des modèles concurrents de celui utilisé officiellement pour voir quels écarts on obtient. Le service de la recherche corrige les modèles au fur et à mesure que de nouvelles circonstances (ou faiblesses) émergent.

Si tout ceci paraît compliqué, disons que d’une part le concept de base est fort simple – à chaque décaissement probable on veut faire correspondre un encaissement probable – et que d’autre part c’est le B.A.-BA de la finance2.

Quand une banque a un écart de duration de plus de quelques mois, les questions se font pressantes. Par exemple, quand Fannie Mae, un organisme dont le bilan est égal à la dette publique française annonce que la valeur absolue de son écart de duration est soudain passée de 30 à 180 jours, ceci fait les titres du Wall Street Journalici ou . Au contraire, quand les temps sont normaux, Fannie Mae et ses 2800 milliards de dollars de bilan ont un écart de duration de zéro mois. Oui, la firme par laquelle la crise arriva – selon certains – et qui était si mal gérée – selon d’autres – a ordinairement un écart de duration de zéro mois !

 

Comment gère-t-on un passif public ?

Soit. Tout ceci est fort bien pour un passif bancaire. Mais quid de la dette publique ?

En fait, on peut appliquer le même principe de base. D’un côté, on calcule la duration de la dette publique et de l’autre on calcule celle des flux financiers – recettes fiscales excédentaires – qui vont servir à la rembourser. Comme pour notre banque, le concept de base est fort simple – à chaque décaissement probable on veut faire correspondre un encaissement probable.

Tout ceci n’est pas une nouvelle branche de l’économie sortie tout droit de l’esprit d’un mathématicien tordu qui aurait fait une thèse de finances publiques et un peu trop de modélisation financière. Si on regarde la littérature sur les dettes souveraines, nous constatons que cette idée simple est largement utilisée. Prenons par exemple un article sur la dette du Brésil que je sélectionne car il est fort bien écrit. Les auteurs font les mêmes travaux que les services quantitatifs d’une large banque : ils calculent le risque de marché dû aux écarts de change (page 20), le risque de (dérapage du) budget (page 25), et le risque lié à la demande (page 27). Plus important pour notre propos, les auteurs calculent le risque de refinancement, c’est-à-dire le risque que l’État doive emprunter pour refinancer sa dette et qu’il ne puisse le faire qu’à des taux alors très élevés (page 22).

Pour la France, en déficit budgétaire depuis 40 ans, il n’y aura pas d’excédents qui permettraient d’apurer la dette avant que les deux générations, celle actuelle et celle à venir, de retraités ne soient « sorties » du système social. En gros, les futurs excédents qui permettraient d’apurer la dette – s’ils se réalisent un jour ? – ne prendront pas forme avant les années 2050 à 2070, au mieux. En d’autres termes, la duration des flux de recettes fiscales excédentaires est très certainement supérieure à 40 ans.

La maturité moyenne de la dette publique est de 7 ans ! L’écart de duration du Trésor est donc d’au moins 30 ans ! Je ne sais pas qui est le Chief Risk Officer de Bercy mais je ne m’avance pas trop en disant que sa position est ultra-spéculative. Cet écart de duration est énorme3. Lorsque je travaillais sur les modèles mathématiques d’une entreprise financière qui avait un bilan égal à la dette publique française, si mes patrons avaient eu un écart de duration au-dessus de quelques mois, ils auraient été virés. En fait, un tel écart ne se serait jamais matérialisé : sur une somme de 2040 milliards d’euros, cela prend des années d’en arriver là.

 

Et si les taux montaient ?

Comme les taux à court terme sont très bas, si bas même que l’État emprunte parfois à des taux réels négatifs, la décision a été prise d’économiser des intérêts et d’emprunter à 7 ans. Il n’y a pas besoin d’être grand prêtre pour répondre à la question suivante : si les taux d’intérêt reviennent à leur valeur historique d’ici aux sept prochaines années, que va-t-il se passer ?

D’après le document rigolo remis à une presse très docile lors de la présentation du projet de Loi de finances 2015, le déficit primaire – c’est-à-dire avant paiement des intérêts sur les 2040 milliards de dette officielle – s’élèverait à 31,5 milliards en 2015. Ce chiffre est probablement aussi folklorique que celui de l’excédent – eh, oui, excédent ! – de 6,5 milliards d’euros de la Sécurité sociale (page 6), la baisse – si, si ! – de la dette publique en pourcentage du PIB en 2017 (page 3), ou de la diminution – eh, oui, j’ai dit « rigolo » ! – des dépenses des administrations publiques locales (page 6). Ceci dit, même vus au travers de lunettes roses, les 31,5 milliards de déficit primaire représentent quand même 10 % du budget total de l’État.

À 7 ans de maturité moyenne, l’État doit donc lever un septième de 2040 milliards, soit 286 milliards, plus notre déficit primaire de 31,5 milliards, plus les intérêts sur les 2040 milliards, soit 44,3 milliards en 2015 (page 15). En gros, 360 milliards d’euros. Un milliard par jour. Juste un peu plus que son budget total. Une bagatelle.

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Ces 44,3 milliards cachent une hypothèse de taux d’environ 2,2 %. Hélas, les taux n’ont pas toujours été à 2,2 %. Sur les 40 dernières années, les obligations d’État à 10 ans ont eu un taux moyen de 7,77 %. Sur les 50 dernières années, les obligations d’État à 10 ans ont eu un taux moyen de 7,69 % et sont restées entre 3,58 % et 12,27 % pendant 80 % du temps (zone bleue du graphique). Sur cette période, il y a eu 32 mois où le taux d’intérêt sur les obligations d’État à 10 ans était de plus de 2 % supérieur à ce qu’il était 12 mois auparavant. Il y a eu une période de plus de trois mois où ce taux était supérieur de 4% à ce qu’il était 12 mois auparavant.

Les taux inférieurs à 3,58 % (zone blanche à gauche) sont une anomalie historique : sur les 50 dernières années, les taux ont passé moins de 10 % du temps dans cette zone.

À 7,77 % de taux d’intérêt, une dette de 2040 milliards dont un septième viendrait à échéance, à laquelle on ajouterait un déficit primaire de 31,5 milliards, suppose de lever environ 481 milliards d’euros sur les marchés en une année. Cette valeur de 7,77 % a peu de risque de se réaliser mais on ne parle pas non plus d’une valeur « hautement » improbable quand on parle de la valeur moyenne sur quarante ans… De plus, il n’est pas ridicule de penser que les taux reviendront à 4,4 % – le double du projet de loi de finance pour 2015 – et les paiements sur la dette publique représenteraient alors environ 90 milliards d’euros, quasiment toutes les recettes de l’impôt sur le revenu plus l’impôt sur les sociétés !

Et qu’adviendra-t-il quand le Trésor aura du mal à emprunter ? La note de sa dette baissera. Si elle baisse en dessous de A3/A-, les banques ne pourront plus acheter de la dette souveraine comme investissement sûr au sens des accords de Bâle. Ceci aggravera mécaniquement la crise de placement du papier français. Les principaux acheteurs n’en achèteront plus, non pas parce qu’elle sera risquée mais aussi parce qu’ils n’en auront plus besoin : elle ne satisfera plus ces stricts critères internationaux sur lesquelles la France n’a pas prise.

Comme en Italie récemment, nos étatistes lanceront un grand effort d’intimidation des agences de notation. Si cela ne suffit pas, on créera une agence de notation européenne : le président l’a proposé dans son programme comme engagement numéro 7. Elle sera bien sûr sous le joug des eurocrates indépendante du grand capital apatride. Et tout le monde aura une bonne note4. Ouf, sauvés ! En fait, que nenni car dans le monde réel, les banquiers de Wall Street sont difficiles à entourlouper : il en faudra plus que Najat Vallaud-Belkacem et ses ridicules pastilles colorées pour leur faire oublier les notes des agences.

 

Est-ce que les traders de l’Agence France Trésor n’y connaissent rien ?

Au contraire. En fait, les traders de l’Agence France Trésor font un travail visiblement de qualité puisqu’ils ajustent avec une grande précision la maturité de la dette, au besoin par des opérations sur les « autres produits financiers » que j’avais dans le bilan ci-dessus5. La maturité est consciemment et minutieusement ramenée à 7 ans à un epsilon près. Les échéanciers sont tels que les appels aux marchés sont réguliers au fil de l’année. Visiblement, à Bercy, les techniciens font le travail qui leur a été confié.

Mais dans une banque, un trader ne décide pas de la stratégie de la maison. Un trader junior exécute. Éventuellement, un trader senior décide des meilleurs moyens d’exécuter la stratégie. Ni l’un, ni l’autre ne décident de la stratégie elle-même.

La faute – s’il y en a une – est donc à chercher du côté des responsables politiques. Ces derniers font pression pour minimiser la charge de la dette – à court terme – en espérant probablement passer le relais à leur successeur, si possible de l’autre bord politique, avant que ça n’explose… La théorie des choix publics dicte que la maturité moyenne doit être à peu près égale à la durée des mandats. Ils se félicitent même régulièrement d’économiser l’argent du contribuable : n’a-t-on pas « économisé » près de 3 milliards d’euros en 2014 par rapport aux estimations initiales de la charge de la dette ? En fait, ce « prix bas » sur nos intérêts reflète le risque que l’on fait supporter par le contribuable. En finance, quand le rendement apparent est très élevé, le risque l’est en général tout autant. Les politiques font un pari spéculatif avec 2040 milliards d’euros qui ne leur appartiennent pas.

Les politiciens peuvent-ils être si nuls qu’ils diminueraient la charge de la dette au risque d’obérer le futur ? Est-ce que les « grands argentiers » seraient si mauvais qu’ils leur conseilleraient d’emprunter à très court terme pour couvrir des dépenses à trente ans ? Est-ce que Michel Sapin, notre ministre de la Parcimonie et des Contes Publics, – qui nous a dit le 15 mai 2014 que « la croissance nulle, ce n’est pas grave » –, pourrait être en train de faire la boulette financière du XXIe siècle ?

J’aimerais assez répondre par la négative mais je dois hélas citer ce que disait le plus grand argentier de ces 30 dernières années, Alan Greenspan, deux ans avant que les prix de l’immobilier n’atteignent leur sommet, que les taux ne soient au plus haut et que les emprunteurs ne se retrouvent incapables de payer leurs prêts à taux variables sur des maisons dévaluées :

« De nombreux propriétaires auraient économisé des dizaines de milliers de dollars s’ils avaient pris des prêts hypothécaires [courts] à taux variables plutôt que des prêts hypothécaires [long] à taux fixe au cours de la dernière décennie. »

Plusieurs millions de propriétaires américains ont hélas perdu leur maison en suivant à la lettre la stratégie d’emprunt à court terme d’Alan Greenspan et du Trésor français.

 

Est-ce que les « marchés » sont fous ?

Là encore, la question appelle une réponse par la négative. Les opérateurs de marché sont rationnels. Comme je l’expliquais ci-dessus, ils font en sorte de ne pas être en mauvaise posture. Ils ont un faible écart de duration. Ils s’immunisent contre les fortes variations de taux d’intérêt.

Les marchés prêtent encore aux États car les accords de Bâle II ou de Solvency II obligent les gros opérateurs financiers à acheter des cochonneries souveraines. Les banques centrales ont aussi une façon de les presser à acheter des produits dont ils ne veulent pas. Et quand bien même les banques ne voudraient pas acheter de dette souveraine, les agences gouvernementales les rappelleraient à l’ordre.

Toutefois les banquiers et assureurs ne seront pas les plus à plaindre quand ce château de cartes s’effondrera. Quand ils achètent des bons du Trésor, s’ils perçoivent un risque de crédit, ils achètent une assurance – un credit default swap – auprès d’un grand assureur. Personne n’opère en finance sans être couvert contre les risques de taux et/ou de crédit, ou, au moins, sans avoir précisément jaugé les risques.

De plus, comme la maturité moyenne de la dette est faible, le risque de crédit est minimal. Dans ce marché de dupes, tout le risque (d’intérêt) est précisément supporté par le Trésor.

Les seuls agents qui sont « irrationnels » sont les investisseurs finaux, tous ceux qui ont de l’« assurance vie » ou des OPCVM sans réaliser ce qu’il y a dedans. Les banquiers et les assureurs leur vendent tout ce qu’ils veulent bien acheter… Ces produits avariés ne sont pas facile à reconnaître : après tout, ils viennent dans un paquet marqué AA+.

 

Jusqu’à quand avant la crise ?

Personne d’honnête n’en a la moindre d’idée. Si je le savais, je serais riche. Je pourrais aussi inventer une stratégie parfaite pour émettre la dette publique française.

La situation actuelle peut durer un moment mais il suffirait d’une crise comme celle des dettes européennes. Est-ce à nouveau possible ? Eh bien, comment va la Grèce ? Officiellement, très bien, merci pour elle ! Officieusement, elle est doucement en train de revenir vers son plus haut historique en termes de dette publique en pourcentage du PIB à 175 % ! Bruxelles va bientôt tendre sa sébile pour demander au reste de l’Europe de bien vouloir renflouer cette trière une fois de plus. Logariasmo, parakalo?

Il suffirait aussi d’une remontée de l’inflation. Soit, on est plutôt en déflation. Nonobstant, la banque centrale n’injecte pas des centaines de milliards d’euros dans l’économie sans qu’un jour ou l’autre, l’inflation pointe son nez. Mario Draghi ne décide pas à la fois des taux d’intérêt de court terme et du taux d’inflation… Et la banque centrale décide encore moins des taux d’intérêt nominaux à 10 ans. Ces derniers sont fixés par le marché : plus un taux est long, moins la banque centrale a d’influence sur ce dernier.

Nous sommes en train de répéter les mêmes phénomènes qui ont engendré les crises précédentes : comme les taux bas ont créé la bulle technologique en 1996-2000, puis la bulle immobilière en 2002-2006, les taux bas actuels sont à coup sûr en train de créer les conditions de la crise suivante. À chaque fois que nous assistons à une envolée des prix des actifs, les journalistes trouvent un tas d’experts pour leur expliquer que nous sommes dans un monde nouveau. Leurs lecteurs sont victimes d’une suspension consentie de l’incrédulité qui dure ce que durent les roses ou plutôt les tulipomanies.

En l’absence d’une parfaite prescience, la vraie sagesse est de faire en sorte qu’à chaque fois qu’un bon du Trésor arrive à échéance, il y ait justement un encaissement d’impôt excédentaire, dont le montant dépasse juste assez la dépense de ce moment-là. En d’autres termes, sans savoir ce que le futur nous réserve – des taux plus bas pendant longtemps, des taux plus hauts dès demain – la seule façon d’immuniser le Trésor est d’avoir un écart de duration proche de zéro. Les financiers le font tous les jours consciemment : contrairement à ce que la gauche pense, les grands banquiers ne spéculent presque pas. La petite minorité qui spécule engage des sommes bien inférieures à Bercy sur des paris bien moins risqués.

 

Conclusion

Le Royaume-Uni, qui compte en son sein une bonne part de la haute finance européenne, et le Chili, qui a été envahi par les Chicago Boys il y a fort longtemps, sont les deux seuls pays développés dont la maturité de la dette publique est le double de celle de la France. Ce qui pourrait apparaître comme un argument en faveur du statu quo – si l’Allemagne, le Japon, les États-Unis et l’Italie font de même, pourquoi changer ? – est au contraire une forte incitation à la rénovation. En effet, si un jour les taux remontent, tous les pays se retrouveront avec des besoins de refinancement identiques puisqu’ils ont choisi d’avoir plus ou moins les mêmes échéanciers de paiement.

Comme pratiquement aucune des dettes publiques ne baisse dans un contexte de taux extrêmement bas, elles ne pourront que toutes augmenter en même temps dans le contexte inverse. Comment ne pas percevoir une situation explosive quand les taux remonteront ? Un beau matin, les prêteurs se feront rares quand leurs anticipations changeront. Les hommes de l’État qui croient que la situation durera ad vitam aeternam ne connaissent ni l’histoire, ni l’économie.

  1. Au passage, à tous ceux qui pensent que ce serait une bonne idée d’annuler une partie de la dette, je pose la question : « Avez-vous regardé les effets de votre proposition sur les bilans bancaires ? Combien de banques vont faire faillite ? » Et à tous ceux qui veulent sortir de l’euro comme solution magique à tous nos maux, « quelle serait la conséquence quand une banque devra rembourser des prêts en euros alors que ses actifs seront maintenant en ‘néo-francs’ dévalués ? »
  2. J’enseignais ceci en troisième année à l’Université de Paris. C’est un concept standard de base, enseigné dans toutes les autres facultés. Pour s’en convaincre, on peut faire une recherche rapide pour la Stern Business School de New York University.
  3. Pour simplifier, je mélange allègrement le concept de maturité moyenne de la dette et le concept de duration de la dette. À 7 ans environ, les deux valeurs sont assez proches. Pour 2010, les statistiques OCDE montrent (ici) que, pour la France, la maturité et la duration sont de 7,10 et 5,50 ans, respectivement.
  4. Cf. « L’Europe aura bientôt sa propre agence de notation », Patrick Saint-Paul, 27 Avril 2012, Le Figaro et « European Public Rating Agency ‘the right step’ for Credit Rating Agencies, says PES President, as report tabled in European Parliament », Anonyme, 15 Janvier 2013, Party of European Socialists.
  5. En l’occurrence, quand les marchés s’y prêtent, ils utilisent des opérations de swap. Un swap (échange en anglais) est un contrat entre deux parties portant sur l’échange de flux financiers, par exemple, l’échange d’un flux basé sur un taux d’intérêt à court terme contre un autre flux basé sur un taux d’intérêt à moyen ou long terme.
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  • Merci pour ce papier, techniquement parfait et complet.

    Mais je vous suggère un changement de paradigme.

    Non, les gens du Trésor ne sont pas fous. Ni les politiciens. Non il n’y a plus de marché.

    En Europe, les dernies soubressauts du « marché » peuvent se dater à juillet 2012, lors du peak de la crise des taux…

    Depuis ? Depuis l’Europe a changé. La mafia qui dirige l’Euro a compris, et a fait son aggiornamento.

    Avec un modèle : le Japon.

    Sacré modèle. Voilà un pays où la technostructure et les politiciens s’entendent comme larrons en foire pour contourner les lois du marché… et ce depuis le début des années 90, lors de l’éclatement de la « bulle ».

    Cela fait donc… 25 ans que cela dure !

    Il est nécessaire de répéter pour mettre en perspective et comprendre le délire à l’oeuvre : vingt-cinq ans.

    Nous connaissons tous les chiffres japonais qui sont déments, cinglés, hystériques… Nous savons tous que mécaniquement « si les taux montent »… le Japon implose. Disparaît dans un champignon nucléaire, sans mauvais jeu de mot.

    Et pourtant, les années passent… et il ne passe rien justement. Les taux sont toujours à 0.

    Voilà l’argument ultime, sous une forme tautologique que j’espère vous me pardonnerez :

    LES TAUX NE MONTERONT CAR… ILS NE PEUVENT PAS MONTER.

    CQFD.

    Ce n’est même plus « too big to fail ». C’est « too big to die ».

    Le risque est ontologique, existentiel.

    Pourquoi voulez-vous que le système signe son arrêt de mort… sur un échec et mat… de « taux », un truc aussi synthétique que des « taux » ?

    Bienvenue dans un « monde meilleur »… Orwélien.

    • « LES TAUX NE MONTERONT CAR… ILS NE PEUVENT PAS MONTER. »

      Voilà une profession de foi inattendue. La tautologie inverse c’est les lois de Murphy: Loi 1: les taux peuvent remonter, donc un jour ou l’autre il vont remonter. Loi 2: ils remonteront au moment où cela causera le plus de dégâts.

      Car qui peut dire « cela ne peut pas arriver »?

      En 1917 les Bolcheviques ont déclaré que les emprunts contractés par le Tsar étaient illégitimes et qu’ils ne seraient pas remboursés. La suite est dans les livres d’Histoire. En 2014 certains Français tiennent le même discours: la dette contractée par l’Etat auprès des horribles financiers et des affreux banquiers est illégitime et nous ne la rembourserons pas. Ce sont des extrémistes minoritaires. Pour l’instant. Etant donné l’état de déliquescence des partis politiques qui ont « gouverné » la France depuis 40 ans, qui peut dire qu’ils ne seront jamais au pouvoir?

      • Vous m’avez bien entendu compris : c’est une provocation.

        Bien sûr, tout peut arriver. Une comète peut même mettre un terme final à nos petits soucis.

        Ce que je voulais faire c’est simplement casser le mythe du « marché ».

        Le « marché » appliqué aux obligations souveraines, c’est en effet formidable. Le risque grimpe, le prix de l’oblig baisse, et son taux d’intérêt monte… Forçant ainsi les gouvernements à être prudents, et les prêteurs à être prudents aussi.

        Le risque est traduisible, quantifiable.

        Mais, il faut le dire et le répéter : il n’y a plus de marché. Les banques centrales, aux ordres des politiciens, trichent, violent les règles, deviennent des Deus ex machina, depuis des années.

        Je le dis à mes camarades libéraux : si vous attendez la hausse des taux salvaltrice et rageuse qui mettra au pas toutes les crapules qui vivent sur notre dos et prétendent nous gouverner… vous vous trompez lourdement.

        • Il n’y a pas que la hausse des taux. D’autres sympathiques évènements peuvent se produire au doux pays de France: une révolte fiscale (du style des bonnets rouges); une révolte populaire suite à la réduction (déjà bien engagée) des prestations sociales (qui constituent aujourd’hui 25% des revenus des ménages); des émeutes de banlieue prolongées…

          Ce sont des scénarios peu probables, mais ils sont possibles. La situation ne faisant que se dégrader, cela doit péter un jour ou l’autre. Les banques centrales ne sont pas omnipotentes. Elles n’agissent que sur la finance.

        • On ne peut plus passionnant. Félicitations pour cet article limpide qui ne rassure pas mes vieux neurones.

    • Il y a de grosses différences avec le Japon, notamment que la France est une partie de la zone euro et que le reste n’est pas indemne vis-à-vis de ses choix, que le déficit commercial japonais est très récent, et que la BCE et la France doivent forcer les prêteurs à acheter la dette, tandis que les Japonais se précipitent pour acheter leur propre dette publique.

      • Les japonais qui achètent leur dette publique, c’était avant. Il n’y a plus de marché des bonds au Japon, c’est la Bank of Japan qui achète tout. Le japonais moyen n’a plus accès à son bond du Trésor.

    • Bon commentaire sur cet excellent papier, sauf que …
      Je discutais il y a quelques mois à Tokyo avec un financier au fait de l’économie japonaise à propos de la dette du pays (le Japon).
      Il faut savoir que la dette du Japon est détenue à près de 90 % par des résidents, fonds de pension, compagnies d’assurance, contrats d’assurance-vie, banques, et particuliers. En ce qui concerne les fonds de pension et assurance-vie, près des deux tiers de la dette actuelle s’évaporeront mécaniquement au cours des 20 prochaines années car les pensions et contrats d’assurance-vie sont concrètement non cessibles en raison des droits de succession exorbitants. Un particulier détenteur de bons du trésor japonais ne peut pas les céder à ses descendants car il faut payer un droit de l’ordre de 90 % de la valeur nominale du titre. La démographie du Japon fait que la dette de ce pays disparaitra d’elle-même. C’est la raison pour laquelle le gouvernement japonais ne s’en préoccupe pas. L’analyse que font les Occidentaux à propos du Japon est fausse. La France, tous les hors-bilan inclus, atteint pratiquement une dette équivalent à 300 % de son PIB. On est donc en droit de se poser de réelles questions de savoir comment la France va pouvoir faire pour rembourser ses dettes détenues à plus de 60 % par des non-résidents : c’est là le gros hic !!!

  • Très intéressant, merci. La conclusion était connue d’avance, mais je ne connaissais pas les techniques de gestion de dette.

  • Très beau billet, très technique (trop pour moi).
    Super intéressant. Merci.

    Je me faisais la remarque ce matin:
    Ont ils à Bercy des chiffres que l’on aurait pas….
    Peuvent ils être aussi démagogues et cyniques ?
    Plus drôle, l’Europe, le monde entier montre les chiffres de la France comme étant catastrophiques.

    La France ne bouge pas. Elle doit avoir des réserves de diamants, d’or, de pétrole, une industrie Tres forte, un système super libéral qui pousse les gens à investir et gagner de l’argent, non ? Enfin en toute logique.

    En fait, non. Rien de rien. Etrange quand même que rien ne bouge. (Dans un sens, peut importe lequel)

    • La France est un maître-chanteur. Elle dit au monde « Si vous me laissez couler, vous buvez la tasse aussi. » Mais le jour où les désagréments de soutenir la France dépasseront ceux de boire la tasse approche.

  • Excellent papier, qui nous apprend des choses, conforme au slogan « nivellement par le haut », merci.
    Un peu long (et qui aurait pu être coupé en deux) mais très clair pour un sujet aussi technique.
    Aurait mérité de faire l’édito (j’aime bien le h16 mais un peu de variété ne fait pas de mal).
    encore merci.

  • Bonjour
    Très bon article.
    Merci.

  • Je croyais que Fanny May et Freddie Mac avaient été dissous

  • Excellente vulgarisation financière, merci.

    Si je comprends bien, l’état français parie à travers sa dette que les taux d’intérêt resteront durablement bas… en même temps qu’il prétend oeuvrer à faire repartir l’inflation et la croissance. Jolie performance de contorsion !

    • Non, ce n’est pas l’Etat qui parie. Se sont les élus qui font un choix : acheter aujourd’hui plus de facilité au prix de risques supérieurs qui n’auront de conséquence que plus tard, et dont ils n’ont d’ailleurs sans doute même pas conscience (l’écart de duration ? késako ? ). Et si plus tard ils sont toujours aux affaires, et que le risque se concrétise et leur retombe dessus, ils expliqueront que c’est pas leur faute mais celle des méchants marchés financiers et de la mauvaise conjoncture.

  • L’idée est tirée par les cheveux : un Etat n’est pas une entreprise !
    Jamais un Etat ne devrait pouvoir miser en bourse l’argent de ses contribuables, c’est une aberration.

    Imaginez une banque qui s’endette sur 10 ans, et prête à court terme.
    Si elle arrive à renouveler ses prêts tous les ans avec le même taux moyen sur 10 ans, alors tout va bien.
    Donc en théorie, le système marche.
    En pratique non ça ne marche pas, car rien ne garantit que ça sera le cas (elle peut ne trouver personne à qui prêter, les taux sur 10 ans peuvent être en moyenne différent du taux auquel est souscrit la dette à 10 ans, etc.).

    Le problème est à relativiser pour 2 raisons:

    – Dans le cas d’un Etat, à moins d’une révolution ou autre, on est sûr de savoir ce qu’on va avoir comme passif l’année prochaine : il suffit de lever des impôts. On n’a pas cette incertitude qu’une entreprise peut avoir, même si actuellement on dépassé la limite de l’impôt et que Laffer joue.

    – On ne sait pas prédire le long terme. Dire que la duration de la dette Française est de 30 ans n’a aucun sens.
    Personne ne peut donner une prévision réaliste des taux sur 30 ans, on ne peut faire que des probabilités et à 30 ans elles sont incroyablement faibles.
    Aprés 5 ans l’opération devient vraiment hasardeuse, 7 ans constitue une certaine limite.
    Se couvrir au delà n’a aucun sens vu que si on sait que le risque existe, on ne sait pas si il sera positif ou non.

    • heu … l’article explique que ce que vous proposez, ça consiste justement à « miser en bourse l’argent de ses contribuables » !
      Donc vous n’avez rien compris…
      le reste de vos remarques confirment :

      il ne s’agit absolument pas de prédire le long terme. il s’agit de réduire au minimum les conséquences désastreuses de ce qui peut arriver d’imprévisible à long terme. Il ne s’agit pas de savoir si une crue va arriver ou pas, il s’agit de s’assurer, si la crue arrive, que la maison ne sera pas inondée. On ne parle pas de prédiction, on parle de prévoyance, vous saisissez la différence ?

      il n’est pas vrai « qu’il suffit de lever des impôts ». Si c’était aussi simple, on lèverait les impôts au lieu d’emprunter ! Il existe une dette, et une dette croissante, c’est bien la preuve qu’il n’est pas simple de lever les impôts en quantité suffisante pour satisfaire toutes les lubies de dépenses.

  • Les gens de la finance font systématiquement la même erreur: ils calculent en euros, en dollars US, etc.

    Ils réalisent des calculs financiers à long terme (50 ans et plus) dans un système de monnaies fiduciaires à taux de change flottant qui n’existe concrètement que depuis 1972. La finance ne prend jamais un pas de recul pour examiner les réalités violentes auxquelles correspondent les dollars US et toutes leurs matriochkas dans leurs calculs. Il n’y a rien dans le coffre de la banque, que la confiance que ces billets valent quelque chose, puis tout le reste n’est qu’une vaste maladie mentale collective.

    Qui ferait confiance pour prêter à un État qui n’a pas la force de voler ou d’esclavager un autre pour rembourser? Il n’y a pas de libre-marché: la valeur de toute monnaie fiduciaire repose sur la guerre, la corruption et la subversion.

    La finance, c’est un peu comme uitiliser des calculs d’ingénierie navale pour évaluer le risque de couler d’une petite barque dans une picsine, sans tenir compte que cette piscine est elle-même sur le pont d’un navire de croisière en pleine zone de guerre.

  • Très beau article , très technique et assez clair .
    Super intéressant. Merci.

    Cela dit, les banquiers ne sont pas fous.
    Pour l’instant ils misent sur des taux très bas pour longtemps .
    Et si les taux vont monter, les politiques du moment (gauche ou droite)
    vont puiser dans l’épargne des français. Compter sur leur imagination
    fertile pour vous expliquer pourquoi. Même la raison réelle ne va apparaître.
    Ils vont l’enterrer sous une montagne de mensonges. mais… ils vont ponctionner.
    Qu’est-ce qu’on parie ?

    • Le problème, c’est que ponctionner les assurances-vie des Français, placées en OAT, pour rembourser la part de ces mêmes OAT souscrite par les étrangers, c’est trop top pour marcher !

    • Ou un bon défaut. Finalement qu’est-ce qui empêche des pays comme l’Italie qui n’ont pas de déficit primaire de faire un défaut total. Le budget serait équilibré donc pas besoin d’emprunter sur les marchés l’année suivante, bien sûr une grosse partie de l’épargne des italiens serait effacée ce qui poserait problème pour les retraites et une partie de la consommation sur le long terme mais est-ce plus dangereux que de chercher à rembourser des dettes colossales?

      • Le budget ne serait pas équilibré l’année suivante, parce que les créanciers et les fournisseurs ne sont pas deux entités séparées dont on pourrait humilier l’une et faire du business as usual avec l’autre.

      • Faire défaut ne fait plaisir qu’à une poignée d’extrémistes cinglés, capable de se retourner vite et fortement contre leur idole du jour. Et ça implique de se mettre à dos la quasi-totalité des autres : tous ceux qui n’ont ne serait-ce qu’un mois d’épargne.
        En pratique pour un politicien faire défaut c’est sortir définitivement et sous les huées de l’arène politique.

        • P, je me posais juste la question de quelles seraient les conséquences de faire défaut sur l’intégralité de la dette? Car d’un autre côté il est évident que l’on ne remboursera pas les 2040 milliards de dette pas plus que les autres pays rembourseront la leur.

          • J’ai compris votre question comme « pourquoi on le fait pas », et ma réponse c’est que personne ne fait ça parce que c’est la quasi certitude de la mort politique, comme l’exemple grec l’a montré récemment.

            Maintenant si votre question c’est la deuxième partie de votre post, « est-ce plus dangereux que de chercher à rembourser des dettes colossales? », et mis à part les risques politiques pour le dirigeant, la réponse est évidemment : oui, c’est beaucoup plus dangereux. Il suffit de regarder l’histoire pour le voir.
            Quant à l’expliquer, on peut le faire de différentes manières, toutes plutôt compliquées et assez longues, mais je peux tenter de faire simple :
            Ce sont les fourmis qui épargnent, bossent et font croitre l’économie, pendant que les cigales consomment et sont une charge pour l’économie. Les dettes de l’Etat, ce sont les fourmis qui les ont en créances.
            Quand vous faites défaut, vous flinguez les fourmis et validez le choix des cigales. Çà va se payer, et vite.
            Quand vous rembourser vous faites l’inverse (flinguez les cigales et validez le choix des fourmis) ; ce n’est drôle pour personne, même pas pour les fourmis (car de toutes façon c’est encore et toujours elles qui bossent …), mais au moins elles n’ont pas de raison de disparaitre au profit des cigales.

  • Merci pour l’article qu’il va falloir que je relise une deuxième (voir une 3ème) pour bien comprendre

  • Pour ceux qui sont rebutés par l’aspect technique de l’article, voici un éclairage un peu plus intuitif. Pour être robuste, un bilan doit être équilibré par blocs. EN d’autres termes:

    – En face des dettes à court terme il faut avoir du cash disponible immédiatement ou des créances à court terme (par exemple des factures que les clients doivent payer tout de suite).

    – En face des dettes à moyen terme (par exemple 3 mois) il faut avoir des réserves placées sur des instruments financiers de moyen terme (par exemple un compte à terme de 3 mois) ou des créances à moyen terme de même maturité (par exemple des factures que les clients doivent payer dans les 3 mois).

    – En face des dettes à long terme (par exemple 5 ans) il faut avoir des réserves placées à long terme (par exemple des obligations à 5 ans) ou des actifs vendables (par exemple de l’immobilier).

    Lorsque le bilan est équilibré de cette manière, le gérant est assuré de pouvoir honorer ses dettes en temps et en heure. L’Etat Français a des dettes à court terme (les salaires des fonctionnaires et les factures de ses fournisseurs), à moyen terme (les emprunts contractés dans le passé) et à long terme (les emprunts contractés aujourd’hui à 10 ans ou 30 ans). En face de ces créances il n’y a… rien tant que l’Etat fait du déficit ! Le déséquilibre est flagrant.

    Les agents de France Trésor sont des artistes de haute voltige. On peut rendre hommage à leur savoir-faire pour gérer la situation…

    • Ce que vous dites est de bon sens, mais ce n’est pas le sujet de l’article. L’article parle de la sensibilité du stock de dette aux variations de taux, à la hausse ou à la baisse.
      Il dit que, pour un stock de dette donné, un opérateur financier responsable n’essaye pas de gagner de l’argent à court terme en prenant plus de risque de taux à long terme, et que c’est exactement ce que fait le Trésor.

      • Mon explication est volontairement restreinte à la question de la maturité. Je fais abstraction des question de taux qui complexifient sérieusement les calculs. Ce n’est pas la seule simplification d’ailleurs…

  • 1) il suffit de rembourser le deficit, les interets et 1 centime de dette pour que celle ci diminue (ie 70 mds et NON 350)
    2)La dette une fois passée par les fonctionnaires est en circulation donc rembourser la dette c’est diminuer l’argent en circulation et donc faire du mal a l’economie par la deflation.
    3)Donc la dette doit augmenter exponentiellement au moins aussi vite que la population pour alimenter la croissance

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