Quand l’État brise les familles

En Italie, des parents viennent de se faire retirer la garde de leur enfant au prétexte qu’ils étaient trop vieux pour s’en occuper.

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Quand l’État brise les familles

Publié le 15 novembre 2013
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Par Stéphane Montabert, depuis Renens, Suisse.

L’histoire révoltante de la semaine nous vient d’Italie où des parents viennent de se faire retirer la garde de leur enfant, leur enfant biologique, au prétexte qu’ils étaient trop vieux pour s’en occuper – une situation qui a ému même la rédaction du Matin.

Gabriella Carsano et Luigi Deambrosis sont empêchés de revoir la petite fille qu’ils ont eu par procréation assistée, elle à 56 ans, lui à 62, après des années passées à tenter d’avoir un enfant. Leur faute ? Avoir laissé le nouveau-né dans leur voiture à quelques mètres d’eux…

En allant faire des courses, le couple laisse la petite dans la voiture. Enfin laisser est un grand mot, selon leur avocat, qui expliquera aux juges saisis pour abandon de mineur que Luigi Deambrosis montait la garde quelques mètres plus loin.

Le couple sera finalement acquitté de l’accusation outrancière « d’abandon de mineur » mais la machine judiciaire s’est mise en branle et plus rien ne peut l’arrêter. Elle réclame du sang.

Deux jours après l’ouverture de l’enquête, les carabiniers frappent à la porte et emmènent l’enfant, âgée de 35 jours à peine. Le début d’un calvaire épouvantable qui durera trois ans. Le couple gagne le procès [sur l’abandon de mineur], mais ne réussit pas à récupérer la petite, placée dans une famille d’accueil. (…)

Douce image d’une police toquant à l’aube à la porte pour arracher un nouveau-né à ses parents… Écartons d’un revers de main les excuses banales comme la décision arbitraire d’un juge mal embouché : l’ensemble de l’affaire est complètement assumé par la justice italienne du début à la fin. Le dénouement survient après trois ans de lutte parce que les parents ont désormais perdu tous leurs recours, tant en appel qu’en cassation, donc devant toute une brochette de magistrats expérimentés. À tous les niveaux la même justification: trop vieux pour avoir un enfant.

Dans le dernier verdict, les magistrats de la Cour de cassation ont été extrêmement clairs : la différence d’âge entre les parents et l’enfant est trop importante. La fillette devra être adoptée et ses parents naturels ne pourront plus jamais la voir.

Dans la mesure où partout dans le monde les circonstances de la vie font que des millions d’enfants sont élevés par leurs grands-parents ou d’autres encore, ce jugement absurde cache évidemment quelque chose.

Un besoin narcissique de détruire une famille

La correspondante italienne du quotidien évoque l’aspect « social et affectif » de l’affaire face à une société avide de faire un enfant après la cinquantaine, mais il ne s’agit pas que d’une question technique liée à l’effet de la procréation assistée. Sur un autre média, on apprend que la cour – du haut de sa grande sagesse – dénonce « le besoin narcissique d’avoir un enfant ».

Remercions nos parents d’avoir éprouvé pareil besoin narcissique, faute de quoi l’humanité aurait disparu depuis longtemps.

Certes, parents âgés dit parents grabataires à long terme ; la cour affirme ainsi, de façon péremptoire, que les parents « ne se sont jamais posé de questions sur le fait que leur fille se retrouvera orpheline très jeune et qu’elle sera contrainte de prendre soin de parents âgés ».  Mais qu’en savent-ils ? L’espérance de vie augmente sans cesse. Les parents pourraient avoir pris les précautions pour assurer leurs vieux jours, assurer leur fille contre les aléas de la vie, avoir des cousins ou des neveux prêts à aider plus tard… Ironiquement, la suppression de leur descendance par la cour garantit que les parents âgés seront dans leur vieillesse exclusivement à la charge de la société.

En lieu et place de catastrophes hypothétiques, la justice italienne a choisi de façon plus pragmatique d’infliger la douleur de la perte immédiatement. Mais aussi de faire un exemple.

Les décisions de justice absurdes ne sont parfois que le reflet des contradictions du législateur. Ici, les juges ont appliqué – avec toute l’inhumanité qu’il sied à leur robe – la loi italienne controversée sur la procréation assistée.

[La procréation assistée en Italie] n’est permise qu’à un « couple » répondant à différentes conditions. Les deux membres du couple doivent être majeurs, de sexe différent. Il doit s’agir d’un couple marié ou d’un couple vivant en concubinage. Les deux membres du couple doivent être « en âge de procréer » et ils doivent être vivants. Sont donc exclus de la procréation assistée les mineurs, les femmes seules, les couples d’homosexuels et les « madri nonne » (mères grands-mères).

En gros, ne sont autorisés à procréer avec assistance que les parents qui pourraient « traditionnellement » avoir un enfant, et donnez ici l’interprétation la plus conservatrice de ce terme. Mais qui aurait imaginé que ces limitations à la procréation assistée s’appliqueraient même après la naissance de l’enfant ? Les juges italiens, des hommes sans aucun doute formés, cultivés et intellectuellement développés, n’ont pas hésité une seconde à se lancer dans cette trajectoire kafkaïenne. Leurs décisions sont plus évocatrices de leur humanisme que n’importe quel discours.

Pour échapper au carcan de restrictions légales absurdes, Gabriella Carsano et Luigi Deambrosis avaient fait comme des centaines d’autres Italiens : ils sont allés à l’étranger. Mal leur en a pris, ils ont désobéi. Il fallait les punir pour leur outrecuidance. Pour l’exemple.

Que les Italiens souhaitant vaincre les faiblesses de la nature pour avoir une descendance sachent à quoi ils s’exposent : si la « justice » s’intéresse à leur cas, quelle que soit le prétexte, leur famille sera brisée.

Le tout dans l’intérêt de l’enfant, bien entendu. Nous ne sommes plus à un mensonge près.

A lire aussi : Assaut policier chez une famille scolarisant ses enfants à domicile, les enfants enlevés de force.

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  • vouloir systématiquement contourner les lois de la nature au prétexte de la liberté est parfois plus une marque d’orgueil ou de narcissisme destructeur qu’un véritable altruisme.
    Ces lois ne sont pas forcément des faiblesses : le Créateur est vraisemblablement plus sage que ses créatures, ou pour les non-croyants, le hasard ne fait pas si mal les choses.
    La procréation assisté n’est souvent qu’un miroir aux alouettes.

    Faut-il pour autant tirer sur les blessés : la justice humaine est parfois idéologue.

    • Voila, c’est à peu près à ça qu’on pensé les juges Italiens. C’est aussi la raison pour laquelle j’en ai un peu ma claque, à force, d’une certaine catégorie de croyants, qui contribuent à nous pourrir la vie comme s’il n’y avait pas assez des socialistes.

    • Pire ! en Grande Bretagne, un cumul de 90 000 enfants ont été retirés de leur famille et ce dans la même journée reprendre leurs habits et jouets) avec interdiction de les revoir (à vie) …(une émission sur ARTE) après une petite tape derrière la tête ou une toute petite fessée voir un gamin qui exagère sur la punition de ses parents…(bien qu’il existe des cas valables) Une loi du temps du Mickey Tony Blair est interprétée avec zèle par des fonctionnaires anglais avec une prime d’objectif à la clef…certaines familles quittent le pays pour ne pas être séparés de leurs enfants…

    • Perso, ça me va très bien. IL faut respecter les lois de la nature.
      Jusqu’où irait-on dans le droit de faire et d’avoir ce qu’on veut ?
      La décadence est apparemment aussi chez les libéraux. A qui se fier ma bonne dame.

  • C’est tout bonnement dégueulasse!

  • Les dérives arrivent en France aussi. Un bébé a été retiré des ses parents parce que sa mère est végétalien.
    http://educateur-specialise.blogspot.fr/2013/07/laffaire-joachim.html

    Ce n’est pas le seul enfant d’avoir été retiré de ses parents abusivement n’en plus.

  • En france nous avons viré une pauvre famille, puis notre président, pris d’un élan de folie, a soudain décidé de briser cette même famille en ne faisant revenir que la fille, Léonarda.

    Au plus haut de l’état cher Monsieur, au plus haut de l’état je vous dit !

    • Je rappelle que la famille de Léonarda était en situation irrégulière depuis quatre ans. Donc, il était parfaitement normal qu’ils soient renvoyés.

  • dans les affaires de placement d’enfant, un autre point à avoir à l’esprit est que tout un système en vit (familles d’accueil, foyer, institution…) ; il n’a donc pas intérêt à ce que les placements soient prononcés.

    cet article se focalise sur ce couple, me donnant la désagréable impression de vouloir justifier la PMA pour tous.

    Mais il y a des milliers de cas tout à fait « ordinaires » et tout aussi douloureux !

  • difficile….
    je trouve que c’est inhumain mais je présume que les juges avaient des arguments un peu plus consistants que ce qui est présenté.

    A partir du moment la société s’arroge le droit de retirer un enfant à ses parents pour de  » bonnes « raisons, il n’y a pas de limites hors de celles dictées par les moeurs du temps…Qui varient..
    Il y a eu une époque où les parents avaient droit de vie ou de mort non???

    A vrai dire je me pose des questions sur le but de l’article…

    AU passage curieuse époque qui voit, après un fait divers tragique , un bébé qui meurt dan s une voiture , en toute personne qu laisse un bébé un instant, un meurtrier en puissance…

    Une fessée..en taule….et bientot un mot déplacé , qui peut heurter un enfant plus qu’une fessée …

    wow un monde meirveilleusement aspetisé en perspective.

  • C’set absolument révoltant! Que peut-on faire? Est-ce que la cour européenne des droits de l’homme a son mot à dire? C’est inadmissible d’enlever ainsi un enfant à ses parents biologiques, honte à ces juges.

  • Ça sent l’odeur du fascisme de Mussolini. Et l’Europe dans tout cela que dit-elle ?

  • Eh oui. La famille, premier adversaire contre la toute-puissance de l’État.

  • Les commentaires sont fermés.

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