Emplois aidés, une mesure efficace ?

Jean-Marc Ayrault a annoncé la création de 150 000 emplois aidés sur 2 ans. S’agit-il d’une mesure efficace ? Ces emplois sont peu efficaces en termes de retour à l’emploi, parfois humainement dévastateurs et coûteux pour le contribuable. En outre, en avons-nous les moyens ?

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Michel Sapin, ministre du travail et responsable de ces contrats aidés

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Emplois aidés, une mesure efficace ?

Publié le 27 août 2012
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Jean-Marc Ayrault a annoncé la création de 150 000 emplois aidés sur 2 ans. S’agit-il d’une mesure efficace ? Ces emplois sont peu efficaces en termes de retour à l’emploi, parfois humainement dévastateurs et coûteux pour le contribuable. En outre, en avons-nous les moyens ?

Par Aurélien Véron.

Michel Sapin, ministre du travail et responsable de ces contrats aidés

L’annonce des 150 000 emplois aidés supplémentaires n’a pas suscité d’enthousiasme à gauche. De son côté, la droite peut difficilement critiquer un artifice dont elle a elle aussi usé et abusé en son temps. Initialement, ces contrats aidés devaient favoriser une réinsertion professionnelle de personnes totalement coupées du monde du travail. Rapidement, ils ont servi de palliatif au chômage de masse et ont concerné une multitude de catégories de chômeurs. Leur objectif est aujourd’hui des plus confus. Les contrats réellement destinés à accompagner vers le marché du travail des personnes en grande difficulté sont marginaux. Pour l’essentiel, il offre d’abord aux employeurs un moyen de s’affranchir de la barrière du Smic.

S’affranchir du Smic

La preuve la plus évidente, c’est l’exclusion ou, au mieux, la réduction des aides accordées aux entreprises privées. Le secteur « marchand » ne doit pas profiter d’une main-d’œuvre bon marché améliorant ses marges dans l’esprit du législateur. Ce sont au contraire le secteur public et le monde associatif qui travaillent pour l’intérêt général. En principe, ils sont donc moralement excusés de disposer d’une main-d’œuvre considérée comme sous-payée en France. Personne n’ose rappeler que les administrations publiques en abusent fréquemment, habituées qu’elles sont à vivre affranchies du Code du travail. En tout cas jusqu’au moment où l’abus devient tellement excessif qu’il aboutit à leur mise en cause judiciaire. Elles n’en deviennent pas plus franchement vigilantes pour autant, car de toute manière, ce ne sont pas elles, mais les contribuables qui payent au final.

La Mairie de Paris prise la main dans le sac

C’est ce qui vient d’arriver à la Mairie de Paris. La CGT a dénoncé 300 cas de personnes dont le contrat avait dépassé les limites légales de 2 ans (tout de même). Au-delà du coût humain, cette affaire sordide va coûter plusieurs millions d’euros à la Mairie de paris… enfin aux Parisiens. L’Éducation Nationale fait aussi partie de ces administrations qui se révèlent trop souvent négligentes avec le délai maximal de nombre de ses employés « aidés ». Ses condamnations par les Prud’hommes sont fréquentes. Sans effet.

Casse sociale

Mais le plus inquiétant de ces contrats, c’est que leurs bénéficiaires se retrouvent piégés une fois qu’ils occupent ces postes. Comme l’a confirmé le rapport de la Cour des Comptes d’octobre dernier, les contrats aidés ne débouchent pas sur un meilleur accès au marché de l’emploi à leur terme. L’employeur a profité de l’effet d’aubaine. Au lieu d’embaucher du personnel au Smic, il a fait appel à ces emplois bien moins coûteux, rien de plus. Cet échec flagrant se traduit par un ressentiment de ceux qui ont cru être sortis d’affaire avec cette filière artificielle. Non seulement ces contrats ne débouchent sur rien, mais ils peuvent même compliquer les emplois suivants du fait de leur mauvaise perception par les employeurs. Ils portent, hélas, le sceau de l’emploi « bidon » faiblement utile et peu exigeant, même lorsque la mission a été sérieuse et consistante.

Dans les faits, le contrat aidé tend à prolonger la précarité. Il contribue par ailleurs à renvoyer une mauvaise image de lui-même à celui qui sait ne tenir son salaire que par la grâce de l’État aux motifs évidents. Il connait comme tous l’intérêt du gouvernement d’entretenir ce « parking à chômeurs » comme l’a appelé assez justement Patrick Devedjian en son temps, parking qui lui permet de limiter temporairement l’augmentation du chômage officiel. Le tout pour 1,5 milliard d’euros de plus que le budget existant pour les emplois aidés actuels (plus de 500 000 en 2011) au moment où la lutte contre les déficits devient une priorité vitale. Le coût humain et financier justifie-t-il vraiment l’emploi de cet outil ambigu ?

Publié initialement par Le Cercle – Les Échos

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  • Quelle est la différence entre les emplois aidés et les ateliers nationaux de 1848, en excluant la forme?
    A mon avis aussi inutile l’un que l’autre à l’économie et à la réduction du chômage et ceci pour un coût élevé.

    • La même différence qu’entre la corvée en nature et le paiement d’un impôt. La différence de forme n’est donc pas négligeable en la matière.

  • Un emploi aidé est un faux emploi. Un emploi vraiment utile n’a pas besoin d’être aidé. Au final, c’est un tiers (le contribuable) qui est obligé de financer l’emploi d’une personne qui ne lui est d’aucune utilité. Cette personne dépensera ainsi l’argent gagné par ce tiers à sa place. C’est purement une mesure sociale (redistribution des richesses). Conséquence : on démotive l’effort (le tiers) et on encourage la paresse (l’assisté). Cela ne peut qu’être négatif pour l’économie, à plus ou mons longue échéance.

    • Plus simplement :
      Par définition, un emploi aidé produit moins de richesse qu’il n’en consomme ; il réduit le PIB, l’économie, et (du point de vue de l’Etat) la matière fiscale.

  • Les emplois de fonctionnaires ne sont-ils pas tous des emplois aidés? J’ai du mal à voir comment tous ces emplois pourraient être financés sans la coercition de l’État… du moins pour tous ceux qui sont dans la sphère non régalienne… et qui trouvent une utilité que pour ceux qui les occupent qu’à travers le vol des autres…

    • Beaucoup d’emplois d’actuels fonctionnaires peuvent être financés sans la spoliation légale : typiquement, tous les domaines où l’Etat a décidé de devenir producteur, comme les soins médicaux ou l’enseignement.

      Si l’Etat ne s’en occupait plus, il y aurait encore des hôpitaux, des écoles, des universités, et les personnels utiles qui y travaillent. Evidemment, les administratifs y seraient probablement moins nombreux.

  • Ce genre d’emploi ne conduit nulle part

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