Mariage et acquisition de la nationalité

La législation pour lutter contre les mariages blancs a fait l’objet d’une décision rendue sur QPC le 13 juillet 2012.

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Mariage et acquisition de la nationalité

Publié le 6 août 2012
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Après le dispositif de lutte contre les mariages forcés, validé par le Conseil constitutionnel le 12 juin 2012, c’est aujourd’hui la législation visant à empêcher les mariages blancs qui fait l’objet d’une décision rendue sur QPC le 13 juillet 2012.

Par Roseline Letteron

Durée du lien matrimonial

Les années récentes ont vu l’intervention de lois de plus en plus sévères, visant à empêcher que l’union matrimoniale ait pour seul objet l’acquisition de la nationalité française par l’un des époux. Le code civil, dans son article 21-1 affirme ainsi que le mariage n’exerce de plein droit aucun effet sur la nationalité.

La loi exige désormais une communauté de vie effective, une durée de stabilité du lien matrimonial, à l’issue de laquelle le conjoint étranger peut décider, par déclaration, d’acquérir la nationalité. Cette durée est passée de une année en 1998 à deux en 2003, pour finalement atteindre quatre ans en 2006, voire cinq lorsque les époux n’ont pas résidé durablement en France depuis le mariage (art. 21-2 c.civ.). Le procureur de la république peut cependant refuser l’enregistrement de cette déclaration, lorsqu’il constate notamment une absence de communauté de vie qui laisse présumer un « cas de mensonge ou de fraude » (art. 26-4 c. civ.).

Jan van Eick : mariage de Giovanni Arnolfini
Jan van Eick : mariage de Giovanni Arnolfini

Dans une décision du 30 mars 2012, M. Omar S., le Conseil avait déclaré constitutionnelle la rédaction de l’article 21-2 du code civil issue de la loi du 26 mars 1998, imposant un délai d’une année avant la déclaration de nationalité. A l’époque, le recours portait essentiellement sur l’exercice des droits de la défense, dès lors que la procédure prévoit une présomption de fraude lorsque la communauté de vie a cessé durant le délai imposé. Dans l’affaire Saïd K. du 13 juillet 2012, la QPC porte cette fois sur la rédaction issue de la loi 26 novembre 2003 allongeant la durée de stabilité du lien matrimonial à deux années. Le requérant s’appuie alors sur la violation de sa vie privée et familiale, mais le Conseil fait observer, d’ailleurs très justement, que le fait de ne pas disposer de la nationalité française n’a aucune conséquence sur la vie privée ou familiale de la personne.

La communauté de vie entre époux

L’article 215 du code civil, applicable à tous les mariages, énonce que « les époux s’engagent mutuellement à une communauté de vie« . La loi du 26 décembre 2003, celle qui précisément est contestée, exige en outre, lorsque l’un des époux veut acquérir la nationalité française, que cette communauté  soit « affective« . A cet égard, la loi se montre, du moins en apparence, plus rigoureuse pour ces conjoints.

Ce caractère « affectif » manque cependant de clarté, d’autant que le droit positif, peu ouvert au romantisme, n’impose pas à ceux qui contractent mariage de s’aimer. Il tient d’ailleurs compte du fait que certains couples peuvent avoir deux domiciles distincts, par exemple pour des motifs professionnels, sans que cette séparation géographique porte atteinte à la communauté de vie (art. 108. c. civ.).

« Misérable est l’amour qui se laisserait mesurer« 

Cette nécessité d’une communauté de vie « affective » dans le cas d’une acquisition de la nationalité a finalement été entendue de manière étroite par les juges du fond. Se refusant à entrer dans l’intimité des sentiments, ils s’inspirent de la célèbre formule de Shakespeare, dans Antoine et Cléopâtre : « Misérable est l’amour qui se laisserait mesurer« . Ils se bornent à prendre acte de l’effectivité de la communauté de vie, reprenant finalement les dispositions de l’article 215 du code civil.

C’est également la position du Conseil constitutionnel, qui estime que cette nouvelle rédaction, n’emporte aucune violation de la vie privée et familiale. Il reprend ainsi sa jurisprudence de mars 2012, et considère que l’allongement de la durée de stabilité matrimonial exigée pour obtenir la nationalité, n’empêche pas les conjoints de mener une vie privée et familiale normale. Il rappelle cependant que la loi doit prévoir avec précision le délai durant lequel le procureur peut contester la déclaration d’acquisition de la nationalité, afin que les conjoints ne soient pas placés dans une situation d’insécurité juridique pendant une trop longue durée.

L’immobilisme même de cette jurisprudence révèle la volonté du Conseil de laisser le législateur jouer pleinement son rôle dans la lutte contre les mariages blancs, y compris en adoptant des dispositions rigoureuses pour les couples concernés. Il appartient donc au législateur, s’il le souhaite, d’alléger ces conditions d’acquisition de la nationalité, notamment lorsque le désir d’intégration du conjoint étranger ne fait aucun doute.
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  • Ou comment l’État réussit à s’immiscer dans notre vie privée… que dis-je, notre intimité ! Cet État si pudique lorsqu’il s’agit de celle de nos hommes politiques ou de ses propres dépenses (d’argent public) …

  • Qu’est-ce que la nation, qu’est-ce que l’État ?
    Le second devrait préserver la première.
    Les libéraux ont tort de rejeter tout cela d’un revers de main au nom de l’individualisme, car l’individualisme est un choix collectif.
    Le refus de ce paradoxe est puéril.

    Reagan disait qu’on n’est jamais à plus d’une génération de perdre la liberté.
    Les libéraux égoïstes profitent d’une liberté payée par leurs parents et lègueront l’esclavage à leurs enfants.

    Sur le fond, les lois sur le mariage blanc sont du vent.
    La pression démographique islamisante ne nous laisse, pour préserver la nation française, d’autre choix que la suppression de tout droit du sol et un droit du sang très restrictif.
    Faute de quoi c’est sur la base de concepts islamiques que raisonneront nos petits-enfants et que seront définies les institutions leur « France ». Autant dire que les notions d’individu, de liberté et de responsabilité ne seront même pas des souvenirs…

  • « Faute de quoi c’est sur la base de concepts islamiques que raisonneront nos petits-enfants et que seront définies les institutions leur « France ». Autant dire que les notions d’individu, de liberté et de responsabilité ne seront même pas des souvenirs… »

    Au lieu de crier à la haine vendue par les médias, regardez autour de vous. L’athéisme se répand à vitesse grand V chez les jeunes d’origine musulmane.

    La France et ses notions de « liberté » ne sont donc malheureusement pas prêtes de changer …

    • Musulman n’est pas une origine.

    • « L’athéisme se répand à vitesse grand V chez les jeunes d’origine musulmane. »

      J’ai ris.

    • « Musulman n’est pas une origine. »

      –> chez les jeunes dont au moins l’un des parents est musulman.
      (Mieux ?)

      « J’ai ris. »—-> J’ai ri.

      Tant mieux si ça vous fait rire. Dire que ceux qui sont en perte de repère se tournent vers l’islam radical est une chose vraie (et inquiétante).

      En revanche, vivant dans un quartier à forte proportion musulmane, je peux vous garantir qu’une bonne moitié des jeunes se déclarant musulmans n’ont plus rien à voir avec l’islam (pas de ramadan, alcool, etc …)

      Dire que nos petits enfant raisonneront selon des concepts islamiques est donc une pure incitation à la haine.

  • Quelle bande de pleutres ; ils ne vérifient même pas que le mariage ait bien été consommé. Tout se perd.

  • Les commentaires sont fermés.

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