Guerre des changes : à qui gagne perd

Alors que les craintes de guerre des changes montent, l’euro fort est-il vraiment une mauvaise nouvelle ?

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Guerre des changes : à qui gagne perd

Publié le 29 juillet 2013
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Alors que les craintes de guerre des changes montent, l’euro fort est-il vraiment une mauvaise nouvelle ?

Par Yann Henry.

La guerre des changes semble déclarée. Le postulat de départ de ses défenseurs : une monnaie forte nuirait à l’économie, et une relance de cette dernière passerait inévitablement par une dévaluation. Si cette thèse ne fait pas l’unanimité, elle semble communément admise et de nombreux gouvernements semblent vouloir s’engager dans cette voie.

Cette opinion est en tout cas largement partagée en France parmi les partis politiques. Pour le Front National, « le taux de change de l’euro est beaucoup trop élevé pour la France, accélérant les délocalisations et la désindustrialisation de notre pays ». Le Parti de gauche veut s’attaquer à l’euro fort, qu’il appelle «euro Merkel».

Cette opinion est également partagée au sommet de l’État et par plusieurs membres du gouvernement. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, pour qui « l’euro est trop haut par rapport à ce que l’économie européenne, pas seulement française, est en droit d’attendre », est (pour une fois) sur la même longueur d’onde que Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, qui s’inquiète que l’euro soit « fort, peut-être trop fort ». Seul l’UMP n’en fait pas le bouc émissaire des malheurs de la France, mais elle reste muette sur ce sujet.

Les critiques sont d’autant plus importantes que la zone euro semble parmi les moins actives dans cette guerre. La banque HSBC a ainsi évalué le degré de participation à cette guerre des changes :

On le voit, dans tous les pays étudiés la guerre s’est intensifiée, et il apparaît que, malgré une plus grande activité qu’en février 2012, la zone euro reste « à la traîne » (si l’on considère qu’être très actif dans ce domaine est une bonne chose).

La question du niveau de l’euro par rapport aux autres monnaies est légitime, mais il est difficile de savoir s’il y a surévaluation, et si oui de combien. On peut tout de même formuler quelques remarques et apporter des éléments de réflexion.

Tout d’abord, le commerce de la zone euro ne semble pas affecté puisqu’elle dégage un excédent commercial assez conséquent (81,8 milliards d’euros en 2012).

Au mois de mars 2013, l’excédent atteignait même son niveau record avec 22,9 milliards d’euros, pour atteindre 14,1 puis 15,2 milliards d’euros les deux mois suivants. Il est vrai que ce chiffre agrégé cache de grandes disparités, notamment entre les forts excédents allemands et les importants déficits français.

Le déficit de la balance commerciale française atteint 63,3 milliards d’euros sur les 12 derniers mois, mais quand on regarde le solde avec nos principaux partenaires commerciaux, il semble difficile d’incriminer l’euro :

On observe que parmi les sources de déficits de la balance commerciale se trouvent de nombreux producteurs d’énergie. Cette impression est confirmée quand on regarde le détail des déficits par produit :

Les hydrocarbures naturels et les produits pétroliers représentent un déficit cumulé de presque 70 milliards d’euros. Il y a nécessité d’importer ces matières premières, capitales pour nos économies, donc si l’euro devenait plus faible, la facture énergétique serait d’autant plus élevée et pénaliserait les citoyens comme de nombreuses entreprises.

Regardons l’évolution du taux de change de l’euro depuis son lancement (en janvier 1999) par rapport à plusieurs monnaies parmi les plus importantes : le dollar américain, le franc suisse, la livre sterling, le yen et le renminbi :

Une base 100 est indiquée en janvier 1999. Un niveau supérieur à 100 s’interprète comme une appréciation de la monnaie par rapport à l’euro.

On voit que les devises suisses et japonaises se sont fortement appréciées, ce qui a entraîné un certain interventionnisme. La Banque nationale Suisse (BNS) avait établi en septembre 2011 un seuil de 1,20 CHF/€ au-delà duquel sa monnaie ne serait pas autorisée à se déprécier. Mais le prix à payer fut lourd. La BNS a ainsi dû acheter près de 200 milliards d’euros en obligations d’États (principalement françaises et allemandes). Son bilan atteint désormais plus de deux-tiers du PIB de la Suisse (400 Mds CHF contre 580 Mds CHF). Comme déjà évoqué, l’interventionnisme de la Banque du Japon (BoJ) est également important et son mandat est même étendu depuis l’élection de ShinzoAbe (achat d’obligations souveraines, taux maintenus artificiellement bas, objectifs d’inflation relevés…). Les résultats sont d’ailleurs spectaculaires puisque, depuis moins d’un an, le yen s’est déprécié par rapport à l’euro de plus d’un quart de sa valeur.

On note que le plus important pays excédentaire par rapport à la France, c’est-à-dire la Chine, a vu sa devise s’apprécier par rapport à l’euro. La plus forte dépréciation est constatée pour la livre sterling, alors que c’est avec le Royaume-Uni que le plus gros excédent commercial est dégagé.

L’euro faible semble donc être une solution illusoire. Les importations seraient renchéries, ce qui diminuerait encore le pouvoir d’achat. Les exportations seraient certes favorisées, mais le niveau du taux de change ne semble pas déterminant pour la balance commerciale. De plus, les banques centrales qui se sont engagées dans cette guerre des devises ont gravement alourdi leurs bilans. Ce qui compte pour les investisseurs, c’est sans doute plus la stabilité d’une monnaie que son niveau absolu.

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Publié initialement sur 24hGold

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  • article limpide et simple, par ces chiffres et la démonstration.

    • sauf en ce qui concerne la facture énergétique d’une dévaluation du Franc ! = 7,5 % ! pas davantage . Un simple « oubli » sans doute ?

  • Petite erreur : un déficit de – 52423 millions d’euros sera un excédent de 52423 millions…

    • Non, tout dépend de la convention choisie. Sur mes comptes bancaires j’ai bien des chiffres négatifs dans ma colonne débit et positifs dans ma colonne crédit…

  • Pas d’accord.

    L’argument énergétique est le meilleur argument… pour ne rien faire justement. C’est un peu la « malédiction pétrolière » mais à l’envers.

    Il faut regarder la big picture : une dévaluation (en tout cas de la monnaie France) serait un mécanisme de rééquilibrage puissant.

    Car enfin, sous le bouclier Euro les politiciens français se sentent depuis 10 ans protégés, ce qui leur permet les pires folies.

    Une dévaluation importante de la monnaie nationale, les renverrait à leurs chères études.

    En clair : les français seraient contraints d’arrêter d’acheter des merdouilles chinoises, ou alors ils seraient contraints de faire des arbirtrages, ce qui provoquerait une récession, qui entraînerait de facto des réformes (des vraies) structurelles.

    L’Euro est une malédiction pour les pays du sud européens, voire même pour tous les pays (à part l’Allemagne).

    Elle va de pair avec des taux bas, ce qui dérèglent toutes nos économies, et donnent trop de pouvoir à nos cinglés de politiciens, qui multiplient les fausses promesses, les cadeaux, la fuite en avant perpétuelle.

    il faut leur briser les reins, et de ce point de vue rien ne serait plus efficace qu’une brutale et importante dévaluation de notre monnaie.

    Ceux qui continuent à pérorer sur le niveau de l’Euro qui serait acceptable ou qui nous protègerait de la facture pétrolière, se font les complices actifs de la folie de nos politiciens.

  • L’euro doit être combattu, non en raison de sa valeur prétendument trop forte pour nous, encore moins parce qu’on a plus la planche a billet, mais parce qu’il est la colonne vertébrale du projet fédéraliste européen. En tant que patriote français je me refuse a participer à ce projet, oui à l’Europe des Nations, du marché commun, de l’alliance militaire, non à la fédéralisation politique, sociale, fiscale. Revenons au projet de De Gaulle et Thatcher, pour ça l’euro doit mourir.

  • L’Euro sera toujours trop haut pour certains et trop bas pour d’autres, et pour certains il sera toujours une excuse pour leur pietre performance economique.
    C’est pour ca qu’il, faut mettre fin au monopole de l’Euro. Chacun pourra choisir une monnaie forte ou faible, et ce ne sera plus une excuse que les politiciens et autres industriels organisés en lobbys pourront utiliser pour asservir le pays.
    Après tout, si la monnaie d’Etat est si bonne que ca, pourquoi craindrait t’elle la concurrence?

  • bonjour

    Aucun chiffre concernant le renchérissement de la facture énergétique et pour cause l’équipe de Sapir a démontré qu il serait égal à 7,5 % pas plus ! D autre part cette étude simpliste ne prend pas en compte des mesures nouvelles qui seraient prises en cas de dévaluation du Franc. Bref un article inutile sinon de propagande qui ne sert que la classe des rentiers pour lesquels en effet un euro fort permet de voyager à meilleur prix.

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