L’échec prévisible du CICE

Rétrospective et bilan sur une rustine à 50 milliards d’euros.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

L’échec prévisible du CICE

Publié le 11 juillet 2014
- A +

Par Emmanuel Bourgerie

CICELe Crédit d’Impôts Compétitivité Emploi, connu sous l’acronyme de CICE, devait être, avec le Pacte de Responsabilité, l’alpha et l’oméga de la politique de l’offre de François Hollande. Avec les derniers chiffres qui viennent d’être publiés, il est temps de faire une courte rétrospective sur une rustine à 50 milliards d’euros.

Ce crédit d’impôts a été accueilli avec la plus grande défiance de la part des élus socialistes. Et pour cause, après s’être opposés à la TVA sociale de Nicolas Sarkozy, les voici contraints de voter exactement la même chose, en pire. La TVA sociale avait au moins un avantage, elle était simple à comprendre et à mettre en œuvre : une hausse de la TVA pour financer une baisse des cotisations, dans le but de faire baisser les prix des services et des produits manufacturés par rapport à ceux importés.

Quand Hollande, en manque d’idées, décida qu’il fallait diminuer le coût du travail, il n’avait pas beaucoup d’autres alternatives. Baisser les salaires nets étant hors de question pour un président socialiste, il fallait trouver un artifice. C’est l’intérêt de la TVA sociale d’ailleurs, les gens ne se rendent pas compte que l’on baisse leurs salaires dans la réalité. Quelle est la différence entre baisser les salaires de 10 euros par mois et augmenter avec la TVA le prix de tous les produits que vous achetez pour récupérer 10 euros de plus ? Aucune, mais au moins vous évitez les manifestations dans la rue parce que, sur la fiche de paie, le chiffre est plus faible.

Mais parce que Sarkozy voulait faire la TVA sociale, et parce qu’il serait mal vu de demander aux députés socialistes de voter la même chose que ce qui leur a été demandé de défaire un an plus tôt, il fallait trouver un nouveau nom et quelques différences pour pouvoir dire devant les caméras qu’il ne s’agit pas d’une TVA sociale. Contrainte supplémentaire : les caisses de l’État sont vides, toute mesure qui puisse être payée bien après avoir collecté l’argent serait la bienvenue. Le crédit d’impôts semblait donc parfaitement adapté. Au lieu d’une baisse directe des cotisations, les entreprises pourront l’année suivante recevoir un crédit d’impôts du même montant.

Sauf qu’il y a un léger problème de fond.

Ce crédit d’impôts est censé améliorer la compétitivité de nos produits par rapport à ceux de l’étranger en taxant le consommateur. Dans l’idée, ça se défend, mais dans la réalité, le CICE n’est pas ciblé par secteur ou par activité. Toutes les entreprises peuvent en bénéficier, mais toutes ne font pas de l’export. On se rend compte aujourd’hui que les plus gros récipiendaires du CICE sont La Poste et la grande distribution. Les 50 milliards mis sur la table sont donc totalement dilués, à tel point qu’une faible variation dans le taux de change euro-dollar suffit pour en anéantir les effets. Au final, on estime que seul un quart des entreprises qui reçoivent le CICE sont des entreprises exportatrices.

Second problème de fond : le CICE est conditionné en termes de salaire. Face au problème du chômage endémique, surtout chez les moins qualifiés, le gouvernement a trouvé bon de cibler le CICE en excluant les salaires élevés. Admettons. Il est généreux de la part du gouvernement de vouloir concentrer les effets des 50 milliards sur ceux pour qui les fins de mois sont difficiles, et pour permettre à d’autres de sortir du chômage. Mais cette générosité de façade ignore le fait que l’on continue en France de creuser le fossé entre les smicards et les autres. À subventionner sans cesse les bas salaires, on se retrouve avec un ascenseur social qui ressemble à une échelle où il manque un barreau, et on finit avec une économie à deux vitesses dans laquelle les smicards resteront coincés sous ce plafond de verre.


Sur le web.

Voir les commentaires (10)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (10)
  • Sans oublier que prendre et redistribuer coute très cher.

  • En fait, si c’est l’exportation qu’on veut soutenir, il faut aider les salaires autour de 3 à 4 SMIC, car c’est dans cette tranche que se trouvent les employés des industries de pointe. Et comme ils sont bien moins nombreux que les smicards, on a un effet notable avec relativement peu d’argent.
    Quant aux smicards, ils en auront les retombées par la croissance revenue, mais, certes, deux ou trois ans plus tard.

  • L’Obèse prend d’abord 80 milliards. Puis, il fait semblant de redonner 50 sous conditions et contreparties, en affirmant que c’est un énorme sacrifice de sa part, tout en sachant que jamais les 50 seront effectivement versé par manque de demande motivée et par le jeu des redressements fiscaux ultérieurs. Le CICE n’est qu’un vaste moquage de face par le maffieux notoire.

  • N’oublions pas dans le top 5, GDF SUEZ et EDF comme principaux bénéficiaires, dont chacun connait les problèmes de compétitivité d’un prix imposé.
    CICE calculé sur la base des salaires bruts, sachant que le brut de leurs salariés est exonéré de cotisations chômage….

  • Concernant ce dossier je distingue deux types d’entreprises :
    – Les grandes qui ont un service juridique payé pour comprendre cette usine à gaz qu’est le CICE et remplir la paperasserie administrative pour en bénéficier.
    – Les petites qui n’ont pas de service juridique et dont les patrons ont autre chose à faire que de perdre du temps avec ça.

    • Et des TPE que ce genre d’ usines à gaz dissuade fortement, outre la situation économique, d’ embaucher du personnel au vu des emm… qui seront la conséquence,..

    • En fait, ils nous payent nous, les experts-comptables, pour le faire. Ce qui est un gâchis innommable de ressources. Je rêve d’être un jour payé, même beaucoup moins, pour des opérations productives…

      En attendant, je me venge en réfléchissant à des moyens de laisser l’argent dans la poche des entreprises plutôt que de l’Etat. Par exemple, un dirigeant d’entreprise assimilé salarié peut embaucher ses enfants dans son entreprise au SMIC, en réduisant son propre salaire d’autant (car lui n’a droit ni au CICE ni à la réduction sur les bas salaires, bien évidemment), et gagner environ 6000 € par an de cotisations par enfant à temps complet. Ou alors, solution plus soft, embaucher ses enfants juste 3 mois par an pendant les vacances : 1500€ de gagné, et cette rémunération est exonérée d’impôt.

      Je dis ca, je dis rien.

  • la campagne des présidentielles au ps a commencé ,les enfumeurs et les illusionnistes sont sur la scène.
    on a pas fini de voir des conneries jusque en 2017 (au moins).
    et pendent ce temps l’ump joue a trapette perchette touche moi la zigounette .
    avec ce ramassis de c.. , on est pas sorti de l’auberge .

  • Merci pour ces explications , on savait dès la début que cette énième usine à gaz était une supercherie , on est « rassuré » (sic)

  • Qui est à même de juger la recherche et le caractère innovant d’une approche ou d’un produit?

    Il semble évident que le seul juge devrait être le consommateur!

    Faut-il subventionner la recherche du yéti ou les innovations qui ne servent à rien?

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Par Gilles Rigourex. Un article d'Emploi 2017

Le gouvernement a annoncé qu’il plafonnerait les baisses de charges sociales aux salaires inférieurs à 2,5 fois le SMIC. C’est une erreur grave qui montre encore une fois que l’administration n’a aucune connaissance des mécanismes de création d’emplois marchands par les entreprises.

Dans son interview aux Échos du 12 septembre, le ministre des Finances Bruno Le Maire explique :

Nous allons renforcer fortement les allègements de charges au niveau du SMIC, là où le risque de chô... Poursuivre la lecture

Par Jean-Baptiste Boone.  Un article de l'Iref-Europe

C’est une bonne chose de supprimer le CICE, cause de lourdeur coûteuse, puisqu’il fonctionne en permettant à l’administration de prélever des sommes qu’elle redistribue ensuite.

Mais en même temps, cette réforme apportera encore un peu plus d’opacité dans la gestion des cotisations sociales et le financement des organismes d’assurance dont les recettes amputées par la baisse des charges devra faire l’objet de compensations rendant les organismes sociaux plus dépendants de l’É... Poursuivre la lecture

Par Virginie Pradel. Un article de l'Iref-Europe

Lors de sa campagne présidentielle, François Fillon avait promis un véritable « choc de compétitivité » pour hisser la France au sommet. À cette fin, il avait décidé d’octroyer aux entreprises près de 40 milliards d’euros de baisse de prélèvements, ceux-ci constituant l’un des facteurs de leur moindre compétitivité.

Il réservait toutefois 10 milliards d’euros de baisse de prélèvements pour les ménages. Hélas, ce « choc de compétitivité » n’aura pas résisté à sa chute précipitée dè... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles