Les OGM s’attaquent aux moustiques

La manipulation génétique des moustiques, par la mise en place d’un processus favorisant la naissance d’individus mâles, est un bel espoir pour éradiquer la malaria.

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Piqûre moustique (Crédits dr_relling, licence Creative Commons)

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Les OGM s’attaquent aux moustiques

Publié le 12 juin 2014
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Par Jacques Henry.

Après le lamentable épisode de l’amnistie sans suite du faucheur de porte-greffes de la vigne génétiquement modifiée par l’INRA avec les impôts des contribuables, faut-il le rappeler, pour résister au virus du court-noué, va-t-il falloir assister encore une fois à la démonstration de l’obscurantisme ahurissant des écologistes avec le moustique transgénique mis au point pour tenter de combattre la malaria ? Depuis l’interdiction du DDT préconisée par les écologistes il y a plus de 40 ans la malaria a tué peut-être 100 millions de personnes, c’est le tribut payé pour satisfaire les exigences des écologistes qui prétendaient sans aucune preuve à l’appui que le DDT pouvait décimer le plancton, être à la longue cancérigène ou encore favoriser l’apparition de super-moustiques résistants au DDT et donc à tous les autres insecticides puisque ce produit était le seul efficace contre ces insectes volants. Pour l’anecdote il faut rappeler que le développement immobilier des côtes de l’Hérault et de l’Aude, depuis la Camargue jusqu’à Perpignan, infestées de moustiques et réservées aux aventuriers dans les années 50 et 60 ont été nettoyées à l’aide de DDT utilisé en quantités massives. Sans ce produit, la Grande-Motte, pour ne citer que cet exemple, n’existerait pas. Oh, je sais, cette éradication des moustiques a favorisé le tourisme de masse et enrichi les promoteurs, un combat contre la nature qui a engraissé les riches, c’est ce que les écolos vous balanceront dans les dents si vous osez argumenter contre l’ineptie de l’interdiction du DDT. 1

Mais revenons à ces moustiques vecteurs de la malaria et de bien d’autres maladies parasitaires et virales qui tuent en gros un million et demi de personnes dans le monde chaque année. Pas de quoi s’alarmer, la planète est surpeuplée, la nourriture va manquer, les combustibles fossiles aussi, autant laisser mourir un million d’enfants (qui ne se reproduiront pas) chaque année, c’est bon pour l’avenir de l’humanité.

C’est en résumé l’idéologie des écologistes et ça fait peur parce qu’ils ont pour mission de répandre la peur par tous les moyens.

Une équipe de biologistes de l’Imperial College à Londres a entrepris pourtant, malgré les efforts des écologistes pour dissuader ce genre de recherche, de modifier génétiquement des moustiques de l’espèce Anopheles gambiae, le principal vecteur de la malaria afin de rendre leur descendance majoritairement mâle. Horreur et damnation, il s’agit de manipulations génétiques ( doi: 10.1038/ncomms4977 (2014) ) ! Mais si l’on oublie l’aspect polémiste de cette approche car il s’agit tout de même de lâcher dans la nature des insectes génétiquement modifiés, c’est bien pire que  planter des porte-greffes de vigne résistants au court noué. Les moustiques, ça vole et ça peut répandre de mauvais gènes alentour ; il faut reconnaître que cette approche pour combattre la malaria est porteuse d’immenses espoirs quoi que puissent en penser les écolos !

Il est très intéressant d’exposer l’approche adoptée par les biologistes de l’Imperial College car elle pourrait être appliquée à bien d’autres insectes ravageurs notamment des cultures, justement. Dans le principe, il s’est agi de faire en sorte que les femelles, après fécondation, produisent une descendance majoritairement mâle. Le moustique mâle, comme l’homme, possède un chromosome sexuel X et un chromosome sexuel Y et la femelle deux chromosomes X. Lors de la méiose, c’est-à-dire la réduction de moitié du nombre de chromosomes pour produire les gamètes, la femelle aura toujours un chromosome X . Si par un moyen quelconque on arrive à détruire le chromosome X du mâle tout en préservant son chromosome Y, alors la descendance sera inévitablement mâle. C’est cette approche conceptuelle qu’ont choisi Nikolai Windbichler et Andrea Crisanti, les principaux auteurs de cette étude, pour faire en sorte que la descendance du moustique soit majoritairement des mâles qui, entre parenthèses, ne piquent pas et se contentent de butiner quelques fleurs pour se nourrir.

L’astuce a consisté à introduire le gène d’une endonucléase existant dans un lichen, il fallait l’imaginer, appelé Physarium polycephalum, peu importe le nom scientifique, un enzyme qui coupe spécifiquement un morceau d’ADN présent uniquement sur le chromosome X, cet enzyme appelé « I-Ppol » détruisant le chromosome X. Pour les femelles, il y a une chance sur deux que l’un des chromosomes X disparaisse lors de la méiose, mais pour le mâle, c’est sans appel, le chromosome Y n’étant pas affecté, la descendance sera alors exclusivement constituée de mâles. Le tour est joué ! Si on entre dans le détail des travaux réalisés pour atteindre ce résultat on est carrément émerveillé car il s’agit de vraie science au niveau moléculaire et non pas de pseudo-science frelatée à la Séralini. Il a fallu modifier l’endonucléase proprement dite en modifiant son gène afin d’allonger sa durée de vie et son affinité pour la portion d’ADN du chromosome X qui devait être attaquée en se basant sur la structure tridimensionnelle de la protéine en déterminant ainsi quel aminoacide devait être changé pour atteindre ce but. A chaque aminoacide correspond un codon de trois lettres dans l’ADN codant pour la protéine ; pour atteindre le but recherché il existe un moyen simple mais tout de même complexe consistant à procéder à ce que l’on appelle de la mutagenèse dirigée, et d’observer quelles sont les nouvelles propriétés de l’enzyme modifié produit dans un système bactérien approprié. Finalement ces travaux qu’on peut qualifier de somptueux et nobélisables ont permis d’obtenir un enzyme qui résiste à la chaleur, jusqu’à 54 degrés et présente une affinité trente fois supérieure à celle de l’enzyme non modifié génétiquement pour le site particulier de l’ADN du chromosome X du moustique qu’il aura pour mission de tout simplement détruire. Le résultat est incroyablement banal puisqu’il a fallu atteindre deux modifications ponctuelles de l’enzyme, de la leucine 111 en alanine et du tryptophane 124 en leucine, et pas plus que ça …

moustiques_1

Naturellement il a fallu ensuite introduire ce gène modifié dans le patrimoine génétique du moustique pour arriver au résultat escompté. Sans entrer dans les détails, les curieux peuvent toujours aller cliquer sur le DOI inséré plus haut ou le lien en fin de billet, le gène a été introduit conjointement avec une construction comportant une protéine fluorescente (eGFP) à l’aide d’un promoteur de la tubuline beta-2. C’était pour faire simple … Toujours est-il que les résultats sont sans appel comme l’indique le graphique ci-dessous :

moustiques_2

En noir figure le contrôle avec des mâles normaux et des femelles normales et l’apparition des femelles dans la descendance et en rouge la même évolution de la densité de femelles avec des mâles génétiquement modifiés. Et si on s’intéresse aux œufs le résultat est encore plus évident :

moustiques_3

Après trois générations il ne reste pratiquement plus de femelles et le nombre d’oeufs atteint presque zéro, normal puisqu’il n’y a pratiquement plus de femelles ! Ces travaux d’une sophistication extrême ont donc consisté à créer une distorsion de la fonction sexuelle au niveau chromosomique par introduction d’une nouvelle activité enzymatique qui a pour objectif une stérilisation de l’espèce en orientant la descendance uniquement vers les mâles par destruction spécifique du chromosome X des mâles. Pour l’anecdote cet enzyme dont il est question utilise des atomes de zinc comme cofacteurs pour fonctionner correctement et ce travail, au final, permettra peut-être de « dézinguer » ces sales bêtes qui me rappellent à leur bon souvenir chaque fois que j’ai une crise de malaria.

Pour aller plus loin : présentation de l’étude scientifique

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  • C’est intéressant mais si les moustiques OGM souffrent d’un désavantage au niveau de la reproduction, alors ils seront simplement éliminés par sélection naturelle, non ?

    • Certes, mais c’est le but recherché. Considérant que les moustiques transmettent toutes sortes de maladies virales comme la dengue, la fièvre jaune, la maladie du Nil ouest ou le chikungunya, parasitaires comme le paludisme ou la filariose ou encore la tularémie, l’extermination des vecteurs, Culex, Aedes et autres Anopheles, par cette méthodologie sera une grande victoire. J’ai vécu dans un pays où la malaria et la dengue sont endémiques et sur le plan économique c’est tout simplement catastrophique. On s’immunise contre la dengue après l’avoir contracté encore qu’il y a plusieurs sous-types de virus mais pas contre la malaria (P. vivax) et chaque fois qu’un moustique vous pique vous êtes exposé à nouveau à la maladie. Il y a donc avec cette nouvelle méthode de stérilisation des moustiques applicable aux diverses espèces une immense avancée car la destruction du vecteur conduit à la disparition de la maladie.

      • J’ai bien compris que c’est le but recherché. Ce que je comprends moins c’est comment ce but pourrait être atteint. Si les moustiques OGM sont moins efficaces pour se reproduire, alors le processus de la sélection naturelle favorisera les moustiques normaux. Du moins si l’on suit les propositions de Darwin.

        • Les moustiques OGM ne sont pas moins efficaces pour se reproduire. Il n’y a pas concurrence entre deux populations distinctes, qui se féconderaient au sein de leur communauté, mais accroissement rapide de la proportion mâles/femelles et simultanément de la proportion OGM/normal au sein des mâles. En schématisant, vous remplacez 1 mâle par un OGM dans une population de 100 couples, dont survivent deux enfants par couple. A la génération suivante, vous avez 99 femelles et 101 mâles, dont 2 OGM. Il y a 98 chances sur cent que les deux mâles qui restent célibataires ne soient pas les OGM, et que la génération suivante comprenne 97 femelles et 103 mâles, dont 4 OGM. Puis 93 femelles et 107 mâles, dont 8 OGM ou presque, etc.

          • Ah OK je crois que je comprends. Tant qu’il restera des femelles (donc non-OGM), la proportion des mâles OGM qui se reproduiront avec réduira le nombre de femelles de la génération suivante tout en augmentant la proportion des mâles OGM. Le résultat sera une réduction du nombre de femelles et donc de la reproduction. Pas bête. 🙂

  • Les mêmes traitements, auraient-ils les mêmes effets sur les socialistes ? au cas où…

    • MDR

      C’est vrai ça : et la parité dans tout ça? 😉

      Plus sérieusement, article très intéressant (avec un paragraphe technique que j’ai zappé à force d’éternuer 🙂 ) qui nous livre de possibles bonnes nouvelles. Et par les temps qui courent, elles sont plus que bienvenues.

      Merci Monsieur Henry.

    • Là, c’est une affaire à 3 chromosomes, E, N et A…

    • Et sur les prostituées, c’est possible? Car elles aussi sont vecteur de tout un ensemble de maladies…
      Bon attendons encore un peu, avant de le lâcher, pour l’instant, c’est la coupe du monde de football.

  • On pourrait aussi éviter d’avoir des caries ( les dentistes ne seraient pas contents) en développant des bactéries OGM qui ne fabriqueraient pas l’acide à partir du sucre ingéré. Bien sûr il faudrait que ces bactéries soient plus compétitives pour prendre la place des autres.Vu les réticences il est peu probable que cela se fasse .. et pourtant cela éviterait beaucoup de douleurs et de frais à beaucoup de personnes.

  • Ces maudits ecolos! N’y aurait il pas mien de les traduire devant un tribunal international pour crime contre l’humanité ? !

  • Le DDT n’a jamais été interdit dans la lutte contre le paludisme. Pourquoi mentir comme ça ? Juste pour le plaisir d’accuser les écologistes de 100 millions de morts ?

    Le DDT a toujours été utilisé, et continue à être utilisé, parmi d’autres insecticides, dans la lutte contre le paludisme. Par contre il y a de plus en plus de moustiques qui sont résistants à ces insecticides.

    Regardez plutôt ce que disent les publications scientifiques et les rapports de l’OMS. Vous n’y trouverez pas d’accusations de génocides vis-à-vis des associations écologistes : http://www.factsory.fr/2014/ddt-le-mythe-du-genocide-ecolo/

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