Le nouveau bazooka monétaire de M. Draghi

Quelques réflexions sur les Outright Monetary Transactions, le nouveau bazooka monétaire de M. Draghi.

Partager sur:
Sauvegarder cet article
Aimer cet article 0

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Le nouveau bazooka monétaire de M. Draghi

Publié le 12 septembre 2012
- A +

Quelques réflexions sur les Outright Monetary Transactions, le nouveau bazooka monétaire de M. Draghi.

Par Georges Kaplan.

Les informations dont nous disposons à ce jour sont les suivantes :

(i) C’est un programme au travers duquel la BCE entend acheter sur le marché secondaire [1] des obligations souveraines émises par des États en difficulté comme l’Italie ou l’Espagne.
(ii) Pour bénéficier de cette aide, les pays concernés devront adhérer à un programme fonds européen de stabilité financière (qui sera remplacé par le mécanisme européen de stabilité 2013).
(iii) Mario Draghi a utilisé le mot en U, « unlimited » et ne fixe aucune limite de durée à l’opération.
(iv) La BCE entend se focaliser sur la partie courte de la courbe (le segment 1-3 ans).
(v) Comme pour le SMP et contrairement aux Quantitative Easings étasuniens, M. Dragui entend stériliser intégralement les achats de la BCE c’est-à-dire que les OMTs ne devraient – en principe – pas avoir d’impact inflationniste sur la base monétaire (M0).

De toute évidence, l’objectif de la BCE est d’exercer une pression à la baisse sur les taux auxquels les États concernés peuvent espérer se refinancer. Il s’agit non seulement de faire baisser la pression sur leurs comptes publics mais aussi d’améliorer les conditions d’emprunts des entreprises et des ménages qui dépendent d’eux (i.e. leurs contribuables) – c’est sans doute ce que M. Draghi entend lorsqu’il parle d’assurer une « transmission appropriée de la politique monétaire ».

De ce point de vue, agir sur la partie courte de la courbe n’a pas vocation à rassurer les Allemands (ou, du moins, pas seulement) : c’est surtout une question d’efficacité. La BCE concentre le tir sur le segment sur lequel elle a le plus d’influence et s’attend à ce que le reste de la courbe suive (ce qui sera vraisemblablement le cas).

Sans aucune limite apriori de montant comme de durée, l’opération OMTs est beaucoup plus crédible que le Securities Markets Programme (à peine 209 milliards d’euros). C’est d’ailleurs précisément la raison pour laquelle M. Draghi a utilisé le mot en U : il entend rappeler à tout le monde qu’il a une planche à billets et qu’on ne badine pas avec un homme décidé qui a une planche à billets.

La stérilisation peut prendre deux formes : la méthode la plus simple consiste à financer les achats de la BCE en vendant des actifs de bonne qualité et très liquides comme du schatz ; en revanche, cette approche trouvera rapidement sa limite naturelle : la taille du portefeuille de la BCE. Il est donc très probable que M. Draghi utilise essentiellement la même méthode que pour le SMP ; laquelle qui consistait à pomper la liquidité des banques à l’aide de comptes rémunérés à une semaine (i.e. les Fixed-term deposits). C’est simple, très souple et c’est effectivement potentiellement infini.

En d’autres termes, nous allons assister – dans des proportions inconnues – à (i) une accélération de la dégradation de la qualité des actifs détenus par la BCE et (ii) une expansion du bilan de la banque centrale. Au-delà de la dégradation continue des exigences de la banque en matière de collatéral (pour les MROs et les LTROs) [2], la BCE porte maintenant le risque de crédit des deux LTROs (1 trillion d’euros [3]) ainsi que celui de son portefeuille de titres (les deux Covered Bond Purchase Programme et le SMP, soient 279 milliards d’euros) et opère déjà avec un levier de 36x (total du bilan/capital et réserves) pour un bilan de plus de 3 trillions…

Évidemment, la BCE ne peut pas faire défaut. En cas de défaillances importantes dans son portefeuille elle n’aura que deux possibilités pour continuer à assurer le service de sa dette : (i) une très improbable recapitalisation ou (ii) la planche à billet. C’est là, très probablement et au-delà des aspects purement politiques, la raison qui a poussé la BCE à exiger l’adhésion des États aidés à un programme FESF/MES et c’est également pour cette raison qu’elle a fait le choix d’affecter l’essentiel de ses profits 2011 à son fonds de réserve. En résumé, les nouveaux garants de la dette des pays qui bénéficieraient de l’aide de la BCE ne seront plus seulement les contribuables via leurs gouvernements mais les détenteurs d’euro directement.

À suivre…


Sur le web.

Notes :

  1. Les statuts de la BCE lui interdisent de financer directement les États de la zone euro et donc d’intervenir sur le marché primaire. Ce n’est donc pas, à proprement parler, de la monétisation.
  2. Pour les prêts nantis, ce n’est pas un problème puisque les banques en restent légalement propriétaires ; en revanche, pour les opérations de repo, c’est la BCE qui porte le risque.
  3. Échelle courte : 1 trillion = 1 000 milliards.
Voir les commentaires (4)

Laisser un commentaire

Créer un compte Tous les commentaires (4)
  • Si j’ai bien compris le principe de stérilisation qui consiste à monétiser d’une part en diminuant d’autre part, cela risque surtout d’assécher le crédit pour les entreprises/immobilier et donc de provoquer un cycle de liquidations.
    Draghi va peut-être alléger la charge des états, mais créer une fameuse dépression sans espoir de reprise.
    La soviétisation est en marche…

  • « La stérilisation peut prendre deux formes : la méthode la plus simple consiste à financer les achats de la BCE en vendant des actifs de bonne qualité et très liquides comme du schatz ; en revanche, cette approche trouvera rapidement sa limite naturelle : la taille du portefeuille de la BCE »

    Etes vous sur que c’est la taille … et non la qualité du portefeuille de la BCE qui va rapidement atteindre ses limites ? Avec les dernières opérations de LTRO, la BCE a fait exploser son bilan, et le nombre de titres qu’elle a en pension, non ?

  • Les commentaires sont fermés.

La liberté d’expression n’est pas gratuite!

Mais déductible à 66% des impôts

N’oubliez pas de faire un don !

Faire un don

Charles-Henri Colombier est directeur de la conjoncture du centre de Recherche pour l’Expansion de l’Économie et le Développement des Entreprises (Rexecode). Notre entretien balaye les grandes actualités macro-économiques de la rentrée 2024 : rivalités économiques entre la Chine et les États-Unis, impact réel des sanctions russes, signification de la chute du PMI manufacturier en France, divergences des politiques de la FED et de la BCE...

 

Écarts économiques Chine/États-Unis

Loup Viallet, rédacteur en chef de Contrepoints... Poursuivre la lecture

Vous avez peut-être vu les performances récentes de certaines actions en Bourse, qui semblent déconnectées de la réalité. Par exemple, l’action de Meta affiche un gain de 135 % cette année, tandis que les ventes n’ont pas grimpé depuis 18 mois !

Les GAFAM dans l’ensemble font des hausses de 40 % ou plus, ce qui ajoute des milliards de milliards de dollars de valorisations à la Bourse.

Or, comme vous le savez, la banque centrale effectue un resserrement des taux depuis l’année dernière. En principe, la hausse des taux d’intérêts ... Poursuivre la lecture

La communication de la Banque centrale européenne, de même que les commentaires de nombreux économistes, laissent croire que l'inflation n'existait pratiquement plus avant les événements déstabilisateurs qui se sont enchaînés à partir de 2019 (pandémie, guerre, etc.). Le taux annuel d'inflation sur la base de l'année précédente est l'indicateur de choix pour la quasi-totalité des discussions autour de la question du coût de la vie.

Cet usage statistique pourrait faire oublier un fait majeur : les prix ont connu une très forte hausse en... Poursuivre la lecture

Voir plus d'articles