Comment l’aide extérieure a aggravé le désastre égyptien

L’économie égyptienne ne s’améliorera pas tant que le gouvernement ne ramènera pas les dépenses publiques sous contrôle. Or l’afflux d’aide permet au gouvernement de continuer sa fuite en avant, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les Égyptiens.

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Comment l’aide extérieure a aggravé le désastre égyptien

Publié le 14 août 2013
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L’économie égyptienne ne s’améliorera pas tant que le gouvernement ne ramènera pas les dépenses publiques sous contrôle. Or l’afflux d’aide permet au gouvernement de continuer sa fuite en avant, ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour les Égyptiens.

Par Dalibor Rohac, depuis les États-Unis.
Un article du Cato Institute, traduit par Libre Afrique.

Les sénateurs américains John McCainet et Lindsey Graham pourraient désormais être personae non grata en Égypte, mais leur appel à cesser l’aide américaine en faveur de l’Égypte est pleinement justifié. L’histoire de l’Égypte exhibe toutes les pathologies couramment décrites par les critiques de l’aide extérieure : gaspillages, conséquences inattendues et émergence d’une culture de la dépendance et de l’inertie des politiques publiques.

Cela ne devrait pas être une surprise étant donné que l’aide, en provenance des États-Unis, d’Europe ou du Golfe, n’a pas été motivée par des raisons économiques, mais plutôt par l’importance politique de l’Égypte qui est le pays arabe le plus peuplé.

Une partie de l’aide a été orientée vers la promotion des droits de l’homme et de la bonne gouvernance. Avec le recul, une grande partie semble avoir représenté un gaspillage d’argent. Entre 2007 et 2013, l’Égypte a reçu 1 milliard d’euros de l’UE, ce qui en fait l’un des principaux bénéficiaires de l’aide européenne. Selon la Cour des comptes européenne, l’aide, dont la moitié a été simplement donnée au Trésor égyptien comme soutien budgétaire direct, n’a rien fait pour encourager la bonne gouvernance, les droits de l’homme ou la lutte contre la corruption. De même, en 2009, l’US Office of Inspector General concluait que le soutien américain à des ONG égyptiennes n’avait pratiquement aucun effet positif sur la société civile en raison de l’oppression du régime de Moubarak.

Mais le gaspillage est un problème relativement mineur par rapport à l’effet corrosif que l’aide continue d’exercer sur le paysage politique et économique égyptien. Depuis l’indépendance de l’Égypte, les États-Unis ont fourni à l’Égypte quelques 70 milliards de dollars d’aide, la plupart allant à l’armée du pays. Les forces armées de l’Égypte sont les plus importantes du continent africain et contrôlent une grande partie de l’économie, entre 15% et 40% du PIB, selon certaines estimations. L’armée dirige des hôtels et de nombreuses entreprises, allant de la production d’appareils de cuisine à celle d’huile d’olive ou d’eau en bouteille.

Après le coup du mois de juin, il est très difficile de prétendre, comme certains l’ont fait par le passé, que l’armée est une force bienveillante, ou que l’Occident a une influence sur elle. En réalité, cette organisation pléthorique, opaque et puissante constitue désormais le principal obstacle à la transition de l’Égypte vers une forme de gouvernement représentatif.

Mais il y a pire. L’aide qui est arrivée après le Printemps arabe – en particulier du Qatar – a probablement dissuadé le gouvernement de lutter contre le déficit budgétaire croissant du pays. Le Qatar a donné au gouvernement de Mohamed Morsi, au cours de sa première année au pouvoir, 7 milliards de dollars d’aide tout en s’engageant à acheter des obligations d’État et à investir 18 milliards de dollars dans le pays au cours des cinq prochaines années. L’afflux de l’aide a permis à M. Morsi d’augmenter le nombre d’emplois publics ainsi que les dépenses en subventions, sans courir le risque immédiat d’insolvabilité de l’État.

Le nouveau gouvernement mis en place par l’armée adopte la même stratégie. « Nous chercherons à injecter davantage de nouveaux fonds dans l’économie et ne pas suivre les mesures d’austérité », dit Ahmed Galal, nouveau ministre des Finances de l’Égypte, et ce, malgré le déficit budgétaire qui a atteint 11,8% du PIB au cours des 11 premiers mois de l’exercice 2012 -13.

Voilà qui est néfaste pour l’économie : les problèmes économiques de l’Égypte ne sont pas cycliques et ne peuvent être résolus par une relance. Ils sont, par nature, d’ordre structurel et de long terme. L’économie égyptienne ne s’améliorera pas tant que le gouvernement ne ramènera pas les dépenses publiques sous contrôle par la réduction des subventions, la réduction d’une bureaucratie publique pléthorique, et le démantèlement de la myriade d’obstacles inutiles à l’activité économique.

Quoi qu’il en soit, l’attitude blasée des responsables égyptiens vis-à-vis des réformes économiques a été rendue possible par l’afflux massif d’aide et des prêts à court terme du Golfe après l’éviction de Morsi, qui a dopé les réserves de change du pays vers ses plus hauts niveaux depuis 2011. Les Émirats arabes unis ont envoyé 3 milliards de dollars, suivis par 2 milliards de dollars de l’Arabie saoudite. Entre temps, le Koweït a annoncé une aide de 4 milliards de dollars au pays.

L’afflux d’aide permet au gouvernement de continuer sa fuite en avant. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle pour les Égyptiens, en particulier pour les 25% qui vivent en dessous du seuil de pauvreté de 440 dollars par an. L’Égypte peut s’attendre à un réveil brutal lorsque le robinet financier du Golfe et de l’occident se fermera. Malheureusement, il semble qu’il faille une crise majeure de la balance des paiements pour forcer les décideurs égyptiens à s’attaquer sérieusement aux problèmes économiques dont souffre leur pays.


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