Le mythe persistant du grand régulateur

Il y a vraiment en France un culte de l’État. L’État, toujours l’État et rien que l’État.

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Le mythe persistant du grand régulateur

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 3 juillet 2014
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Par Jean-Louis Caccomo

Etat

« Il est fort inutile que l’autorité se mêle d’encourager ce qui est nécessaire. Il lui suffit de ne pas l’entraver. »
— Benjamin Constant

Il y a vraiment en France un culte autant omniprésent qu’envahissant de l’État et une mise en scène du discours de l’État. On voudrait croire que ce qui était impossible hier devient possible aujourd’hui parce que l’on a changé de président de la République. En 1981, les Français descendent dans la rue en liesse pour saluer l’élection de Mitterrand : enfin, la vie va changer car telle était le slogan des socialistes : « changeons la vie » ! Finalement, au-delà du combat réellement virulent dans lequel s’inscrivent les candidats de tout parti, on retrouve un même discours destiné à présenter le politique comme un régulateur sinon comme un sauveur. L’État doit nous protéger de tout : de la mondialisation, de l’alcool, des sectes, de la concurrence déloyale, de la vie, de la science et ses dérives.

La lecture de la Une du journal Le nouvel Économiste (édition n°1420) est révélatrice de notre attachement viscéral en la croyance à la capacité régulatrice de l’État. L’éditorial annonçait la couleur avec le titre : « Une économie plus politique ». Selon l’édito en question, il appartient « Au Politique de reprendre la main et de réaffirmer ainsi sa primauté sur l’Économique ». Dès la première page, la finance est présentée comme une « créature » dont le pouvoir politique devrait reprendre le contrôle. Plus bas, un article sur la grande distribution interroge : « l’État, nouveau grand commandeur ? ». L’État, l’État, toujours l’État et rien que l’État.

Heureusement, Le Nouvel Économiste n’est tout de même pas L’Humanité et rendons hommage à son édition n°1418 qui consacra une étude passionnante sur la situation culturelle de la France. Les auteurs reconnaissent que cette prétention de l’État à tout régenter n’est pas sans conséquence sur notre moindre rayonnement culturel. Même en ce domaine, le tout-État tue l’innovation et la créativité, et « l’art doit apprendre à être moins étatico-dépendant » (Le Nouvel Économiste n°1418). On apprend (mais serait-ce un scoop pour un libéral) que ceux qui sont chargés de répartir les subventions à tel ou tel projet culturel ne sont ni les plus compétents (en matière culturelle) ni les plus désintéressés (électoralement parlant). On retrouve les mêmes aberrations dans les critères d’allocation de l’argent public pour les projets de recherche. Et même quand les fonctionnaires, chargés d’allouer l’argent public, sont d’une grande qualité et d’une grande probité, c’est le mode de fonctionnement même des structures centralisées qui les met en situation d’asymétrie d’information : « De commissions en inspecteur à la créativité, le maquis bureaucratique a transformé l’art en une machine à distribuer des subventions. » Le pire est que cela n’empêche pas les grèves récurrentes des intermittents du spectacle en pleine saison touristique.

Hélas, ce n’est pas propre à l’art, mais à tous les domaines que l’État va phagocyter. La qualité des personnes n’est pas en cause, c’est dans la nature même des organisations centralisées.


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  • N’oubliez pas non plus la juridicisation grandissante ! Si la justice est régalienne, alors cet agrandissement du domaine de pouvoir de la justice au profit de l’Etat est mécanique. Il faut une limite !

  • Difficile d’effacer d’un coup quatre siècles de tradition, voire d’éducation (de bourrage de mou, oui).

    Il est par ailleurs plus confortable de s’installer à l’intérieur du système pour en tirer un maximum d’avantages, ne nous étonnons donc pas de la prolifération des parasites état-tiques.

  • La collectivisation du pays avance à marche forcée alors qu’on apprend que Montebourg prétend maintenant prendre le contrôle de n’importe quelle PME française par le truchement de la BPI. Pris dans la nasse du « patriotisme économique » et de la « fin du laissez-faire libéral », les chefs d’entreprises n’ont qu’à bien se tenir. Ils ne le savent pas encore mais ils sont désormais des fonctionnaires comme les autres, sous les ordres des « mentors » et autres « commissaires », réactivant la vieille méthode socialiste de la double hiérarchie. Et gare au récalcitrant : il sera irrémédiablement mis à l’écart, spolié et ruiné, avec la ferme bienveillance dont l’Etat socialiste obèse sait faire preuve quand il écrase les individus. Plus que jamais dans ce pays, les bénéfices sont collectivisés et les pertes privatisées. Sans nul doute, voilà une perspective qui va inciter les Français à la création d’entreprises… loin, très loin de la France.

    • Comme les autres est un peu excessif

      • « Comme les autres » doit être entendu comme victimes du rouleau compresseur étatique, espèce de Baal des temps modernes, grande broyeuse des individus, évidemment pas comme parasites cherchant à vivre aux crochets d’autrui sans avoir à faire l’effort de produire.

  • « L’État, c’est la grande fiction à travers laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde. Car, aujourd’hui comme autrefois, chacun, un peu plus, un peu moins, voudrait bien profiter du travail d’autrui. Ce sentiment, on n’ose l’afficher, on se le dissimule à soi-même; et alors que fait-on? On imagine un intermédiaire, on s’adresse à l’État, et chaque classe tour à tour vient lui dire: « Vous qui pouvez prendre loyalement, honnêtement, prenez au public, et nous partagerons. » » Frédéric Bastiat

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