Faut-il craindre les délocalisations ?

Les délocalisations sont craintes et agitées comme un épouvantail. Est-ce à juste titre?

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Délocalisations

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Faut-il craindre les délocalisations ?

Publié le 15 septembre 2012
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Les délocalisations sont craintes et agitées comme un épouvantail. Est-ce à juste titre ?

Par Tyler Watts (*), depuis les États-Unis.

Article publié en collaboration avec Unmondelibre.org

En période d’élections la controverse sur les délocalisations fait rage. Beaucoup d’électeurs croient que les entreprises qui délocalisent leur production, sont, d’une manière ou d’une autre, responsables de pertes nettes d’emplois dans le pays. En réalité, les délocalisations sont loin d’être à l’origine des difficultés économiques. Elles sont consubstantielles à toute économie de marché développée. La délocalisation, en un sens, est à la source de toute richesse.

Pour démasquer les idées fausses qui entourent cette controverse, commençons par une définition.  Délocaliser signifie « embaucher des travailleurs étrangers, plutôt que des travailleurs nationaux, pour réaliser une tâche particulière ». Pourquoi un entrepreneur adopterait-il cette stratégie ? Il devrait être assez évident que le travail étranger coûte moins cher (cet état de fait peut être spontané ou peut résulter de l’intervention de l’État.)

Cette externalisation permet donc à l’entreprise de vendre ses produits à des prix plus faibles et à ses actionnaires de toucher des profits plus élevés. Cela indique que l’entreprise crée plus de valeur avec la même quantité de ressources. Pour défendre une stratégie de délocalisation, un dirigeant d’entreprise pourrait s’exprimer de la façon suivante : « c’est économiquement bénéfique pour nos clients et nos actionnaires. »

Qu’en est-il du sort des travailleurs ? Les médias sont obnubilés par un aspect particulier du phénomène, les « délocalisations d’emplois nationaux à l’étranger ». Même s’ils reconnaissent les gains pour les consommateurs (des prix plus faibles) et pour les actionnaires (des profits plus élevés), nombre de commentateurs prétendent que ces gains sont compensés par des pertes d’emplois nationaux.

Rotation des emplois

Tout d’abord, il faut reconnaître que, dans une société libre, les travailleurs n’ont aucun droit à conserver leur emploi. La plupart des emplois sont des arrangements contractuels qui peuvent être rompus par la volonté des parties, à n’importe quel moment et pour n’importe quelle raison. Les travailleurs perdent leurs emplois, pour diverses raisons, et en trouvent de nouveaux, même pendant une récession. Les licenciements massifs associés aux délocalisations ne sont pas différents économiquement, ils sont simplement plus visibles, et, partant, sont davantage la cible des hommes politiques démagogues, particulièrement pendant une récession.

Il ne faut pas pour autant ignorer le malaise des travailleurs, quelle qu’en soit la cause. Le processus d’ajustement associé à l’externalisation peut être douloureux. Ce n’est jamais facile pour les individus de trouver de nouvelles opportunités d’emploi, d’autant plus que dans ce cas un grand nombre de travailleurs se retrouvent sur le marché du travail et cherchent un emploi au même moment. Les coûts de réajustement sont particulièrement élevés pour les gens avec des obligations familiales et des attaches locales fortes. Les ménages surendettés rencontrent également des difficultés pour migrer. Se former à un nouveau métier est particulièrement difficile pour les personnes d’un certain âge. Les histoires tragiques abondent, et les hommes politiques les utilisent avec talent pour faire passer des lois et des programmes visant à interrompre le processus du marché dans le but de « sauver des emplois nationaux ».

Mais le changement économique ne se produit pas pour rien ! Sur un marché libre, lorsqu’une stratégie d’externalisation devient viable, les forces du marché indiquent aux entrepreneurs, aux travailleurs, aux propriétaires des ressources, que les vieilles méthodes de production, les anciens emplacements, les vieilles habitudes, ne sont plus d’actualité. De meilleures méthodes sont disponibles désormais. Pour le bien de l’humanité, pour profiter des plus grandes opportunités mondiales, il faut réorganiser la production. Beaucoup de gens sont désormais capables de produire à un moindre coût ailleurs ce que les gens produisaient ici. Cela signifie que les travailleurs locaux doivent trouver une autre occupation, se déplacer de région, se diriger vers une autre industrie, mettre à jour leurs compétences etc.

Les échanges

Bien sûr, le marché n’est pas une personne et n’a pas d’objectif à proprement parler. Lorsque nous parlons du marché, nous nous référons à une forme d’organisation des échanges, de la production, de la spécialisation, qui relie d’innombrables individus à travers le monde. Pourtant l’intuition centrale de la science économique est que, lorsque les gens poursuivent leur intérêt propre, les « forces du marché » font en sorte que la valeur de ce qui est produit à travers l’espace du marché (ici, le monde) est maximisée. Les échanges internationaux sont centraux et font partie intégrante de ce processus de marché. On appelle délocalisation le fait que des grandes entreprises réorganisent certains processus de production au-delà des frontières nationales arbitrairement définies. Le terme évoque le personnage de Gordon Gekko, l’avide banquier du film Wall Street, ou de dirigeants d’entreprise véreux dans une salle de conférence, riant des profits énormes qu’ils pourraient réaliser en transférant leur production de gadgets de Chicago à Shanghai.

Mais en réalité, le progrès économique s’accompagne toujours de délocalisations. Nous « délocalisons » tous constamment ! Quand le client d’un supermarché préfère une bière allemande ou un café colombien à un produit national, peu de gens l’accusent de délocaliser (mis à part les militants « localistes »). Pourtant le consommateur s’engage dans un échange impliquant une production lointaine. N’est-ce pas un acte de délocalisation quand j’achète un livre en ligne en provenance de Boston, ou un costume en provenance de Seattle ? La délocalisation est partout !

Pour comprendre l’importance de la délocalisation, considérez un monde où cette stratégie serait absente. Dans ce monde, tout – je dis bien tout ! – ce que vous utilisez doit être acquis dans une zone proche de l’endroit où vous vivez. Comme l’économiste Russ Roberts l’a souligné, nous avons déjà tenté l’expérience : cela s’appelait le Moyen Âge, et la vie y était « désagréable, brutale et brève ». Les progrès économiques des siècles récents ont été accompagnés d’une délocalisation, d’une externalisation croissante de l’activité, ce qu’Adam Smith appelait l’élargissement de la « division du travail », et David Ricardo « l’avantage comparatif ». Nous avons « délocalisé » la plupart de notre production de nourriture, du champ derrière notre cabane vers la grande ferme industrielle qui utilise un outillage sophistiqué, l’ingénierie génétique et les procédés chimiques, eux-mêmes dépendants d’un processus de production hautement spécialisé, délocalisé à travers le monde.

Nous avons délocalisé notre production de vêtements, abandonnant le métier à tisser familial au profit de l’industrie textile, qui elle-même a connu une délocalisation du nord de l’Angleterre vers la Nouvelle Angleterre, puis vers le sud des États-Unis, et désormais vers l’Asie. Nous avons délocalisé la production de loisir, abandonnant le troubadour du village au profit des grands studios d’enregistrement et désormais, grâce à Internet, au profit de multiples spécialistes à travers le monde.

La croissance de la productivité

La liste pourrait être étendue infiniment. Tout au long de l’histoire, la croissance de la délocalisation s’est traduite par une croissance de la productivité, une croissance des opportunités et des accomplissements humains, une croissance du niveau de vie. Ce n’est pas une coïncidence. La science économique montre que la délocalisation n’est pas un fléau pour la santé économique d’un pays : c’est un composant indispensable du progrès économique.

La science économique souligne que le problème central est la rareté, et non la délocalisation, qui est au contraire (une partie) de la solution. Les hommes politiques et toutes les personnes favorables au progrès économique, devraient réfléchir à des politiques qui permettraient aux entrepreneurs, aux travailleurs, et aux propriétaires des ressources de mieux s’insérer dans l’économie mondiale, qui, fort heureusement, est de plus en plus interconnectée.

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Sur le web.

(*) Tyler Watts est professeur assistant d’économie à l’Université d’état de Ball. Cet article est une version de l’article original paru sur www.TheFreemanOnline.org.

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Créer un compte Tous les commentaires (2)
  • Il faut souligner d’ailleurs que l’on qualifie, par abus de langage, de délocalisation n’importe quelle activité d’une firme dans un pays étranger. Or, il peut s’agir d’une création ex nihilo : la firme crée des emplois pour développer une production nouvelle ou pour toucher un nouveau marché. Alors qu’une délocalisation au sens strict c’est le déplacement géographique d’une activité existante : on supprime les emplois ici pour les créer là.

  • comme disait gary johnson, les emplois que l’on délocalise sont les emplois dont nous ne voulons pas (pas assez rémunérateurs par exemple).

    j’ajouterais que l’état via ses régulations du marché de l’emploi rend aussi la tâche très difficile pour quelqu’un qui veut employer un français.

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