Libéralisme et science-fiction

Pourquoi la SF est-elle plus libérale que d’autres genres ? La question intéresse les amateurs du genre et les chercheurs en pensées politiques.

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Libéralisme et science-fiction

Publié le 31 mars 2013
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Pourquoi la SF est-elle plus libérale que d’autres genres ? La question intéresse les amateurs du genre et les chercheurs en pensées politiques.

Par Ilya Somin, depuis les États-Unis.

Le libéralisme est plus présent dans la science-fiction et la fantasy que dans n’importe quel autre genre littéraire. De Robert Heinlein aux auteurs d’aujourd’hui, les libéraux sont parmi les maitres du genre. Même si beaucoup d’auteurs ne se définissent pas comme tel, ils utilisent des thèmes libéraux dans leurs œuvres.

Bien qu’il n’y ait pas d’enquêtes ni de données définitives sur le sujet, les lecteurs libéraux semblent plus attirés par la SF et la fantasy que par les autres genres. Les historiens du mouvement libertarien aux États-Unis insistent systématiquement sur  le rôle de la science-fiction au sein de celui-ci. Ayn Rand, probablement l’auteur libertarienne la plus lue, a inclus des éléments science-fictionnels dans ses romans, notamment La Grève.

Pourquoi la SF est-elle plus libérale que d’autres genres ? La question intéresse les amateurs du genre et les chercheurs en pensées politiques. J’essaierai d’expliquer à la fois pourquoi la SF est plus libérale et pourquoi ça importe.

La connexion entre libéralisme et science-fiction est assez difficile à analyser car ces deux concepts sont sujets à controverses. Les libéraux ne sont pas d’accord entre eux sur bien des sujets : si la plupart s’accordent sur un gouvernement limité, certains veulent supprimer complètement l’État. De même, ils sont divisés entre ceux qui basent leur pensée sur l’existence de droits naturels et ceux qui insistent sur l’utilitarisme. Pour cet article, je définirai le libéralisme, de façon assez large, comme la doctrine cherchant à imposer des limites strictes au pouvoir de l’État sur les sujets économiques et sociaux. Les anarchistes, les minarchistes, les jus-naturalistes et les utilitaristes seront tous d’accord sur ce point.

De façon similaire, des litres d’encre et un grand nombre de pixels ont été engloutis par le débat sur la définition correcte de ce qu’est la science-fiction. Là aussi, j’opterai pour une définition large et ouverte. La science-fiction inclut toute histoire se déroulant dans un monde extrêmement différent de notre quotidien ou de n’importe quelle société ayant existé par le passé. Cela englobe les mondes d’inspiration médiévale de la fantasy aussi bien que les futurs hi-tech, bien que parfois, je considèrerai la fantasy comme une catégorie à part.

L’importance de la politique dans la science-fiction

Pourquoi devrions-nous être concernés par la concentration inhabituellement élevée d’auteurs et de lecteurs libéraux dans le genre SF ? Il s’avère que la politique dans la science-fiction a des implications qui vont au-delà du genre lui-même.

La plupart des gens font peu attention à la politique mais dépensent beaucoup de temps et d’énergie à suivre la culture populaire. Et la SF constitue une part importante de cette culture. Un sondage Harris de 2010 montre que 26% des adultes américains lisent des romans de SF, faisant de la science-fiction l’un des genres littéraires les plus populaires, derrière les romans policiers et les thrillers. C’est donc une plus large proportion de lecteurs que celle qui lit des essais sur la politique (17%) ou sur l’actualité (14%). Et ce chiffre n’inclut pas les nombreuses personnes qui regardent des films et des séries de science-fiction. Étant donné sa popularité, la science-fiction pourrait bien influencer les opinions politiques d’une large majorité de gens.

En outre, la SF peut avoir une grande influence politique car elle affecte notre perception de ce que sera le futur. Cela inclut des idées sur les institutions politiques dont nous pourrions avoir besoin dans ce futur. Les gens lisent ou regardent bien plus de SF qu’ils ne lisent d’études sérieuses sur les tendances politiques et économiques à venir. La science-fiction a également un impact politique car une fraction importante de son lectorat est jeune. Toujours selon le sondage Harris, 31% des personnes entre 18 et 33 ans lisent ce genre contre 20% pour les plus de 45 ans. De nombreuses études montrent également que l’opinion politique des gens est plus susceptible de changer quand ils sont jeunes. Toute chose égale par ailleurs, un genre lu principalement par des jeunes est plus à même d’affecter leurs opinions politiques qu’un genre lu par des personnes plus âgées.

La SF a également tendance à attirer des lecteurs ayant un niveau d’éducation plus élevé que la moyenne ; ces personnes sont aussi plus à même d’être politiquement actives et influentes.

Pour ces raisons, la politique dans la science-fiction est digne d’examen même pour ceux qui n’ont que peu d’intérêt pour ce genre en tant que tel. De même, il est important d’essayer de comprendre pourquoi la science-fiction et la fantasy sont bien plus libérales que les autres genres littéraires. Plusieurs facteurs sont à l’œuvre, certains ayant un rapport avec la nature du genre lui-même et d’autres avec la nature des gens susceptibles d’être attirés par les idées libérales.

La politique est loin d’être l’aspect le plus important d’un genre littéraire. De la bonne littérature peut militer pour de mauvaises idées politiques et inversement. Mais, bien que la politique soit loin d’être le seul aspect notable de la science-fiction, il est suffisamment important pour essayer de mieux le comprendre.

La prévalence des idées libérales dans le genre

La présence des libéraux dans la science-fiction et la fantasy a toujours été plus importante que dans tout autre genre littéraire. Robert Heinlein, l’un des pères fondateurs de la SF moderne, était un libertarien assumé. Plusieurs de ses livres contiennent des thèmes libéraux et anti-gouvernementaux. D’autres auteurs connus, comme Larry Niven, David Brin ou Vernor Vinge, se disent ouvertement libertariens. Il y a également un grand nombre d’écrivains qui ne se disent pas libéraux ou libertariens mais qui donnent néanmoins de fortes connotations libérales à leurs œuvres, particulièrement en exprimant un scepticisme vis-à-vis du pouvoir étatique. Ursula LeGuin, l’un des auteurs de SF les plus influents de ces 40 dernières années, est une anarchiste de gauche dont les vues antiétatiques se reflètent dans ses œuvres. On peut dire la même chose, dans une moindre mesure, de bons nombres d’auteurs non-libéraux.

Des tendances similaires sont également très répandues en fantasy. Les récentes œuvres de George R.R. Martin, Joe Abercrombie, Daniel Abraham et bien d’autres, ont adopté une vision très critique du pouvoir de l’État. À la fois dans le populaire Trône de Fer de Martin et dans la série de La Première Loi d’Abercrombie, presque tous les États sont de nature répressive et sont tous dépeints comme étant structurellement déficients. Ça contraste avec d’autres titres d’heroic fantasy plus classiques qui imputent les échecs du gouvernement à un méchant souverain et insinuent qu’il fonctionnerait bien mieux si seulement des personnes bienveillantes étaient au pouvoir. À l’évidence, la première approche est bien plus libérale que la deuxième.

Durant la dernière décennie, les deux œuvres de fantasy ayant eu le plus grand impact culturel sont le classique de J.R.R. Tolkien, Le Seigneur des Anneaux (qui fut adapté en trois films à succès), et la série des Harry Potter de J.K. Rowling. Ces deux œuvres contiennent des notions très libérales.

Dans Le Seigneur des Anneaux, Tolkien a délibérément incorporé sa défiance du gouvernement. L’anneau de pouvoir, qui donne son titre au livre, permet à son porteur de contrôler la volonté d’autrui et finalement le corrompt en même temps. C’est, d’une certaine manière, une métaphore du pouvoir politique. Significativement, même les gens bien, comme Gandalf le magicien, ne sont plus dignes de confiance s’ils portent l’Anneau. S’ils essaient de l’utiliser, ils seront inévitablement corrompus par celui-ci. Le seul moyen d’éliminer la menace posée par l’Anneau est de le détruire car il ne peut pas être utilisé pour faire le bien. Cette attitude vis-à-vis du pouvoir politique, dont l’Anneau est le symbole, est très similaire à celle du libéralisme.

De façon plus subtile, les quelques gouvernements représentés favorablement dans Le Seigneur des Anneaux sont tous de nature minimaliste. La Comté, la société où vivent les hobbits, n’a quasiment aucun gouvernement autre qu’une petite force de sécurité. À la fin du livre, lorsque l’Anneau est détruit et qu’Aragorn est couronné Haut-Roi, l’auteur laisse entendre qu’il n’endossera qu’un pouvoir minimum et appliquera le principe de subsidiarité aux régions vassales.

C’est dans le chapitre « Le Nettoyage de la Comté » que le symbole anti-gouvernemental est le plus explicite. Quand le méchant en second Saroumane prend le contrôle de la Comté, il instaure avec ses partisans un système « de collecte et de partage » grâce auquel l’État spolie la richesse de la population et la transfert vers des groupes qui lui sont politiquement favorables. Cet épisode fut vraisemblablement inspiré par le système de rationnement que le gouvernement de gauche du Labor Party laissa subsister après la Seconde Guerre Mondiale. Plus largement, il représente une critique du socialisme.

Tolkien lui-même n’était pas libéral mais plutôt traditionaliste et conservateur. Il avait cependant une suspicion envers l’État qui se retrouve dans ses œuvres. Dans une lettre personnelle, il écrit que ses « opinions politiques penchent de plus en plus vers l’anarchie (philosophiquement parlant : l’abolition de toute autorité et non des moustachus qui posent des bombes). » Il poursuit en disant que « la tâche la plus indécente pour un homme, même saint… est de gouverner d’autres gens. Pas une seule personne sur un million n’est faite pour ça, et encore moins celles qui en cherchent l’opportunité ». Beaucoup de libéraux seraient d’accord. Tolkien se démarque cependant du libéralisme sur certains sujets, notamment son dégoût de l’industrialisation et de la technologie moderne. Cependant, son attitude vis-à-vis du pouvoir est très libérale.

Tout comme Le Seigneur des Anneaux, la série des Harry Potter de J.K. Rowling comprend aussi de forts thèmes libéraux. Les grands ennemis de Harry Potter et de ses amis Ron et Hermione sont le seigneur des ténèbres Voldemort et ses « mangemorts ». Mais ils se trouvent régulièrement en désaccord avec le Ministère de la Magie, le gouvernement du monde des sorciers. Dans son article « Harry Potter and the Half-Crazed Bureaucracy » le professeur de droit Benjamin Barton note que le ministère illustre les pires cauchemars de l’école des choix publics. C’est un gouvernement composé presque entièrement de bureaucrates irresponsables qui poursuivent leur petit intérêt personnel au dépens du bien public. Les fonctionnaires du ministère abusent régulièrement de leur pouvoir sans les contraintes de la presse, de l’opinion publique ou du processus démocratique. Ils violent les droits civiques, emprisonnent des innocents et se livrent à de la propagande grossière. Quand une bureaucrate du ministère, la pompeuse Dolores Ombrage, prend temporairement la tête de l’école de sorcellerie de Poudlard, elle institue un quasi règne de terreur.

Le ministère échoue également dans ce que la majorité des libéraux considèrent comme la fonction principale d’un gouvernement : la défense des personnes. En dépit des mises en garde répétées de Harry, de son mentor Albus Dumbledore et d’autres personnes, le ministère reste insouciant face à la menace de Voldemort, n’en prenant conscience que lorsqu’il est bien trop tard. La seule opposition réellement efficace à Lord Voldemort vient de l’Ordre du Phoenix, une organisation privée.

En fin de compte, Voldemort prendra le contrôle du ministère et utilisera son pouvoir pour décréter son règne de terreur. Toutefois, les abus perpétrés par le ministère sous le contrôle des mangemorts sont simplement une version extrême des pratiques normales ayant cours sous le règne des précédents ministres. Tous deux emprisonnent des innocents sans procès, tous deux persécutent leurs opposants politiques et tous deux sont irresponsables et égoïstes.

Au travers de sa série, Rowling sous-entend que les déficiences du ministère sont structurelles et non pas le résultat de mauvaises personnes au pouvoir. Même après que l’inefficace ministre de la magie Cornelius Fudge est remplacé, dans le sixième livre, par un chef plus déterminé, les performances du ministère ne s’améliorent pas. Il y a bien au ministère des fonctionnaires compétents et bienveillants comme Arthur Weasley, le père de Ron. Mais ils sont incapables de s’opposer efficacement aux bureaucrates les plus impitoyables qui dominent l’organisation. L’idée que les défauts du gouvernement sont inhérents et ne peuvent être allégés qu’en limitant les pouvoirs de l’État est centrale dans la pensée libérale.

À l’évidence, l’inefficacité du ministère face à Voldemort est, dans une certaine mesure, nécessaire pour l’intrigue. Si le ministère avait vaincu Voldemort tôt dans l’histoire, les héros n’auraient plus rien eu à faire. Cependant, Rowling n’était pas obligée de rendre le ministère de la magie aussi oppressif et inefficace, et elle n’avait pas à consacrer une grande part de l’intrigue à ses échecs.

Contrairement à Tolkien, Rowling n’a peut-être pas inclus consciemment cette thématique antigouvernementale dans son œuvre. Au dire de beaucoup, ses opinions politiques sont, pour une bonne part, d’un progressisme de gauche assez conventionnel.

Néanmoins, la série des Harry Potter reflète une suspicion très libérale vis-à-vis de l’action du gouvernement. Barton suppose que le portrait à charge que dresse Rowling du ministère de la magie provient de sa propre expérience fâcheuse des bureaucrates de l’aide sociale britannique, durant les années où elle était désargentée et seule pour élever ses enfants. Quoi qu’il en soit, la série contient des thèmes fortement libéraux, que l’auteur en soit conscient ou non.

Les idées libérales sont plus rares dans les films ou séries de science-fiction que dans les livres, probablement à cause de l’orientation politique d’Hollywood, fortement marquée à gauche. Contrairement aux écrivains de SF qui se spécialisent dans un genre, les producteurs et scénaristes d’Hollywood ont tendance à être plus généralistes. Cela inclut ceux qui travaillent sur des films ou des séries de SF. Ils expriment ainsi la tendance politique majoritaire dans leur profession plutôt que celle des écrivains de SF.

Malgré ça, le libéralisme semble avoir influencé les travaux de Joss Whedon, probablement le producteur de SF et de fantasy le plus brillant de ces vingt dernières années. Whedon a dit avoir délibérément introduit des thèmes libéraux dans sa série de 2002 : Firefly. Ils sont également évidents dans sa célèbre série Buffy contre les Vampires, dans laquelle les institutions gouvernementales sont systématiquement présentées de façon négatives.

Bien que Buffy et ses amis soient scolarisés dans une école publique prospère qui ne manque pas de fonds, la plupart des fonctionnaires de cette école sont incompétents ou pire. Plus loin dans la série, les efforts du gouvernement US pour utiliser le pouvoir des vampires et des démons à son propre compte sont considérés de façon extrêmement négatives. L’intervention du gouvernement aboutira pratiquement au désastre. Par contraste, Buffy et ses amis, les « Scoobies », sont bien plus efficaces dans leur combat privé contre le monde des ténèbres. Comme dans Harry Potter, l’État se trouve être moins efficace que le secteur privé, même dans ses fonctions régaliennes. Pour souligner ce point, le colonel menant l’initiative gouvernementale dénonce Buffy et les Scoobies comme étant anarchistes, un qualificatif qu’ils adopteront par la suite.

Évidemment, une grande part de la science-fiction moderne n’est pas libérale. Beaucoup d’œuvres sont largement apolitiques et bien d’autres professent des idées conservatrices ou progressistes. Il y a même une longue tradition de science-fiction socialiste remontant au XIXe siècle avec les œuvres d’Edward Bellamy et d’H.G. Wells. La licence Star Trek (films et séries), peut-être la plus populaire des séries de science-fiction, dépeint un futur socialiste de façon favorable.

Toutefois, l’incidence des thématiques libérales dans la science-fiction est bien plus importante que dans le reste de la pop culture et les autres genres littéraires. Aucun autre genre ne peut se vanter d’avoir autant de libéraux parmi ses plus importants auteurs, et aucun n’a si bien transmis les idées libérales de façon régulière.

Pourquoi la science-fiction est-elle si libérale ?

La relative prévalence des thèmes libéraux dans la science-fiction tient à la fois de l’offre et de la demande. Du coté de l’offre, les écrivains libéraux sont plus susceptibles de travailler dans ce genre que dans d’autres. Du côté de la demande, les lecteurs libéraux sont plus à même d’être attirés par celui-ci.

Il y a plusieurs raisons expliquant pourquoi les écrivains libéraux sont plus nombreux que la moyenne. Contrairement à la littérature traditionnelle, qui se déroule la plupart du temps dans notre présent ou dans un passé historique, les œuvres de science-fiction prennent place dans des mondes très différents du nôtre. Ce qui rend plus facile pour les auteurs d’explorer des idéologies radicalement différentes de celles dominantes dans le monde réel, comme le libéralisme. Les utopies et dystopies ont été la base de la science-fiction depuis ses origines. Les œuvres d’Edward Bellamy, H.G. Wells, Yevgeny Zamyatin et George Orwell sont des exemples de SF primitive bien connues. C’est également le cas de certains romans d’Ayn Rand, plus précisément La Grève, qui peuvent être considérés comme relevant de l’anticipation.

Cela ne différencie pas forcément le libéralisme des autres idéologies préconisant un changement dans le statu quo politique. Et c’est indéniablement le cas des autres idéologies radicales qui sont présentes dans le genre, notamment le socialisme et l’anarchisme de gauche. Ça aide cependant à comprendre pourquoi le libéralisme est surreprésenté par rapport aux idéologies plus courantes.

Une seconde connexion entre science-fiction et libéralisme est l’optimisme vis-à-vis de la technologie. Malgré quelques rares exceptions, les libéraux ont tendance à être plus optimistes sur les possibilités des nouvelles technologies pour améliorer nos vies. Par rapport aux adhérents de la plupart des autres idéologies, ils sont plus à même d’accueillir favorablement des avancées technologiques comme le génie génétique, le clonage et l’énergie nucléaire. Bien qu’il y ait d’importants exemples de « technopessimisme » dans la science-fiction, le genre dans son ensemble tend vers l’optimisme technologique, créant ainsi une affinité avec le libéralisme.

Bien évidement, le libéralisme n’est pas le seul courant d’idées qui soit compatible avec l’optimisme technologique. Le communisme et le fascisme du début du XXe siècle étaient également confiants envers les technologies modernes, comme l’étaient de nombreux progressistes. Cependant, depuis l’essor des mouvements écologistes et la menace de l’arme atomique, la gauche politique s’est tournée vers le pessimisme vis-à-vis de la technologie. Quant aux conservateurs, ils n’ont toujours eu que de la suspicion envers celle-ci. Ainsi, le libéralisme est plus compatible avec l’attitude générale de la science-fiction à l’égard des nouvelles technologies que les deux autres idéologies les plus répandues dans le monde occidental.

Une posture commune vis-à-vis de la tradition unit également les libéraux et les auteurs de SF. Le genre a une longue histoire de contestation des traditions sur des sujets politiques et moraux. Bien que des intellectuels libéraux, comme F.A. Hayek, aient insisté sur l’importance d’une tradition librement consentie dans le développement d’un marché libre et de la société civile, le libéralisme dans son ensemble reste sceptique vis-à-vis de la tradition. Après tout, le contrôle de l’État sur l’économie et la société est une longue tradition dans beaucoup de pays.

Ce qui est vrai des écrivains l’est aussi des lecteurs. Eux aussi sont généralement plus ouverts aux idées nouvelles, plus optimistes vis-à-vis de la technologie et moins attachés à la tradition que les lecteurs des autres genres. Ils sont donc plus à même d’être libéraux.

Il y a également un élément de personnalité qui peut inciter les libéraux à devenir des amateurs de science-fiction et inversement. Dans une étude récente, le psychologue Jonathan Haidt démontre que, comparativement aux conservateurs et aux socialistes, les libéraux ont tendance à être plus rationnels mais moins empathiques vis-à-vis d’autrui. En d’autres termes, ils sont plus à même de préférer la logique au détriment des émotions comme base de leurs idées politiques. Cela ne prouve pas nécessairement que le libéralisme est correct. Des tentatives de raisonnement logique peuvent parfois nous induire en erreur et les émotions sont parfois un guide bien utile de la réalité. Quoi qu’il en soit, privilégier la logique sur l’émotion est également une caractéristique de la science-fiction, ce qui explique pourquoi les lecteurs libéraux sont fortement attirés par ce genre.

La littérature traditionnelle se concentre principalement sur les personnages. Ce qui attire l’attention des lecteurs est une identification empathique avec un ou plusieurs personnages et leur développement émotionnel au cours de l’intrigue. Par contre, les histoires de science-fiction mettent l’accent sur la construction d’un univers. La vraie star du show n’est bien souvent pas le personnage principal mais le monde imaginaire créé par l’auteur. On pense à la Terre du Milieu de Tolkien, à l’Anneau-Monde de Larry Niven, au Westeros de George R.R. Martin ou au Terremer d’Ursula LeGuin. Les amateurs du genre adorent considérer le pour et le contre de ces mondes imaginaires, s’ils sont cohérents ou non. Une personne qui est plus attirée par la logique que par les émotions est plus à même d’apprécier ce genre de littérature, centré sur la construction du monde plutôt que sur le développement des personnages. Et une telle personne a plus de chance d’être libérale qu’une autre moins logique mais plus empathique.

Évidemment, les meilleures histoires de SF ont également de bons personnages et certains romans de littérature blanche développent des éléments de leur monde. Les deux ne s’excluent pas mutuellement. Néanmoins, c’est une règle générale : les récits de science-fiction tendent à privilégier la construction d’un monde sur le développement des personnages, là où la plupart des autres genres littéraires font le contraire.

Le mélange entre la réceptivité aux nouvelles idées, l’optimisme vis-à-vis de la technologie, le scepticisme à l’égard des traditions et le fait d’accorder plus de valeur à la raison qu’à l’émotion expliquent la prévalence du libéralisme dans la science-fiction. Aucun autre genre ne combine toutes ces caractéristiques, et bien peu d’entre eux en ont plus d’une ou deux.

Conclusion

Libéralisme et science-fiction ont une affinité de longue date. Ce n’est pas un accident si les œuvres d’auteurs comme Ayn Rand ou Robert Heinlein ont joué un rôle important dans la découverte des idées libérales par un nouveau public. La présence disproportionnée d’idées libérales est susceptible de continuer, tout comme la propagation de ces idées.

C’est un point critique car la science-fiction joue un rôle important dans la culture populaire et dans la conception qu’auront les gens des politiques du futur. Elle a aussi un public ayant beaucoup plus de chance d’être politiquement influant.

Dans le même temps, il est important de noter les limites du genre. Un tiers des hommes lisent de la SF contre seulement 20% des femmes. La science-fiction manque également du prestige intellectuel dont jouit la littérature traditionnelle, ce qui la rend moins attirante à un public intellectuel. Enfin, la SF attire moins les gens ayant un faible niveau d’éducation.

La question se pose si le succès des libéraux en science-fiction peut être reproduit dans d’autres genres. Par exemple, toujours selon le sondage Harris, le genre littéraire le plus populaire aux États-Unis est le policier, lu par 48% des Américains. Ce genre ouvre d’évidentes opportunités pour des écrivains libéraux comme par exemple des œuvres centrées sur les injustices de la « guerre contre la drogue ». On ne compte pourtant que très peu de libéraux dans ce genre, voire aucun.

On peut dire la même chose de la littérature blanche, où l’on compte également très peu de libéraux. L’écrivain péruvien Mario Vargas Llosa, prix Nobel de littérature en 2010, est une exception. Il reste à savoir si son succès peut être reproduit dans le monde anglophone.

Les autres genres ont moins d’affinités avec le libéralisme que la science-fiction. Mais cela ne signifie pas qu’ils y soient totalement hostiles non plus. Il y a de la place pour le développement de ces idées. Cependant, pour le moment, la science-fiction reste la partie la plus libérale du paysage culturel actuel.


Sur le web.
Traduction : Cyril C. pour Contrepoints.

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  • Passionnant. On songe à Zamiatine, Orwell, Zinoviev… Vous ouvrez des pistes de réflexion d’une grande richesse. Merci pour cette belle recherche menée avec tout le soin nécessaire.

    (Votre idée d’un abandon du futurisme par la gauche est très troublante, car elle est vraie et jamais évoquée – à ma connaissance. Elle fait naître mille questions dans ma tête. Merci encore.)

  • Un jour, j’écoutais Mme Badinter (pour qui je l’avoue, j’ai une énorme admiration) sur France Inter. Elle y parlait du siècle des lumières (XVIIIeme) et de tout ses philosophes et elle se lamentait que les philosophes populaires n’existaient plus….

    QUE NENNI !

    Ils se sont simplement réfugiés dans la science fiction tout comme la poésie s’en est allée dans la chanson et la musique d’orchestre dans le cinéma.

    Il n’est absolument pas étonnant de voir tant d’oeuvres de SF libérales puisque les mêmes philosophes libéraux qui oeuvraient au XVIIIeme dans des contes populaires oeuvrent maintenant dans la SF.

    Il n’y a qu’en France qu’on considère la SF comme un genre mineur.

  • http://en.wikipedia.org/wiki/Aldous_Huxley
    http://en.wikipedia.org/wiki/Isaac_Asimov
    Il y a beaucoup de vrai dans la SF, jules vernes, leonardo de vinci sont aussi des exemples de comment fonctionne le monde : on pense, puis viennent les actions qui construisent notre réalité. Il n’y a donc aucune limitation au progrès…en théorie.

  • Hélas, la SF disparait progressivement au profis de la fantasy ou de l’heroic fantasy. Cela se remarque depuis de nombreuses année par leur regroupement chez les libraires.
    Certes, le genre n’est pas encore mort, mais il ralentit fortement.
    L’uchronie, si elle reste marginale, est très intéressante, AMHA, du point de vue politique (cf. Phillip K. Dick dans « Le Maître du Haut Château » ou Kim Stanley Robinson dans « Chroniques des Années Noires »)

  • L’auteur de cet article fait une confusion très commune entre libéral en sens américain du terme (de gauche) et libéral au sens français du terme (de droite). Pour preuve, il range dans le même sac les anarchistes et les libertariens. Alors bien sûr, on peut dire effectivement que l’idéologie libertarienne est clairement de droite, donc libérale au sens français du terme, mais faire une telle confusion entre anarchie et libertarisme, c’est faire preuve d’une totale inculture politique.

    • Non, l’auteur ne fait aucune confusion de cette nature ; c’est un libertarien américain qui ne peut commettre une telle confusion. Il met suffisamment de bémol dans son discours pour expliquer que certains « anarchistes » (de gauche) tiennent sans s’en rendre compte un discours pleinement libéral.

      C’est vous qui avez sans doute fait une lecture trop rapide de l’article, car je ne vois vraiment pas où il entretiendrait une telle confusion.

    • Anarchistes, communistes et libertariens ont au moins une chose en commun : leur envie de voir disparaître l’État. Car, ne l’oublions jamais, Marx et Lénine espèrent la disparition de l’État.

  • A moins que ce ne soit la traduction qui soit naze

    • Non, la traduction est plutôt de bonne qualité.
      Le traducteur a choisi de traduire « libertarian » par « libéral » ou « libertarien » selon que l’auteur original désignait le courant libéral dans son ensemble ou les mouvements libertariens des États-Unis en particulier. Choix judicieux.

      • Mais un libéral, aux USA, est de gauche, et non de droite, contrairement à un libertarien.
        J’insiste, l’auteur ou le traducteur fait une grosse confusion. D’ailleurs, elle est manifeste dans le choix du lien sur le mot « anarchiste » qui pointe sur wikiliberal, qui est un wiki clairement libertarien et libéral au sens français du terme. Ce lien ne pointe pas sur une définition de ce que pourrait être l’anarchie politique mais sur une définition de l’anarco-capitalisme. Cet article est une fumisterie, si ce genre de confusion est fait à dessein, ou contient de grossières erreurs, si l’auteur ou le traducteur étaient de bonne foi.

        • On se croirait chez les trotskistes. « Non, la XXIVème Internationale ne respecte pas la ligne du XVIIIème Congrès ! »

          • Non pas du tout. Je tiens juste à remettre les choses à leur place, c’est tout.
            Les anarchistes ne sont pas des anarco-capitalistes, ou plutôt seuls une toute petite partie d’entre eux, si bien que mettre en lien la définition de l’anarco-capitalisme en lien sur le mot anarchiste est une escroquerie intellectuelle, de la propagande. Etant anarchiste personnellement, je n’accepte pas qu’on assimile ma pensée sur le monde à celle-ci ou au libertarisme car ce n’est pas le cas. D’ailleurs je ne suis pas le seul dans ce cas. J’ai posté un lien vers votre article sur mon profil facebook. Dans ma liste de contact, il y a de nombreux auteurs connus de science fiction francophone, comme Ayerdhal par exemple, et des connaisseurs du genre, et tous ont fait des bonds en vous lisant !!!

            Alors oui, il y a bien un courant anarco-capitaliste au sein du mouvement anarchiste mais il n’est pas représentatif de l’ensemble.
            Oui, également, il y a bien quelques auteurs de SF, anglo saxon pour leur majorité, qui sont de droite ou libertariens, mais là encore, ils ne sont pas représentatif de la majorité de la production dans ce genre.
            Tirer les conclusions que tire l’auteur de l’article sur de tels exemple n’a aucun sens, si ce n’est celui de faire de la propagande. D’ailleurs l’auteur l’admet lui-même, il ne connaît pas bien le genre SF.

          • Et de celui-là http://resf.revues.org/

            On y parle de la science-fiction, et ce sont des érudits sur la question qui en parle, cette fois.

        • « J’insiste, l’auteur ou le traducteur fait une grosse confusion. »
          Vous pouvez insister autant que vous voulez, vous n’avez visiblement rien compris à l’article.

          « Ce lien ne pointe pas sur une définition de ce que pourrait être l’anarchie politique mais sur une définition de l’anarco-capitalisme. »
          Logique puisque c’était bien le propos de l’auteur d’origine. Il évoque bien ici le courant anarchiste du libéralisme.

          Pour preuve, texte d’origine :  » I define libertarianism broadly as the ideology that seeks to impose very tight limits on government power on both economic and social issues. Anarchists, advocates of the minimal state, natural rights libertarians, and utilitarian ones all agree on that much.  »
          Dans le contexte de cette phrase, on comprend aisément que les anarchistes évoqués ici ne sont pas les anarchistes de gauche mais bien les anarcho-capitalistes.

          Il n’y a donc ni erreur de traduction, ni erreur de la part de l’auteur original (qui est du Cato Institute, hein…). Ni mauvaise foi.

          A moins que votre culture politique soit naze…

          • « Logique puisque c’était bien le propos de l’auteur d’origine. Il évoque bien ici le courant anarchiste du libéralisme. »

            C’est bien ce que je dis : cet article a un parti pris et est une escroquerie intellectuelle qui a au moins le courage de s’annoncer comme telle. Il n’en demeure pas moins qu’il véhicule des idées fausses, comme celle qui consiste à dire que TOUS les anarchistes sont des anarco-capitalistes, ou qu’on peut mettre tout le monde dans le même sac au prétexte qu’il y a entre eux quelques dénominateurs communs.

            Enfin, l’auteur n’a pas lu assez de SF sinon il n’aurait pas écrit ça, c’est clair.

            Quant à ma culture politique…

            • Que vous ne soyez pas d’accord avec l’auteur est une chose.
              Mais cessez donc de lui imputer des propos, des erreurs ou des confusions mal-intentionnées qu’il ne tient pas du tout.
              1. L’auteur ne prétend nulle part que tout anarchiste est libéral ou anarcho-capitaliste.
              2. L’auteur ne s’intéresse qu’à une seule chose : les thèmes politiques que l’on trouve de façon récurrente dans la SF sont des thèses politiques défendues par les libéraux.

          • Pour votre gouverne, et aussi pour votre culture politique, l’anarchie politique n’est ni de gauche ni de droite, elle est en dehors des courants politiques qui caractérisent la sociale démocratie.

            • Pour votre gouverne aussi, le libertarianisme (et donc l’anarcho-capitalisme) n’est ni de gauche ni de droite, il est en dehors des courants politiques qui caractérisent la sociale démocratie ou le néoconservatisme.

          • Parfait. Un dénominateur commun de plus, donc.
            Mais pour le reste, là, c’est autre chose.
            Faite donc toute les confusions que vous voulez si ça vous amuse, mais ayez au moins l’honnêteté intellectuelle de reconnaître quand vous publiez un article idéologique. C’est la moindre des choses.
            Et puis lisez plus de SF, ça vous fera les pieds.

            Sur ce, joyeuses pâques

          • Au passage, je vous conseille la lecture de ce site d’une façon générale, et de cette série d’article plus particulièrement http://resf.hypotheses.org/1415

          • « L’auteur ne s’intéresse qu’à une seule chose : les thèmes politiques que l’on trouve de façon récurrente dans la SF sont des thèses politiques défendues par les libéraux. »

            Oui, les libéraux au sens qu’on porte à cela aux USA.

            • Les « libéraux » au sens de « libertarians » pour l’auteur.

              Encore une fois, que vous ne partagiez pas son point de vue est une chose, mais dire qu’il entretient à dessein une confusion est un mensonge.
              Il est au contraire très clair. Par exemple il explique clairement que Rowling est une progressiste de gauche, bien qu’elle développe dans ses romans des thèses qui correspondent exactement aux idées défendues par les libéraux (libertarians).

          • « Oui, les libéraux au sens qu’on porte à cela aux USA. »
            Non, il s’agit bien des Libertarian. D’ailleurs, l’auteur n’utilise pas le terme « liberal » dans son article.

            C’est moi qui ai traduit cet article et j’ai pris le parti de traduire « libertarians » et « libertarianism » par « libéraux » et « libéralisme », sauf quand ça concernait spécifiquement les US. J’ai considéré que « libéral » serait plus parlant pour un lecteur francophone que « libertarien ».

            De plus, cet article est généraliste et n’a pas vocation à être un exposé sur les différences doctrinaires entre anarcho-marxisme et anarcho-capitalisme. Il s’agit plutôt d’un survol des relations entre libéralisme (au sens français du terme, donc) et science fiction. Il se destine prioritairement à des lecteurs n’ayant pas où peu de connaissance dans nos idées, les liens dans l’article étant là pour les plus curieux qui voudraient approfondir leur connaissance des idées de liberté.

          • «  »J’insiste, l’auteur ou le traducteur fait une grosse confusion. »
            Vous pouvez insister autant que vous voulez, vous n’avez visiblement rien compris à l’article. »

            +1

        • Votre erreur est de penser en terme de gauche ou droite. Hors le libéralisme n’est ni de gauche ni de droite.

        • C’est vous qui êtes dans l’erreur, et ou en tout cas qui voyait des problèmes là où il n’y en a pas. Les libertariens ne sont pas « de droite », si tant est qu’on peut accorder un quelconque crédit au fameux axe gauche-droite. On peut dire, si vous tenez tant à cet axe, qu’ils sont moralement de gauche et économiquement de droite. Mais on peut difficilement les placer catégoriquement dans telle ou telle catégorie.
          Et les anarcho-capitalistes sont en effet plus proches des anarchistes que des conservateurs, cela n’a rien d’une confusion.

        • Le fumiste c’est vous, qui insistez à tout ramener à une dichotomie gauche/droite.

  • Si le libéralisme est une sorte d’oubli, je conviens que la SF peut s’apparenter à du libéralisme, mais je pense que l’on voit plus le coté simplification du récit dans cette tendance à ne pas trop réglementer.

  • Le cycle des fondations de Isaac Asimov…
    toutes les formes de pouvoir utilisant la contrainte comme mode de domination s’écroulent au profit de la puissance d’une société construite par de puissants commerçants voulant se défendre.

    • La psychohistoire et Seconde Fondation ne sont pas exactement des concepts qui collent avec des idées libérales, je pense.

      • +1. Les auteurs sont peut-être libéraux sur certains points, mais le cycle de Fondation et sa pyscho-histoire (ainsi que l’avant-garde de ceux qui ont « compris » face aux masses) lorgnent lourdement en direction de la conception hégélienne de l’histoire et de ce qui s’ensuit.

        Même chose pour Dune d’ailleurs, si Leto le tyran n’est pas une variante de l’avant-garde du prolétariat omnisciente et omnipotente écrasant l’humanité pour des lendemains qui scintillent et qu’elle est évidemment seule à percevoir, faites-moi signe…

        • Il ne faut pas oublier qu’après Seconde Fondation il y a Fondation foudroyée.
          Pour moi, le cycle de Fondation représente la réflexion d’Asimov sur l’histoire, sa philosophie et sa science (en cela c’est éminemment de la science fiction, mais pas à cause des vaisseaux spatiaux).
          L’échec ultime de la psycho-histoire est sa conclusion, et la réponse ultime trouvée au terme de Terre et Fondation est que l’avenir est libre et le restera toujours. Enfin, c’est mon interprétation.

          Je maîtrise moins Dune, dont seule la première partie m’a vraiment intéressé.

          • Asimov est clairement de gauche. La fin de fondation est une fusion dans Gaïa où l’individu disparait totalement.

            Cela n’enlève rien à la qualité d’Asimov. Nobody is perfect 😉

          • Qu’il ait été de gauche je n’en doute pas, d’ailleurs il y a des gens de gauche très bien. Ceci étant, la conclusion de Fondation est plus subtile que ça selon moi.

            On se retrouve avec un mec qui a la particularité étrange de ne jamais se tromper, qui a choisi le plan de Gaïa et qui entreprend un voyage vers la terre des origines pour comprendre pourquoi.
            Là, il découvre que de la même manière que le plan de la Fondation n’était qu’un pion dans le plan de la Seconde Fondation, le plan de Gaïa n’est que l’aboutissement de celui du robot Daneel.

            La morale de tout ça, c’est que tous les plans finissent par foirer à cause d’un « grain de sable » (Le Mulet était un premier exemple de cette idée) et qu’ils ont besoin d’être sauvés par des plans d’un degré supérieur, mais à ce stade il semble qu’on a atteint le degré suprême.

            Bien sûr, explicitement Gaïa/Galaxia est choisie pour que l’humanité soit en mesure de contrer le risque d’une invasion extra-terrestre. Mais à la fin de Fondation foudroyée on a un autre son de cloche : le plan de Gaïa est tout simplement celui qui aura le moins d’influence avant le très long terme, et donc celui qui sera le plus susceptible de dérailler.
            Or, dans les dernières pages du livre, le manipulateur ultime s’apprête à fusionner avec le grain de sable ultime (c’est la dernière phrase : les non humains sont déjà parmi nous).
            Trevize est infaillible quand il s’agit de faire des choix. Pas de les expliquer.

  • Quelques points qui mériteraient d’être précisés…

    « La SF a également tendance à attirer des lecteurs ayant un niveau d’éducation plus élevé que la moyenne ; ces personnes sont aussi plus à même d’être politiquement actives et influentes » -> est-ce le résultat dudit sondage ?

    « Ce qui est vrai des écrivains l’est aussi des lecteurs. Eux aussi sont généralement plus ouverts aux idées nouvelles, plus optimistes vis-à-vis de la technologie et moins attachés à la tradition que les lecteurs des autres genres. Ils sont donc plus à même d’être libéraux. » -> je ne vois pas nécessairement le lien de causalité.

    …mais excellant article dans son ensemble. Un plaisir à lire.

    • Tiens, pour vous changer des débats sur la définition de libéral, libertarien ou anarchiste : « La science-fiction inclut toute histoire se déroulant dans un monde extrêmement différent de notre quotidien ou de n’importe quelle société ayant existé par le passé. »

      Comment dire ?

      A part « MOUHAHAHAHAHA !!!!! », je ne vois pas.

  • Et que dire de matrix, qui est probablement la denonciation la plus virulente et subversive de l’etat et de ses methodes de controle… Un pur chef d’oeuvre de la science fiction cinematographique.

  • Très bon article, vraiment intéressant. J’ajouterai néanmoins que de multiples courants traversent la science-fiction et ils ne sont pas tous très positifs vis à vis de la science et de la technologie. On parle alors de dystopies ( à l’inverse d’utopies).

    Rappelons quand même que de très grosses réussites du cinéma et de la littérature de genre ne font pas dans l’angélisme à ce niveau.
    Je pense bien sûr à Philip K. Dick pour son oeuvre dans l’ensemble mais aussi les adaptations filmées telles que Blade Runner qui avec du recul est vraiment anxyogène. Et en remet une couche particulièrement épicée sur la notion « d’esclave de chair » corvéable à souhait… Mais c’est très loin d’être le seul.

    De plus la multinationale tentaculaire ( avec tout ses défauts) est une des figures de style obligées de bon nombre d’oeuvres ayant marqué le siècle précédent. De K. Dick aux auteurs du courant Cyberpunk. En passant par le cinéma ( Weyland-Yutani? Does it ring a bell?).

    Cela continue encore notamment avec des auteurs biens plus récents comme Iain M. Banks dont je conseille la lecture à tous avec son Cycle de la Culture. D’abord parce que c’est un génie qui risque de disparaître rapidement, mais surtout parce que ce qu’il écrit rentre parfaitement dans le cadre de ce sujet. C’est à dire toute personne TROP attirée par le pouvoir sur les autres (public/privé) est certainement mal en point à l’étage supérieur… Dans sa tête…

  • Les commentaires sont fermés.

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