Le drame de la nuance en politique

Dans le désert idéologique, il ne reste plus qu’à nuancer. Nuancer les opinions, nuancer les propos.

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Nuances politiques (Crédits : René Le Honzec/Contrepoints.org, licence Creative Commons)

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Le drame de la nuance en politique

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 31 décembre 2013
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Par Rémy Va.

imgscan contrepoints 2013-2532 nuances politiquesNous le savons tous, les politiciens usent de multiples stratagèmes pour nous asservir, pour assouvir leurs besoins de pouvoir, de richesses ou de connivence. Parmi ces stratagèmes, l’un des plus efficaces, devenu au fil des années largement implanté dans le cerveau des Français est l’idée de nuance. La nuance est la clef de la boîte de Pandore, le laissez-faire des politiques coercitives et illégitimes.

Le rôle fondamental de la philosophie morale est l’identification du bien ou du mal. Quant à la politique, elle vise fondamentalement à fixer les principes et les normes d’un système social, à déterminer les droits et les devoirs de chacun dans le cadre des relations qu’ont les êtres humains. La politique est en conséquence étroitement liée à la philosophie morale : nous ne saurions fixer des normes et des principes sans nous poser la question du bien et du mal et de l’idéal que nous cherchons à atteindre.

La politique française, et la politique de la quasi-totalité des pays du monde, est mollement divisée entre deux camps : les progressistes, généralement classés à gauche, et les conservateurs, généralement classés à droite (ces deux mouvements sont parfois séparés d’un centre mou dont l’existence est purement dépendante de l’existence de la gauche et de la droite). Néanmoins, ces deux tendances politiques sont convergentes et se réclament toutes deux de la « démocratie ». Nous citerons par exemple les « democrats » aux États-Unis situés à gauche de l’échiquier politique, les « liberal democrats » au Royaume-Uni situés au centre, le parti libéral-démocrate au Japon situé à droite.

En France, le Parti Socialiste et l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) se réclament aussi d’une tendance « démocrate », voire d’un mouvement « républicain ». Personne n’a besoin d’être un expert en sciences politiques pour constater que ces deux partis majoritaires ont de nombreuses similitudes, savamment cachées par des « querelles » politiciennes : débats superficiels terminologiques (« identité nationale ») ou portant sur des faits divers (Leonarda, bijoutier de Nice). Quand les distinctions politiques se tarissent, les leaders de ces deux partis sont forcés de se chamailler sur des bisbilles qui n’ont strictement aucune conséquence sur la politique nationale. Ces deux partis sont tombés d’accord depuis bien longtemps sur ce qu’est le mal (le libéralisme, les ultra-riches, les inégalités) et ce qu’est le bien (le « républicanisme », le patriotisme, l’interventionnisme étatique). Dans ce désert idéologique plat, il ne reste plus qu’à nuancer. Nuancer les opinions, nuancer les propos.

Pour ces professionnels de la nuance, il faut imposer avec modération, ou taxer selon certaines limites. De restreindre la liberté au nom de l’intérêt général, de mettre en place des réglementations molles bien que meurtrières pour l’économie.

Il n’existe alors plus de différence absolue entre le bien et le mal. Le débat philosophique, pourtant source de la théorie politique, est totalement exclu.

La nuance est perverse, principalement parce qu’elle supprime cette distinction fondamentale entre le juste et l’injuste, entre A et B, entre la raison et la déraison, entre le bien et le mal. Elle mène même à des conséquences contradictoires. Ces politiciens qui souhaitent imposer des limites à la liberté (notamment la liberté d’expression, sur les crimes nazis ou sur des propos discriminatoires) oublient que restreindre la liberté, c’est précisément supprimer la liberté. Être partiellement libre signifie ne pas être libre.

Dès lors, dans ce brouillard de la nuance, nous pouvons taxer n’importe quel citoyen ou n’importe quelle entreprise avec modération. Mais quelle modération ? Qui fixe cette modération ? C’est une question à laquelle personne ne peut répondre et qui est sujette aux manœuvres politiciennes et clientélistes, qui sont pour le coup entièrement déconnectées de la dichotomie fondamentale entre le bien et le mal.

Imaginez-vous à la tête d’une nation dans laquelle vous êtes chargé d’appliquer des règlements et des normes. Vous êtes chargé d’appliquer un taux d’imposition, et l’idée de nuance politique vous impose de taxer avec « modération ». Vous ne vous posez plus la question fondamentale de la légitimité de l’impôt ou de son caractère juste ou injuste, bref, de la distinction entre A et B. Idem si vous êtes chargé de restreindre la liberté d’une catégorie de la population : au hasard, des homosexuels. Vous êtes chargé de déterminer si les homosexuels peuvent se marier ou non (que ce soit vous ou, dans les pays démocratiques, la majorité, ne change rien aux termes du débat). Vous ne vous posez plus la question de la légitimité de votre pouvoir, à savoir « qui suis-je pour autoriser ou interdire à certaines personnes d’établir un contrat entre elles ? ».

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  • La phrase d’introduction gâche ce bon texte. Au contraire d’un désert idéologique, on souffre d’une inondation idéologique, avec un socialisme en situation de quasi-monopole politique, accompagné d’un néo-keynésianisme mâtiné de mercantilisme qui monopolise la science économique. Rarement notre démocratie, ou plutôt ce qu’il en reste, n’a autant ressemblé à l’Ancien Régime qu’en ce moment, avec ses privilégiés improductifs défendant leurs rentes financées par des impôts illégitimes qui laminent les productifs assujettis de force. C’est donc par nécessité que toute philosophie est rejetée en faveur du mensonge idéologique, car c’est le seul moyen de justifier le vol institutionnalisé.

    Quand l’idéologie politique et ses certitudes obtuses remplacent la philosophie politique, ses doutes et ses interrogations, bref quand tout débat devient impossible ou vain, la démocratie est morte et nos pays n’ont plus de démocratique que le nom. L’idéologie a été le péché capital du XXe siècle, époque pas tout à fait terminé en 2013. Heureusement, cette ère de l’idéologie triomphante se termine sous nos yeux, avec la crise terminale des social-démocraties surendettées et l’effondrement à venir des Etats providentiels obèses.

  • « Vous ne vous posez plus la question de la légitimité de votre pouvoir, à savoir « qui suis-je pour autoriser ou interdire à certaines personnes d’établir un contrat entre elles ? »

    Si j’autorise je répond à la nécéssité de liberté de choix, sinon je suis liberticide ! la réponse est donc très claire pour le mariage pour tous 😉

    • Sauf que le mariage civil, c’est la reconnaissance (virtuelle) par la société (=État, malheureusement) toute entière d’une union. Or, la société n’a peut-être pas envie de reconnaître unanimement le mariage pour tous. La suppression du mariage civil implique un contrat qui n’engage que deux personnes, pas deux personnes et l’État. Cette phrase de conclusion signifie que l’État n’a pas à représenter un « intérêt général », qu’il n’en a pas la légitimité, que ce soit pour autoriser ou interdire. Un État n’est pas plus légitime quand il autorise quelque chose que quand il l’interdit, tout simplement parce que l’État est par essence illégitime. Le mariage pour tous, c’est un mariage civil, mais c’est aussi un nouveau contrat qui passe sous le giron et le contrôle de l’administration.
      En bref, supprimons le mariage civil.

      • « L’erreur moderne est de penser que les choses importantes doivent être planifiées, sponsorisées, révisées ou autorisées par l’Etat. Les deux camps dans le débat sur le mariage gay partagent la même hypothèse qui est essentiellement collectiviste » (David Boaz)

  • Si vous estimez que le dit contrat vous causera à vous , votre descendance un préjudice vous etes en droit de vous y opposer .
    il y aurait encore des gens qui ont une longue histoire ? un passé d’ ancetres glorieux ou pas , je comprend que ces gens hésitent , aurait ils comme un sentiment de trahison ? est ce bien raisonnable ?
    d’ autre part il semble que certains comme @ citoyen brandissent la pancarte Liberticide , comme d’ autres placent les mots fachos ou bobo et ainsi la messe est dite point ( pour eux.

    • Vous n’avez aucun pouvoir sur autrui, tout ça : ce sont des foutaises. Premièrement parce qu’aucun juge censé n’établira que vous subissez un préjudice d’un contrat de mariage entre deux personnes (ce n’est pas parce que vous êtes choqué que c’est un préjudice). Quant à votre descendance, par définition c’est une descendance et elle n’existe pas et n’est donc pas un sujet de droit.
      Quant à la rhétorique du passé glorieux ou de la tradition judéo-chrétienne, ce sont aussi des foutaises : vous ne pouvez pas supprimer la liberté d’individus au nom d’une vague idée collective. Aucun individu n’a jamais signé un contrat disant explicitement « j’accepte de se soumettre aux valeurs morales du pays dans lequel je suis né et ne rien avoir à y redire ».

      •  » Vous n avez aucun pouvoir sur autrui  » Ah bon ! possible ds les régimes totalitaires ou pseudo démocratiq comme en france, par contre en démocratie il y a bien un pouvoir des citoyens .
        Dans mon post précédent il n’ est pas mentionné de juge (ou tribunal ce qui signifie qu ‘il y a d’ autres moyens d’ opposition
         » La descendance n’ existe pas « mais voyons @ mégalo ! si vous avez des enfants , ils existent non ?
        Ce qui est certain c’ est que ce pays n’ est pas né d’ hier et pour certains ( pas vous) ça compte .
        Pour savoir ou on va il vaut mieux savoir d’ ou on vient .

        • Votre descendance, c’est soit des gens à venir (donc qui n’existent pas encore), soit des individus (INDIVIDUS !). Je ne connais pas de sujet de droit qui s’appelle « descendance » et qui puisse justifier qu’on interdise le mariage de deux individus.

          • Synonyme de Descendance = parenté vous aurez la définition ds un dico ( différente de la votre…
            D’autre part votre contrat entre 2 personnes : non ! ce contrat n’ a de valeur n est légitime qu’ avec une 3 èm personne qui est souvent Maire or cette personne n’ agit pas seulement comme individu mais étant élue est mandatée par des gens qui lui ont fait confiance et peuvent donc ( pour les opposants au nouveau mariage ) se sentir justement trahis .

  • Les commentaires sont fermés.

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