Art béninois : la tentation de Venise  

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La Biennale de Venise (c) Wikipédia

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Art béninois : la tentation de Venise  

Publié le 13 juin 2024
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La Biennale de Venise de cette année se tient largement à l’écart des soubresauts géopolitiques mondiaux et du climat politique enflammé de la Botte. Fait marquant : avec doue pays, l’Afrique est particulièrement bien représentée lors de cette édition. Parmi eux, le Bénin, pays pour lequel cet événement est l’occasion de célébrer une création artistique dynamique et un modèle sociétal original dans la région.

Par Charles de Blondin

Événement majeur de l’art contemporain, cette année, la Biennale a pour cadre la Cité des Doges, à Venise. Les craintes quant à la figure de son directeur, Pietrangelo Buttafuoco, homme de lettres sicilien converti à l’islam connu pour ses accointances avec l’extrême droite italienne, se sont révélées infondées : la Biennale a mis en avant la diversité culturelle, dans une approche à la Levi-Strauss, avec un nombre record de pays disposant de leur propre pavillon.

 

Biennale de Venise 2024 : une édition réussie

Au total, ce sont 88 pays qui participent, démontrant que ce rendez-vous culturel a le vent en poupe. Du 20 avril au 24 novembre, la Sérénissime voit défiler des artistes du monde entier – 331 au total-, réunis sous le thème « Étrangers partout » que le commissaire brésilien de l’événement, Adriano Pedrosa, par ailleurs conservateur du musée d’art de Sao Paulo, présente comme « une célébration de l’étranger, du lointain, de l’outsider, du queer et de l’indigène. »

Depuis sa fondation en 1895, la Biennale a été dominée par les créations occidentales et, dans une moindre mesure, asiatiques. Mais l’Afrique tire désormais son épingle du jeu. Des pays attendus sont représentés, comme l’Afrique du Sud, l’Égypte, le Cameroun ou la Côte d’Ivoire. Plus surprenant, on trouve aussi sur la liste les Seychelles ou l’Ouganda. La République démocratique du Congo est aussi de la fête, malgré un contexte politique troublé, marqué par un affrontement entre l’armée nationale et la guérilla du M-23 autour de la ville de Goma. Plus surprenant encore, le Bénin, petit pays d’Afrique de l’Ouest, ne passe pas inaperçu dans la ville lagunaire.

 

Le pavillon béninois : rappel d’une singularité nationale du Dahomey à nos jours

Son pavillon met en avant quatre artistes : Romuald Hazoumé, Chloé Quenum, Moufouli Bello et Ishola Akpo.

Le premier de la liste, Romuald Hazoumé, jouit de la plus grande notoriété internationale. Descendant de la royauté yoruba, une ethnie à cheval entre le Bénin et le Nigéria, il aime célébrer dans ses Å“uvres la figure de l’Amazone, et rappeler que Tassi Hangbé, l’une des reines du royaume du Dahomey, est la première à avoir créé le corps des Amazones. Un musée de l’Épopée des Amazones et des Rois du Dahomey retrace cette histoire à Cotonou. Romuald Hazoumé, figure de proue du pavillon béninois et artiste engagé, rend également hommage à la coexistence religieuse du petit pays d’Afrique de l’Ouest, parlant de « catholiques tropicaux » et de « musulmans tropicaux », pour souligner des soubassements culturels communs au-delà des clivages confessionnels.

L’accent mis sur le syncrétisme religieux dans le pavillon du Bénin s’explique facilement par la situation du pays. Le paysage confessionnel du Bénin, caractérisé par sa diversité – 43 % de chrétiens, 27 % de musulmans, et 18 % d’adeptes des religions traditionnelles – et son harmonie religieuse, tend à devenir une exception dans la région.

 

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Alors que l’Afrique de l’Ouest connaît une période d’instabilité entre putschs et situation économique morose, la Biennale de Venise, en portant en haut de l’affiche des pays de la région – Cameroun, Côte d’Ivoire, Bénin – fait le pari que l’art dispose d’un pouvoir sur le cours du monde.

 

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