Liberté d’expression : l’envers du décor

Comment peut-on attendre de l’État une ligne de conduite cohérente en matière de liberté d’expression alors qu’il est en permanente évolution, jouet des éléments ?

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0
Liberté d'expression (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Liberté d’expression : l’envers du décor

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 31 janvier 2014
- A +

Par Melchior de Solages.

imgscan contrepoints 2013-2572 liberté d'expressionLe limon de la bien-pensance s’est trouvé furieusement malmené par l’actualité de ces dernières semaines. Nous tâcherons de montrer que le débat sur la liberté d’expression, poussé à bout, est apte à le labourer en profondeur jusqu’à faire ressurgir les hypocrisies du système qui y sommeillent – comme autant de bulles troublant enfin l’épaisseur d’une boue stagnante.

Dans ce monde qui se fuit, délaissant dans sa course tout ce qui pèse, l’immédiateté est de mise et l’on ne s’embarrasse plus du fond des choses. Requérir un temps de réflexion, de maturation est considéré comme aveu de faiblesse. Très vite, le discours de part et d’autre du spectre politique tourne au binaire et à l’imprécatoire. Le débat sur la liberté d’expression ne fit pas exception et sombra à mesure des flash-actus dans le tourbillon médiatique. Pour ou contre. Tout ou rien. Ou bien l’État a à limiter la liberté d’expression, ou bien l’on doit se résoudre à lui laisser libre cours. Chaque intervenant est sommé de trancher, sous peine d’inaudibilité médiatique.

Tâchons de prospecter plus avant et de sonder le fond du problème. Pour commencer, il convient de rappeler une vérité première : la liberté n’est pas l’équivalent du champ des possibles ! Aussi bien, dans une certaine mesure, parler de limiter la liberté relève du tautologique. La liberté pleine et entière est un chemin déjà bordé de limites qui lui sont inhérentes. En prendre conscience permet de repousser le parti pris exposé supra d’une liberté d’expression libre de tous liens. Une liberté sans limite est un concept sans structure. Il ne gardera comme saveur que l’arrière-goût amer d’un idéal flétri. Bref, il est bon de voir la liberté d’expression dans son châssis, sans lequel elle n’avancera pas.

Poursuivons. Maintenant qu’il est établi qu’une liberté ne doit évoluer sans structure qui la sous-tende, il convient de s’interroger sur l’arbitre à qui l’on cède cette charge de structuration : en l’occurrence l’État. Mais l’État est-il véritablement en mesure d’assurer pareille tâche? En a-t-il seulement l’autorité ? Rappelons que l’autorité est tout autre chose que le pouvoir. Elle en est même aux parfaits antipodes étant l’art précieux de ne jamais rien avoir à imposer ou pour mieux friser l’aphorisme, l’art d’imposer en proposant. Or, démocratique, fondé sur un rapport de forces par nature volatile, l’État convainc difficilement de son autorité. Comment rendre compte sur la durée d’une censure ballotée par la houle électorale alors même que le bien et le mal ne partagent pas ce luxe ? Comment peut-on raisonnablement attendre de l’État une ligne de conduite stable et cohérente alors qu’il est lui-même en permanente évolution, jouet des éléments ? Tout indique que s’abandonner à l’État en matière de censure, c’est, en définitive, attendre d’une bouée ce qu’on attend d’une ancre un soir de tempête.

Mais alors, que faire si la censure démocratique n’a, en soi, aucune autorité en la matière ? Eh bien : commencer par remarquer qu’il en va de même pour la démocratie de façon générale. C’est une entité désincarnée, une nébuleuse éthique structurellement sans repère et sans attache. Comme pour tout en démocratie, on ne doit donc tolérer les limitations imposées par l’État à la liberté d’expression qu’au titre d’un arbitrage subtil entre attachement à la paix sociale et degré d’injustice subie. C’est le lot de notre époque.

Reconnaître qu’il n’est pas nécessairement mauvais de limiter la liberté d’expression et que, par suite logique, l’action même de censure n’est pas à rejeter en vrac est primordial, bien entendu. Mais dans la foulée, oublier de faire remarquer que l’État démocratique qui exerce cette censure n’a, dans le fond, aucune autorité quelle qu’elle soit, même théorique, c’est passer à côté d’une occasion trop rare – et pour certains savoureuse – de titiller du bout du doigt le bien-fondé du pouvoir en place.

Voir les commentaires (2)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (2)
  • Cet article n’apporte pas grand chose au débat sur la liberté d’expression, je le trouve même fumeux . Je vous suggère la lecture de l’article de Philippe Nemo sur le même sujet , disponible sur le site de l’Institut Turgot. Et bien sûr , « De la liberté » de Mill qui à mon avis n’a pris aucune ride.

  • Résumé : censurer Dieudonné c’est bien. Quand c’est l’état socialiste qui censure il faut utiliser cet argument pour déstabiliser le pouvoir.

    C’est la position de l’UMP non?

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

« Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates à la lanterne. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira ! Les aristocrates on les pendra. Si on n’les pend pas, on les rompra. Si on n’les rompt pas, on les brûlera. »

Voilà ce que nos enfants apprennent à l’école : à pendre, à démembrer, à brûler leurs édiles.

Le président de la République avait produit un livre quelques mois avant sa première élection :  Révolution.

Bientôt on fêtera la prise de la Bastille. Une centaine de morts, dont le gouverneur de la prison vide où ne résidait pl... Poursuivre la lecture

Nous pensons généralement que l’innovation, surtout technologique, est neutre socialement et politiquement, mais c'est faux. L’innovation de rupture est particulièrement subversive, au sens où elle renverse l’ordre établi et les valeurs reçues. Elle est en cela un facteur-clé de la démocratie. Cette nature subversive explique à la fois pourquoi elle est importante et pourquoi elle fait l’objet d’une âpre résistance.

Dans son ouvrage Capitalisme, socialisme et démocratie, l’économiste Joseph Schumpeter a décrit le fameux processus écono... Poursuivre la lecture

Le 21 mars 2023, Valérie M. 56 ans, originaire du Pas-de-Calais, et militante Gilet jaune, a posté un message sur Facebook dans lequel elle traite « d’ordure » le chef de l’État la veille d'une intervention télévisée. Elle a été placée 9 heures en garde à vue dès le lendemain.

Elle est citée à comparaître au tribunal de Saint-Omer le 20 juin 2023. Elle ne risque pas la prison, mais est passible d'une amende pouvant s'élever à 12 000 euros pour outrage à personne dépositaire de l’autorité publique et injure au président de la République... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles