Inondations : les Serbes abandonnés à leur sort s’auto-organisent

De nombreux Serbes expriment leur mécontentement face à l’apparent manque d’organisation des hauts responsables de l’État pendant les inondations tragiques.

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Inondations : les Serbes abandonnés à leur sort s’auto-organisent

Publié le 23 mai 2014
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Par Danica Radisic, traduction de Suzanne Lehn.

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Une catastrophe naturelle d’une ampleur inconnue depuis plus de 120 ans a frappé la Serbie et la Bosnie en ce mois de mai, avec un système nuageux géant de basses pressions qui a déversé en seulement trois jours l’équivalent de trois mois de précipitations.

De nombreuses villes de Serbie et de Bosnie noyées sous plusieurs mètres d’eau ont été évacuées, laissant près de 50 morts [les autorités refusent de donner un bilan officiel] et des sinistrés par dizaines de milliers. En Serbie, les autorités sont accusées de bâcler les opérations de sauvetage, tandis que les mouvements de la société civile se mobilisent de façon impressionnante.

Les premières alertes aux inondations pour la Serbie et la Bosnie-Herzégovine remontent à la mi-avril 2014, et quelques montées des eaux mineures, non exceptionnelles dans la région à cette période de l’année, sont apparues dans la suite du mois.

Pendant la semaine du 12 mai, un voile nuageux a recouvert la région et la pluie est tombée plusieurs jours sans discontinuer. Dès le 15 mai, on enregistrait les premiers morts et plus de 500 personnes étaient évacuées de leurs maisons. La pluie a continué à jet continu les jours suivants et les nombreux cours d’eaux qui traversent les deux pays gonflaient toujours.

Cinq villes, dont la capitale Belgrade, et 16 municipalités ont déclaré l’état d’urgence le 15 mai, tandis que les parties occidentale et centrale de la Serbie subissaient de plein fouet les crues. Des opérations de sauvetage par l’armée ont été presque aussitôt mises en place, et les évacuations en nombre de plusieurs villes ont été rapides et généralement efficaces. Obrenovac, une ville voisine de Belgrade et siège d’une importante centrale thermique, a perdu de nombreuses vies humaines.

Les opérations administratives de secours et le relogement des évacués n’ont toutefois pas été aussi bien coordonnés que les actions de l’armée et de la police.

Dimanche 18 mai, un éditorial du portail Druga Strana (Autre côté) sous le titre « État [serbe], nous ne voulons plus de toi » a critiqué la désorganisation et le manque d’information fournie par le gouvernement de la République de Serbie au long de la catastrophe. Le texte a été vite et largement diffusé sur les réseaux sociaux et repris en beaucoup d’endroits. Le site est occasionnellement inaccessible à cause, officiellement, du nombre de visites pour cet article particulier.

L’éditorial résume la déception de beaucoup en Serbie face à l’apparent manque d’organisation des hauts responsables de l’État pendant ces inondations tragiques. Il commence par louer la coordination éminemment efficace des simples citoyens et de plusieurs nouveaux mouvements civiques au moment de la catastrophe naturelle :

Que les choses soient claires dès le départ : toutes les félicitations au peuple de ce pays. Si nous ne nous avions pas, nous serions perdus depuis longtemps. En voyant l’auto-organisation et la force de solidarité qui se sont prodiguées en un temps très court, on ne peut qu’être fier et comprendre immédiatement pourquoi nous avons survécu à tant de choses au long de l’histoire.

Parce que nous sommes, en définitive, là les uns pour les autres dans les pires situations. Peut-être qu’en temps normal nous considérons cela trop souvent comme acquis. Nous nous imaginons être seuls, nous débrouiller par nous-mêmes, mais comme nous le voyons en ce moment, ce n’est pas tout à fait le cas.

De l’autre côté, l’État a montré une paresse et une impréparation inédites, et une totale désorganisation. Qui a besoin d’un État pareil ?

L’article énumère ensuite les erreurs commises par les autorités pendant les inondations et qu’on entend ou lit souvent en ce moment dans les rues et sur les médias sociaux de Serbie. Entre autres, le Président Tomislav Nikolić est critiqué pour ne s’être adressé qu’une fois à la nation par les médias pendant toute l’épreuve, alors que le Premier Ministre Aleksandar Vučić, précédemment accusé de réprimer la presse dans le pays, l’est pour avoir monopolisé les ondes en mettant la tragédie à profit, avec d’autres ministres, pour des séances de photos et des prises de position politiques.

Pendant ce temps, les gens se sont alliés dans plusieurs mouvements civiques pour contribuer aux opérations de secours, depuis le renforcement des digues dans des villes comme Kostolac, d’où provient 20% de la production d’électricité de la Serbie, à la vérification d’information et aux systèmes de distribution sur les réseaux sociaux et des sites comme Poplave.rs (Inondations) et Nestali.rs (Disparus). Dans les premières 24 heures d’installation du site pour les disparus dans les inondations, le site a reçu 270 signalements de disparus et 11 de retrouvés.

Une équipe de journalistes, blogueurs, professionnels de l’informatique et de la communication anime ces deux sites et d’autres, dans une action très coordonnée pour ne transmettre et diffuser a la population que de l’information vérifiée et à jour  et cartographier les dégâts des inondations.

Parmi la masse de tweets critiquant les autorités et louant les efforts des citoyens, celui-ci du blogueur et photographe Dušan Ninković dit tout haut ce qu beaucoup pensent depuis des jours :

Soyons volontaires, après avoir sauvé ces gens, [pour] construire le Corridor 11 [une voie rapide très nécessaire reliant Bari, Bar, Belgrade et Bucarest, un projet dans les cartons depuis des années], l’autoroute Horgos-Pozega [un tronçon autoroutier depuis la Hongrie traversant la Serbie et entaché de soupçons de corruption], le canal de Soluna [une liaison fluviale Belgrade – Thessalonique, dont la faisabilité est mise en doute par certains experts], et le tunnel sous le mont Fruska [un des plus importants projets d’infrastructure de Serbie du Nord, prévu pour démarrer en 2015] ?

— Dusan Ninkovic (@DusanNinkovic) May 18, 2014


Publié par Global Voices.

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  • Les dégats en Serbie et dans la région ne sont pas des pertes pour tout le monde.
    De façon assez odieuse, des responsables de EELV capitalisent sur ces pluies pour vendre leur camelote de catastrophe climatique. Il fallait se munir de sacs vomitifs hier lors du débat télévisé sur France 2 pour entendre M. Jadot le répéter plusieurs fois.

  • quoiqu’il se passe de dramatiques dans un pays , il vaut mieux que les citoyens retroussent leur manches et s’entraident ; ne pas compter sur l’état est le meilleur moyen de s’en sortir ;

  • Encore des inondations hors normes, mais heureusement certains nous assure qu’il n’y a pas d’augmentation des catastrophes d’origine climatique.
    Heureusement que face à cela l’humain est capable de réagir collectivement sans une autorité supérieure sinon l’humanité aurait disparue depuis bien longtemps par le principe de la sélection naturelle.

    • « assurent » c’est plus sûr ainsi.

    • Effectivement, les albanais et les serbes du Kosovo ont tous en mémoire la solide et bienveillante humanité, merci à vous.

      Un jour, il faudra comprendre que le libéralisme ne s’appuie que sur des individus de « salon », fraichement arrosé, doucement grossi mais que…que…l’humanité ne leur ressemble ; et, heureusement, sinon nous ne serions plus là.

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