Les mots qui ne traduisent plus la vérité sont comme des oiseaux empaillés. La France, en ce moment, est devenu un grand centre de taxidermie.
Par Nicolas Nilsen.

Avant-hier encore, j’entendais le Gouvernement nous assurer que “la courbe du chômage s’inversait” alors que tout le monde voit bien que Pôle emploi finira par être emporté par une terrible marée noire. Donc le chômage “baisse”, disent-ils, tout comme les prix “baissent”, ou la croissance “repart”…). Plus personne, évidemment, ne croit plus à ces contorsions de langage qui cherchent à faire prendre des vessies pour des lanternes.
Hier dans le métro, un type distribuait aux voyageurs des petits cartons avec “Jésus fils de Dieu. Pour vous !” Tout le monde refusait, en faisant non de la tête et baissant les yeux sur leurs portables. Lassitude générale : plus rien ne passe, les mots sont usés jusqu’à la corde, plus personne ne croit plus en rien. Et les ministres ont beau “renouveler” leurs “éléments de langage”, plus personne ne les croit plus (même pas eux j’imagine car ils connaissent les vrais chiffres comme vous et moi).
Platon aurait dit [1] que “la perversion de la cité commence par la fraude des mots”. On est donc bien en pleine perversion langagière. Ils auront beau chercher à les renouveler, le maquillage des mots ne marche plus. Dire qu’un corbeau est un “perroquet monochrome” ne sert à rien ! Appeler main au cul le “baise-main du pauvre” n’est pas plus respectueux. Appeler une limace un “escargot à bâtir” ou un café un “lieu de cohésion sociale”, tout ça ne sert à rien. Perversion !
Un disciple demanda un jour à Confucius quelle lui semblait être la première tâche à faire pour le souverain d’un pays. Il répondit : restaurer le sens des mots. «Si les dénominations ne sont pas justes, si elles ne correspondent pas à la réalité, le langage est vide. Quand le langage est vide, l’action devient impossible, toutes les entreprises humaines se désintègrent, et il devient impossible et vain de les gérer».
Les mots – ou les idées – qui ne traduisent plus la vérité, qui ne portent plus, qui ne dérangent plus, ne mobilisent plus sont comme des oiseaux empaillés ! La France, en ce moment, est devenu un grand centre de taxidermie ! Et je crois même que tous les ministres sont des volatiles empaillés…
NB. Il faut évidemment faire une différence entre la volonté disons de ne pas mépriser – que je peux admettre (genre appeler un balayeur “technicien de surface” (!) ou une femme de ménage “employée de maison” (!!) et, ce qui est très différent, la volonté de dissimuler délibérément comme dire “des jeunes” pour des délinquants, des “incivilités” pour des vols, un “salon de massage” pour un bordel, ou un “sentiment d’insécurité” pour de la criminalité… etc. Et, puisqu’on parle de la Syrie en ce moment, des “tirs de Tomahawks” pour des bombardements sanglants…
- Les dirigeants devraient arrêter net de mentir !
- Finalement la crédulité de ce Peuple est sans limite
- Note de Contrepoints : pas de source identifiée pour la citation concernée. ↩
Et nos académiciens qui n’en foutent pas une ramée ! ça aide pas non plus.
Un exemple lié à l’actu :
Jeune, je me suis marié avec une femme, Beurk, j’ai convolé.
Maintenant je vais me remarier avec un copain, très chou, je vais anusvoler.
Les académiciens feraient bien de se remuer l’anus pour mettre le dico à jour.
quelle finesse !
“Pour votre sécurité, espace sous vidéo-protection”… parce-que si je me fais agresser, la caméra va peut-être descendre de son socle et foutre une raclée à mon agresseur…? Tiens, non… on m’aurait menti ?
“les mots qui ne traduisent plus la vérité”.
Un article qui demanderait un développement tant le sujet est vaste…
Les mots sont devenus des balises à sens interchangeable.
Bah, le Français lui-même est fondé sur la perversion des mots: http://fare.livejournal.com/155322.html
J’adore ton article. Comme presque toujours.
Mais quand même, une évolution qui prends des siècles ce n’est pas une perversion.
Un que j’aime beaucoup: Solidarité au lieu de taxe
ou encore
PSE, plan de sauvegarde de l’emploi
pour plan de licenciement
Sans-papier,
pour immigré clandestin
Qui peut me confirmer que Goebbels aurait dit “nous allons changer le sens de mots pour que vous ne puissiez penser que comme nous”
(lire aussi “LTI la langue du IIIème Reich”, et bien sur “1984”)
Le dictionnaire ne suffisant plus il faut y ajouter des lexiques ad hoc
voir par exemple http://blog.mr-int.ch/?p=541&lang=fr
Peine en milieu ouvert pour dire on laisse le voyou en liberté
Ce n’est pas la réalité, mais ce n’est pas faux : on a simplement remplacé le terme ou l’expression descriptive par une généralisation ou (mieux) une projection sur l’objectif désiré (ou l’utopie?)
Très juste.
On ne croit plus un mot de ce qu’ils nous racontent. “ils”, ce sont les politiciens et les médias grand public.
Il faut arrêter de les nourrir et les laisser crever.
Faute d’arriver à agir sur la réalité, les hommes politiques agissent sur les mots pour travestir la triste réalité.
Cette prétendue analyse n’est qu’une élucubration grotesque. – ” Plus le mensonge est gros, mieux il passe !” n’affirmait-il pas un de nos anciens présidents de la République. De surplus, ridiculiser a toujours frappé l’esprit des faibles et évite les contreverses mal venues. Il est évident qu’une personne sensée et surtout un déséritée n’aspire qu’à un meilleur niveau de vie.
De manière générale que serait un monde de pauvres tous égaux devant la misère? Sans chercher la petite bête on peut estimer que si 20% d’entre nous possède 50% de la richesse mondiale; cela reviendrait à dire que le monde abandonnerait 50% de ses richesses acquises aux oubliettes… Peut-on penser que cela représente le but d’une personne normale ? Non c’est l’inégalité vertigineuse qui est visée, la corruption, les paradis fiscaux qui jouent approximativement le même effet castrateur sur nos sociétés et l’économie mondiale en permettant à des conglomérats privés égales en puissance monétaires, et même supérieurs à certains Etâts, de bloquer des sommes fabuleuses ( probablement pas loin des fameux 50% évoqués ci-dessus) afin de s’en servir uniquement pour leurs affaires personnelles. Cette situation à laquelle aucuns élus ne paraît vouloir s’attaquer vraiment ( ou pouvoir) signe la faillite et la fin à cours terme des démocraties.